Imaginez la scène : vous êtes dans un tribunal, lieu censé incarner la justice et le calme. Soudain, des cris, des insultes, des coups qui pleuvent. En quelques secondes, la salle des pas perdus se transforme en ring de boxe géant. C’est exactement ce qui s’est passé ce mercredi à Évry-Courcouronnes, en plein procès pour une rixe mortelle.
Quand la guerre des quartiers envahit la justice
Le troisième jour d’audience devant la cour d’assises de l’Essonne devait être une journée comme les autres. À la barre, plusieurs accusés jugés pour le lynchage d’Arthur, un jeune homme de 19 ans, tué dans la nuit du 15 au 16 juillet 2021 à Sainte-Geneviève-des-Bois. Mais la rivalités anciennes et rancœurs tenaces ont rattrapé tout le monde jusque dans l’enceinte même du palais de justice.
Vers le milieu de l’après-midi, dans la salle des pas perdus, plusieurs dizaines de personnes – familles, amis, connaissances des deux camps – en sont venues aux mains. Les insultes ont fusé, les chaises ont volé, et le service de sécurité interne s’est retrouvé totalement dépassé.
Une bagarre d’une rare violence en plein palais de justice
Les témoins présents décrivent une scène digne d’un film d’action. Des jeunes, majoritairement issus des quartiers rivaux de Sainte-Geneviève-des-Bois et de Saint-Michel-sur-Orge, se sont affrontés sans retenue. Coups de poing, coups de pied, bousculades massives. Certains ont même tenté d’escalader les barrières de sécurité pour atteindre leurs adversaires.
En quelques minutes à peine, l’alerte a été donnée. Plus de cent policiers – oui, vous avez bien lu – ont été mobilisés en urgence pour sécuriser les lieux. Des effectifs de la police nationale, de la BAC, et même des compagnies de CRS présentes dans le secteur ont convergé vers le tribunal. Un cordon hermétique a finalement été établi, et la foule évacuée sous haute tension.
« On aurait dit une émeute. Les agents de sécurité n’avaient aucune chance. Il a fallu l’arrivée massive des forces de l’ordre pour que ça se calme »
Témoin présent sur place
Un contexte explosif depuis quatre ans
Pour comprendre l’ampleur du drame, il faut remonter à l’été 2021. Arthur, 19 ans, originaire de Saint-Michel-sur-Orge, est pris à partie par un groupe de jeunes d’un quartier adverse de Sainte-Geneviève-des-Bois. Le jeune homme est roué de coups, lynché en règle. Il succombera à ses blessures. Un meurtre qui a profondément marqué les deux communes et ravivé une rivalité déjà ancienne.
Quatre ans plus tard, le procès devant les assises devait permettre de tourner la page. Au lieu de cela, il a ravivé les braises. Parmi les personnes présentes dans le public figuraient d’anciens mis en examen finalement mis hors de cause, venus soutenir leurs amis toujours poursuivis. Face à eux, la famille et les proches d’Arthur. La tension était palpable dès l’ouverture des débats.
La justice débordée face à la rue
Cet incident pose une question brutale : jusqu’où la violence des quartiers peut-elle contaminer les institutions ? Le tribunal, lieu symbolique de l’autorité de l’État, s’est retrouvé en quelques minutes transformé en terrain de règlement de comptes. Un symbole fort, et inquiétant.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des tensions éclatent dans ou autour des tribunaux lors de procès sensibles. Mais rarement avec une telle ampleur. Le déploiement de plus de 100 policiers en plein après-midi dans une ville comme Évry-Courcouronnes marque les esprits. Il révèle aussi les limites du dispositif de sécurité habituel face à des groupes déterminés.
Certains observateurs pointent déjà du doigt un manque d’anticipation. Comment a-t-on pu laisser entrer autant de personnes potentiellement hostiles sans fouille renforcée ? Pourquoi n’y avait-il pas plus d’agents dès le début de l’audience ? Des questions qui risquent de rester sans réponse publique.
Les réseaux sociaux en feu après l’incident
Dès les premières minutes, les vidéos ont commencé à circuler. Filmées depuis les étages ou par des personnes présentes dans le hall, elles montrent des scènes d’une violence rare. On y voit des jeunes se battre à dix contre un, des agents de sécurité repousser la foule avec leurs boucliers, et l’arrivée tonitruante des forces anti-émeute.
Ces images, partagées des milliers de fois, ont choqué l’opinion publique. Beaucoup y voient la preuve d’une perte de contrôle totale sur certaines zones et certaines populations. D’autres dénoncent une stigmatisation facile. Quoi qu’il en soit, le débat est relancé sur la gestion de la violence juvénile dans les banlieues.
Et maintenant ?
Le procès, lui, a pu reprendre dans l’après-midi, sous une sécurité renforcée. Mais l’incident a laissé des traces. Les magistrats ont dû composer avec un climat délétère. Les avocats ont demandé – et obtenu – des mesures exceptionnelles pour les prochains jours : fouilles systématiques, limitation du public, présence policière accrue dans tout le bâtiment.
Mais au-delà des mesures immédiates, c’est tout un système qui est interrogé. Comment apaiser des rivalités vieilles de plusieurs années ? Comment éviter que la justice ne devienne le prolongement de la rue ? Et surtout, comment redonner à l’institution judiciaire son caractère sacré et intouchable ?
Une chose est sûre : ce qui s’est passé à Évry-Courcouronnes ce mercredi ne sera pas oublié de Docket. Il restera comme un symbole d’une fracture profonde entre certains quartiers et l’autorité républicaine. Et tant que cette fracture ne sera pas comblée, d’autres tribunaux risquent de trembler.
En résumé :
- Bagarre générale dans la salle des pas perdus du tribunal d’Évry
- Plus de 100 policiers mobilisés en urgence
- Conflit entre quartiers de Sainte-Geneviève-des-Bois et Saint-Michel-sur-Orge
- Procès en cours pour le meurtre d’Arthur, 19 ans, en 2021
- Reprise de l’audience sous haute sécurité
L’histoire n’est pas finie. Elle ne fait que commencer.









