Imaginez un monde où votre banque de quartier peut, en quelques clics, vous acheter du Bitcoin pour le revendre immédiatement à un fonds de pension new-yorkais, sans jamais détenir elle-même le moindre satoshi plus de quelques millisecondes. Ce monde n’est plus de la science-fiction : il commence officiellement le 9 décembre 2025.
Ce jour-là, l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), le régulateur fédéral qui supervise les grandes banques nationales américaines, a publié la lettre interprétative 1188. Un document de quelques pages seulement, mais dont les conséquences pourraient se chiffrer en centaines de milliards de dollars dans les années à venir.
Une petite lettre qui change tout
Concrètement, l’OCC autorise désormais les banques nationales à réaliser des opérations de riskless principal sur les cryptomonnaies. Traduction : elles peuvent agir comme de simples intermédiaires qui achètent un actif numérique à un client A pour le revendre immédiatement à un client B, sans jamais être exposées au risque de marché.
Cette pratique existe depuis des décennies dans la finance traditionnelle (pensez aux obligations, aux actions, aux devises). Appliquée au Bitcoin, à l’Ethereum ou à n’importe quel token, elle change radicalement la donne.
Pourquoi c’est une révolution silencieuse
Pendant des années, les régulateurs américains ont freiné des quatre fers. On se souvient encore des déclarations communes OCC-Fed-FDIC de 2022-2023 qui décourageaient fortement les banques de toucher aux actifs numériques. Ces fameux « statements » sont officiellement retirés en 2025.
Le message est clair : la technologie n’est plus un critère de risque. Seule compte la structure de l’opération. Si l’opération est sans risque (ou presque), elle est autorisée, qu’il s’agisse d’un bon du Trésor ou d’un Bitcoin.
Cette approche « technology neutral » marque la victoire définitive d’un courant qui défend depuis longtemps que la blockchain n’est qu’un nouveau registre comptable, pas une menace existentielle pour le système bancaire.
Comment fonctionne exactement le riskless principal crypto
Techniquement, c’est assez simple.
- Client A veut vendre 10 BTC
- Client B veut acheter exactement 10 BTC au même prix
- La banque exécute les deux ordres simultanément
- Elle touche une commission (souvent quelques basis points)
- À aucun moment elle n’est propriétaire nette des bitcoins
En langage bancaire, on appelle cela un « matched book ». La banque n’a aucune exposition directionnelle. Son bilan reste parfaitement neutre.
Pour les régulateurs, c’est l’équivalent moderne du courtage que les banques font depuis toujours sur les marchés obligataires ou de change. Rien de nouveau sous le soleil… sauf que le sous-jacent est désormais numérique.
Les garde-fous imposés par l’OCC
Ne vous y trompez pas : l’autorisation n’est pas un chèque en blanc.
Les banques devront démontrer :
- Des systèmes de gestion du risque solides
- Une séparation claire des activités de custody et d’intermédiation
- Des procédures KYC/AML renforcées
- Une transparence totale vis-à-vis des clients
- Des tests réguliers de résilience opérationnelle
L’OCC précise que ces activités seront supervisées exactement comme n’importe quelle autre activité de marché. Les examens annuels incluront désormais une revue spécifique des flux crypto.
Pourquoi maintenant ? Le contexte 2025 expliqué
Plusieurs étoiles se sont alignées en 2025.
D’abord, l’arrivée d’une administration clairement pro-innovation à Washington. Ensuite, la maturité évidente du marché : les ETF Bitcoin spot ont dépassé les 100 milliards de dollars d’encours, les ETF Ethereum suivent le même chemin, et même les ETF XRP sont en cours d’approbation.
Les institutions ne demandent plus « est-ce que c’est légal ? » mais « comment faire proprement ? ». Les régulateurs ont choisi de répondre plutôt que de continuer à bloquer.
Le retrait progressif de la fameuse règle SAB 121 (qui obligeait les banques à comptabiliser les actifs custodés en pleine valeur à leur bilan) a également libéré la voie. Sans ce boulet comptable, les grandes banques peuvent enfin envisager la custody à grande échelle.
Les gagnants de cette nouvelle donne
Qui va réellement profiter de cette ouverture ?
- Les grandes banques nationales (JPMorgan, Bank of America, Wells Fargo, Citibank…)
- Les clients institutionnels qui cherchaient désespérément des contreparties régulées
- Les plateformes crypto qui pourront enfin proposer des rampes on/off fiat ultra-liquides
- Les stablecoins émis par des banques (le prochain grand combat)
À moyen terme, on peut s’attendre à voir apparaître des « prime brokers » crypto entièrement bancarisés, capables d’offrir marge, lending, et settlement instantané en dollars comme en tokens.
Et l’Europe dans tout ça ?
Pendant que les États-Unis rattrapent leur retard réglementaire à grande vitesse, l’Europe regarde dans le rétroviseur avec son règlement MiCA. Ironiquement, le cadre européen, qui paraissait si avancé en 2023, commence à montrer ses limites face à l’approche pragmatique américaine.
Plusieurs grandes banques européennes envisagent désormais sérieusement de créer des filiales américaines pour profiter de cette nouvelle liberté. Le centre de gravité de la finance crypto pourrait bien basculer durablement vers New York.
Ce que cela signifie pour le prix des cryptomonnaies
Plus de liquidité bancaire = moins de volatilité = plus d’argent institutionnel = tendance haussière structurelle.
Les analystes qui tablaient sur un Bitcoin à 150 000 $ fin 2025 viennent brutalement de revoir leurs modèles. Certains parlent désormais de 200 000 $, voire plus, si les flux institutionnels se matérialisent aussi vite que prévu.
Et ce n’est que le début. Quand les banques commenceront à proposer des produits structurés, des options listées, des ETF à effet de levier entièrement régulés… le marché crypto entrera dans une nouvelle ère.
Les risques qu’on ne doit pas ignorer
Tout n’est pas rose pour autant.
Une concentration excessive du pouvoir entre les mains de quelques grandes banques pourrait recréer les mêmes problèmes que ceux que la blockchain voulait résoudre. La décentralisation effective risque de reculer si tout passe par JPMorgan et consorts.
De plus, les petites plateformes crypto non bancarisées pourraient se retrouver écrasées par la concurrence déloyale de géants disposant d’un accès illimité à la liquidité fiat.
Vers une hybridation totale de la finance
Ce qui se joue en décembre 2025 n’est rien moins que la fin de la séparation entre finance traditionnelle et finance décentralisée.
Dans quelques années, la question « est-ce que c’est de la crypto ou de la banque ? » n’aura plus aucun sens. Il n’y aura plus qu’une seule finance, augmentée par la blockchain, régulée de manière intelligente, et accessible à tous.
Le 9 décembre 2025 entrera probablement dans les livres d’histoire comme le vrai point de bascule. Pas à cause d’un halving ou d’un ETF, mais à cause d’une simple lettre administrative de quelques pages.
Parfois, les plus grandes révolutions tiennent dans les plus petits documents.
En résumé : Les banques américaines ne sont plus des spectatrices du marché crypto. Elles deviennent les nouveaux rails qui vont permettre à des trillions de dollars d’entrer proprement dans l’écosystème. 2026 s’annonce comme l’année où la finance traditionnelle et la finance décentralisée vont enfin fusionner pour de bon.
Et vous, pensez-vous que cette intégration massive va renforcer la légitimité des cryptomonnaies… ou au contraire les dénaturer ? La réponse, dans les mois qui viennent, promet d’être passionnante.









