Alors que les signaux d’une reprise économique se faisaient sentir, le marché de l’emploi français vient de subir un nouveau coup dur. Selon les estimations provisoires publiées par l’Insee ce vendredi, l’emploi salarié dans le secteur privé a enregistré une baisse significative de 0,2% au quatrième trimestre 2024, soit 50 100 postes détruits en l’espace de trois mois. Un recul préoccupant qui vient ternir les espoirs d’un retour durable à la croissance de l’emploi dans l’Hexagone.
L’intérim, principale victime de la baisse
Premier touché par ce repli : le secteur de l’intérim, souvent considéré comme un baromètre de la santé du marché du travail. Après avoir déjà subi une baisse de 0,9% au trimestre précédent, l’emploi intérimaire a this time plongé de 1,9%, représentant une perte sèche de 14 000 postes sur la période. Un niveau désormais inférieur de 7,8% à celui d’avant la crise sanitaire, signe que les entreprises restent frileuses dans leurs embauches.
Industrie et construction en berne
Les autres secteurs ne sont pas épargnés. Hors intérim, l’emploi salarié privé affiche une quasi-stagnation dans l’industrie et poursuit sa décrue dans la construction. Deux domaines pourtant cruciaux pour la vitalité économique du pays, qui peinent à retrouver leur dynamisme d’antan malgré les aides et le soutien de l’État.
D’ici mi-2025, le secteur privé commencerait à détruire des postes salariés.
Note de conjoncture de l’Insee
Un constat alarmant, alors même que l’Insee prédisait dès décembre un « net ralentissement » de l’emploi privé, allant jusqu’à évoquer un risque de destructions de postes à l’horizon du milieu d’année 2025. De quoi accentuer les inquiétudes sur la solidité de la reprise économique française.
Un coup d’arrêt à la dynamique de création d’emplois
Malgré cette baisse préoccupante, l’emploi salarié privé se maintient pour l’instant au même niveau qu’il y a un an. Mais ce statu quo masque en réalité un véritable coup de frein à la dynamique de créations de postes enclenchée après la crise sanitaire.
Car si l’on compare à fin 2019, le secteur privé compte toujours 1,1 million d’emplois de plus, soit une progression de 5,6%. Un rattrapage conséquent, fruit des aides massives déployées pour soutenir les entreprises et préserver les emplois. Mais cette manne semble désormais se tarir, laissant entrevoir une fragilité persistance de notre économie.
Les limites des dispositifs de soutien à l’emploi ?
Ce brutal coup d’arrêt interroge sur l’efficacité à long terme des nombreux dispositifs mis en place depuis 2020 pour soutenir l’emploi : chômage partiel, aides aux entreprises, plans de relance…
Certes, ils ont permis d’amortir le choc initial et d’éviter une hécatombe sociale. Mais force est de constater que leurs effets s’estompent, laissant apparaître les failles et les retards structurels de notre modèle économique. Il semblerait que le défi de la transformation en profondeur de notre appareil productif reste à relever.
Menace sur le front du chômage
Ces perspectives moroses font craindre une remontée durable du chômage dans les prochains mois. D’autant que la baisse des créations d’emplois intervient dans un contexte de ralentissement économique mondial.
La faiblesse de la demande, la flambée des coûts de l’énergie et des matières premières, les tensions géopolitiques… Autant de facteurs qui incitent les entreprises à la prudence dans leurs embauches. Sans oublier les mutations profondes engendrées par la crise sanitaire, comme l’essor du télétravail, qui rebattent les cartes de l’emploi.
Un défi majeur pour le gouvernement
Face à cette conjoncture défavorable, l’exécutif se retrouve dos au mur. Car la lutte contre le chômage était érigée en priorité absolue du second quinquennat Macron, avec l’objectif de tendre vers le plein emploi à l’horizon 2027.
Mais cette ambition semble s’éloigner un peu plus chaque trimestre. Il y a urgence à trouver de nouveaux leviers pour doper la compétitivité des entreprises et la qualification des demandeurs d’emploi. Tout en poursuivant les réformes structurelles, comme celle de l’assurance chômage, pour s’adapter aux réalités du marché du travail.
Un immense défi, qui nécessitera des arbitrages douloureux et une mobilisation de tous les acteurs économiques et sociaux. Car c’est bien la cohésion de notre société qui se joue derrière ces chiffres de l’emploi en berne. Preuve que derrière la froide réalité des statistiques, ce sont des trajectoires de vie qui vacillent. Des lendemains incertains pour des milliers de familles. Il est plus que temps de réagir.