Imaginez un petit village paisible au bord du Gange, à seulement 175 km de la capitale bangladaise, soudain propulsé au cœur d’un projet titanesque. Depuis 2017, Rooppur, un nom jusque-là inconnu de beaucoup, est devenu le théâtre d’une ambition énergétique majeure : la construction de la toute première centrale nucléaire du Bangladesh. Mais alors que les réacteurs se préparent à entrer en action d’ici la fin de l’année, une question flotte dans l’air : ce géant de béton et d’acier est-il vraiment prêt à répondre aux attentes d’un pays assoiffé d’énergie ?
Un Projet Historique sous le Regard de l’AIEA
Le samedi dernier, une délégation d’experts internationaux a posé ses valises au Bangladesh. Leur mission ? Passer au peigne fin cette centrale en devenir, fruit d’une collaboration étroite avec la Russie. Pendant cinq jours, ces spécialistes de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) scrutent chaque détail, des systèmes de sécurité aux infrastructures critiques, pour s’assurer que tout est en ordre avant le grand démarrage.
D’après une source proche du projet, cette visite ne sera pas la dernière. Une nouvelle inspection est déjà prévue dans les prochains mois, juste avant l’étape cruciale du chargement du combustible nucléaire, attendu pour mi-2025. L’enjeu est colossal : garantir que cette usine, nichée dans l’ouest du pays, puisse produire sans risque ses premiers kilowatts d’électricité.
Rooppur : Une Centrale aux Chiffres Impressionnants
Au cœur de ce projet, deux réacteurs massifs, chacun capable de générer 1 200 mégawatts, promettent de révolutionner l’approvisionnement énergétique du Bangladesh. Avec un coût total estimé à 12,65 milliards de dollars, dont 90 % financés par la Russie, cette centrale n’est pas seulement une prouesse technologique, mais aussi un symbole de coopération internationale. Les travaux, lancés il y a huit ans, touchent désormais à leur fin, et les lignes à haute tension qui relieront l’usine au réseau national sont presque prêtes.
Les deux lignes électriques seront achevées d’ici mi-mars, nous a-t-on assuré.
– Un responsable du projet
Cette promesse, relayée par une figure clé du chantier, laisse entrevoir une mise en service imminente. Mais derrière les chiffres et les délais, une réalité plus complexe se dessine pour ce pays de 170 millions d’habitants.
Un Besoin Énergétique Criant
Le Bangladesh vit au rythme des pénuries d’électricité, particulièrement durant les étés torrides où la demande explose. Aujourd’hui, une grande partie de son énergie provient d’importations, principalement depuis l’Inde voisine. La centrale de Rooppur pourrait changer la donne, offrant une autonomie énergétique précieuse et une réponse aux coupures fréquentes qui paralysent le quotidien des habitants.
Mais cette dépendance historique soulève une question : un projet aussi ambitieux peut-il vraiment tenir ses promesses dans un délai aussi serré ? Les experts de l’AIEA semblent déterminés à ne laisser aucune place au doute, scrutant chaque recoin pour éviter une catastrophe potentielle.
Sécurité : Le Défi Majeur
Construire une centrale nucléaire, c’est jongler avec des enjeux titanesques. La sécurité, avant tout, est au cœur des préoccupations. Les réacteurs doivent non seulement fonctionner sans faille, mais aussi résister aux imprévus : séismes, inondations ou erreurs humaines. L’équipe internationale actuellement sur place s’attelle à repérer le moindre défaut, une mission d’autant plus cruciale que le Bangladesh s’apprête à entrer dans le club fermé des nations nucléaires.
- Vérification des systèmes de refroidissement.
- Inspection des protocoles d’urgence.
- Évaluation des risques environnementaux.
Ces points, parmi d’autres, sont passés au crible. Car une chose est sûre : une fois le combustible chargé, il n’y aura plus de retour en arrière.
Une Ombre au Tableau : Soupçons de Corruption
Mais l’histoire de Rooppur ne serait pas complète sans un scandale qui fait trembler les hautes sphères. Une enquête judiciaire a récemment été ouverte pour un possible détournement de 5 milliards de dollars, lié à la construction de la centrale. Des accusations qui éclaboussent une ancienne dirigeante, aujourd’hui en exil, et certains membres de son entourage. Une proche collaboratrice, ancienne haut fonctionnaire à l’étranger, a fermement démenti toute implication.
Ce volet sombre ajoute une couche d’incertitude. Les fonds détournés, s’ils sont avérés, pourraient-ils avoir compromis la qualité des travaux ? Pour l’instant, aucune preuve concrète n’a émergé, mais l’affaire reste un point noir dans ce projet pharaonique.
La Russie, Partenaire Clé
Impossible de parler de Rooppur sans évoquer le rôle central de la Russie. Ce n’est pas seulement un financement à hauteur de 90 % que Moscou apporte, mais aussi son expertise technique. Les réacteurs, de conception russe, s’inscrivent dans une longue tradition de collaboration énergétique entre les deux pays. Pourtant, cette dépendance soulève des débats : le Bangladesh peut-il vraiment garder le contrôle d’un projet aussi stratégique ?
D’après une source bien informée, la Russie reste un partenaire fiable, mais certains observateurs s’interrogent sur les implications géopolitiques d’une telle alliance.
Vers un Avenir Énergétique Durable ?
Si tout se déroule comme prévu, Rooppur pourrait marquer un tournant pour le Bangladesh. Finies les coupures intempestives, place à une énergie stable et abondante. Mais ce rêve a un prix, et pas seulement financier. L’impact environnemental, bien que minimisé par les autorités, reste une préoccupation pour les habitants vivant près du Gange.
Aspect | Avantage | Risque |
Énergie | Production massive | Pannes possibles |
Environnement | Moins de CO2 | Déchets nucléaires |
Ce tableau illustre le dilemme : un avenir prometteur, mais semé d’embûches. La réussite de Rooppur dépendra autant de la technologie que de la transparence.
Et Après ?
Alors que l’inspection de l’AIEA touche à sa fin, tous les regards sont tournés vers les mois à venir. Le chargement du combustible, prévu pour mi-2025, sera le véritable test. Réussira-t-il à dissiper les doutes sur la sécurité et la fiabilité ? Ou révélera-t-il des failles insoupçonnées ? Une chose est sûre : Rooppur n’a pas fini de faire parler d’elle.
Entre espoirs d’autonomie énergétique et soupçons de corruption, ce projet incarne les paradoxes d’un pays en pleine mutation. Et vous, qu’en pensez-vous ? Ce géant nucléaire est-il une bénédiction ou une bombe à retardement ?