Une nuit de décembre 2019 à Nancy. Une boîte de nuit du centre-ville. Une jeune femme de 18 ans qui sort prendre l’air. Et un homme connu dans la région, gardien de but professionnel, qui propose de la raccompagner. Ce qui aurait pu n’être qu’une rencontre banale va tourner au drame judiciaire six ans plus tard.
Un procès très attendu s’ouvre ce lundi
À partir de ce 1er décembre 2025, Baptiste Valette, 33 ans, comparaît devant la cour criminelle de Meurthe-et-Moselle. L’accusation est lourde : viol aggravé. Le gardien, qui évolue aujourd’hui à Grasse en National 2, risque jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle. Le verdict est attendu mercredi soir au plus tard.
Ce qui frappe immédiatement, c’est le décalage. L’homme qui va s’asseoir dans le box est toujours joueur professionnel. Il continue d’enchaîner les matchs le week-end. Pourtant, depuis six ans, cette affaire le suit comme une ombre.
Que s’est-il passé cette nuit-là ?
Le 15 décembre 2019, Baptiste Valette fête la victoire de l’AS Nancy-Lorraine. L’équipe vient de battre Le Mans. Ambiance festive. Le gardien, alors âgé de 27 ans, sort en boîte avec des amis. Il consomme beaucoup d’alcool – il le reconnaîtra lui-même plus tard.
Vers la fin de la nuit, il croise une jeune femme de 18 ans. Ils discutent. Elle accepte de le suivre dehors. Selon la version de la plaignante, il l’aurait ensuite emmenée sur une terrasse à l’écart et aurait imposé un rapport sexuel malgré son refus clair.
La jeune femme porte plainte dès le lendemain matin. L’enquête démarre immédiatement.
Deux versions radicalement opposées
« C’était consenti. Elle était d’accord à 100 %. »
Baptiste Valette lors de ses auditions
Le gardien a toujours nié tout viol. Il explique qu’il n’a pas donné son vrai nom parce qu’il était connu localement et marié. Il dit avoir voulu protéger sa vie privée en allant « à l’abri des regards » sur cette terrasse. Il reconnaît l’état d’ébriété mais maintient que la relation était désirée des deux côtés.
De son côté, la victime décrit une tout autre scène : peur, blocage, tentative de fuite impossible, menaces implicites liées à la notoriété du joueur. Le dossier médical fait état de lésions compatibles avec son récit.
Un parcours en dents de scie depuis les faits
Après Nancy, Baptiste Valette signe à Cholet, puis Sochaux, avant d’atterrir à Grasse. À chaque fois, il retrouve un club malgré l’ombre de la procédure. Certains présidents affirment ne pas avoir été informés de la gravité des faits. D’autres disent avoir fait le choix du sportif avant tout.
En parallèle, la victime, elle, a dû vivre avec ce traumatisme pendant six longues années d’instruction. Des expertises psychiatriques, des confrontations reportées, des délais interminables… Le chemin classique des affaires de viol en France.
Le foot français face à ses démons
Cette affaire n’arrive pas dans le vide. Ces dernières années, plusieurs joueurs professionnels ont été mis en cause pour des faits similaires. Certains ont été condamnés, d’autres relaxés. À chaque fois, la question revient : comment le milieu du football gère-t-il ces dossiers ?
Il y a eu l’affaire Gomis, l’affaire Mendy (toujours en cours d’appel), les révélations sur les comportements dans certaines équipes de jeunes… Le sport roi doit regarder en face une réalité douloureuse : la notoriété peut parfois protéger, ou du moins retarder la sanction.
Dans le cas Valette, aucun club ne l’a suspendu de manière préventive. Il a continué à jouer, à s’entraîner, à vivre normalement. Est-ce acceptable quand on est mis en examen pour viol aggravé ? Le débat est ouvert.
L’alcool, ce faux ami des soirées
L’alcool joue un rôle central dans ce dossier. Le joueur était ivre. La victime avait aussi bu. La question du consentement sous emprise alcoolique est complexe. La loi française est claire depuis 2018 : une personne ivre peut ne pas être en capacité de consentir librement. C’est tout l’enjeu du débat qui va s’ouvrir devant la cour.
Les juges vont devoir déterminer si l’état d’ébriété du joueur l’a empêché de comprendre un éventuel refus, ou si au contraire la victime n’était plus en mesure d’exprimer une volonté claire. Des experts psychiatres et toxicologues vont être entendus.
Une ville de Nancy divisée
À Nancy, l’affaire fait parler. Certains supporters refusent de croire que « leur » gardien ait pu commettre un tel acte. D’autres estiment que la présomption d’innocence doit primer jusqu’au bout. Dans les bars autour du stade Marcel-Picot, on murmure, on commente, on prend position.
La victime, elle, a quitté la région. Elle a repris ses études ailleurs. Elle reviendra témoigner à huis clos, comme la loi le permet dans les affaires de viol.
Que peut-il se passer mercredi soir ?
Trois scénarios possibles :
- Condamnation pour viol aggravé : jusqu’à 20 ans de prison et inscription au FIJAIS (fichier des auteurs d’infractions sexuelles).
- Condamnation pour agression sexuelle (moins grave) : peine réduite.
- Relaxe totale si la cour estime que le doute persiste.
Quelle que soit l’issue, la carrière de Baptiste Valette ne sera plus jamais la même. Un club osera-t-il encore le signer s’il est condamné ? Et s’il est relaxé, pourra-t-il retrouver une vie normale dans le foot professionnel ?
Derrière l’affaire, une réflexion plus large
Cette histoire nous renvoie à des questions de société profondes. La culture de l’impunité dans certains milieux sportifs. Le poids de la notoriété. La difficulté pour les victimes de faire entendre leur voix face à des personnalités publiques.
Elle nous rappelle aussi que derrière chaque titre de journal, il y a des vies brisées. Celle d’une jeune femme de 18 ans qui n’a rien demandé. Celle d’un homme qui clame son innocence. Et celles de leurs familles respectives, prises dans la tempête médiatique et judiciaire.
Le procès qui s’ouvre ce lundi n’est pas seulement celui de Baptiste Valette. C’est aussi celui d’un système qui peine encore à protéger les victimes tout en respectant la présomption d’innocence. Trois jours pour tenter de faire la lumière sur une nuit de décembre 2019. Trois jours pour que justice soit rendue, quelle qu’elle soit.
À suivre de très près.









