Bali, l’île des Dieux, fascine les voyageurs du monde entier avec ses paysages enchanteurs, ses traditions ancestrales et son hospitalité légendaire. Mais derrière la carte postale, le tourisme de masse laisse des traces indélébiles. Embouteillages monstres, constructions anarchiques, incidents culturels… Les Balinais, exaspérés, réclament un répit. Un projet de gel des constructions hôtelières est sur la table, suscitant espoir et inquiétude.
Canggu, symbole d’un développement à outrance
Direction Canggu, dans le sud de Bali. Jadis havre de paix entouré de rizières verdoyantes, ce village côtier est méconnaissable. Hôtels, villas, bars et boutiques ont poussé comme des champignons, engloutissant les espaces naturels. Les rues sont constamment engorgées par un ballet incessant de voitures, scooters et camions. “Canggu est plus animé à présent… sa tranquillité et sa verdure disparaissent progressivement”, déplore Kadek, une résidente de 23 ans.
Un moratoire pour souffler
Face à cette situation préoccupante, les autorités envisagent un moratoire de deux ans sur les nouvelles constructions d’hôtels, villas et discothèques. L’objectif : redonner un peu de quiétude à l’île et trouver un équilibre entre les retombées économiques du tourisme et la préservation de l’environnement et de la culture locale. Encore faut-il que cette mesure soit réellement appliquée.
Le gouvernement et la communauté doivent travailler ensemble pour s’assurer que Bali reste verte, ait un avenir durable, et que la culture locale soit préservée.
Kadek Candrawati, résidente de Canggu
Un tourisme en plein essor, mais à quel prix ?
Bali a attiré près de 3 millions de visiteurs étrangers au premier semestre 2023, principalement d’Australie, de Chine et d’Inde. Des chiffres en hausse constante, dopés par des mesures incitatives post-Covid comme les visas pour “nomades numériques” et “visas dorés” pour gros investisseurs. Mais cette ruée vers l’or a un coût environnemental et sociétal considérable :
- Rivières asséchées par la surexploitation des nappes phréatiques
- Falaises littorales excavées pour construire des villas avec vue
- Système d’irrigation traditionnel classé à l’Unesco menacé
- Marées de déchets plastiques sur les plages
- Comportements irrespectueux de certains touristes envers les traditions
Divergences sur l’avenir de l’île
Les avis divergent sur la marche à suivre. Si beaucoup de Balinais approuvent le moratoire, certains acteurs du tourisme s’inquiètent de son impact économique, à l’image de I Gusti Ngurah Rai Suryawijaya, vice-président de l’association des hôtels et restaurants de Bali :
Quand il y a trop d’offre, un moratoire est acceptable afin de diminuer la concurrence, mais en ce moment, la demande augmente. Notre taux d’occupation atteint les 80 à 90%.
I Gusti Ngurah Rai Suryawijaya, vice-président de l’association des hôtels et restaurants de Bali
De son côté, le nouveau président indonésien Prabowo Subianto semble plutôt miser sur le développement à outrance, promettant de faire de Bali “la future Singapour, la future Hong Kong… un centre économique”. Des propos qui laissent présager de nouvelles constructions pharaoniques comme un 2ᵉ aéroport international.
Un joyau en sursis
Pour les défenseurs de l’environnement, il est urgent d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Made Krisna Dinata, directeur du groupe de défense de l’environnement indonésien Walhi, insiste :
Bali est désormais bien trop construite, les espaces verts deviennent urbanisés. Le moratoire proposé devrait être une législation devant non seulement arrêter le développement mais aussi protéger les terres.
Made Krisna Dinata, directeur exécutif de Walhi
La décision des autorités balinaises sera scrutée de près. L’avenir de l’île, tiraillée entre préservation et surdéveloppement touristique, est en jeu. Une chose est sûre : seul un tourisme raisonné et respectueux permettra à Bali de conserver son âme et sa magie. Le paradis n’est pas perdu, mais il est temps d’agir pour le sauver.