Imaginez la scène : vous êtes à l’extérieur du Stade Océane, le froid de décembre vous mord les joues, et soudain des cris, des bousculades, des fumigènes. Ce n’est pas une embrouille avec les supporters adverses. Non. Ce sont des ultras du même club qui en viennent aux mains. Entre eux. C’est exactement ce qui s’est produit dimanche 7 décembre 2025 lors du match Le Havre – Paris FC (0-0). Et quatre jours plus tard, le Old Clan, l’un des deux grands groupes ultras du Paris FC, annonce qu’il se met en sommeil jusqu’à nouvel ordre.
Un dimanche qui a viré au cauchemar en parcage visiteurs
Le décor est posé dès les premières minutes avant le coup d’envoi. Dans le parcage réservé aux supporters parisiens, deux groupes historiques qui partagent pourtant la même tribune à Charléty depuis des années se font face : le Old Clan d’un côté, les Ultras Lutetia de l’autre. Ce qui aurait dû rester une simple divergence d’opinion dégénère rapidement en bagarre rangée.
Les images, même si elles restent rares, montrent des échanges musclés, des stadiers du Paris FC qui tentent de s’interposer et qui finissent blessés. Le point d’orgue ? La bâche du Old Clan, symbole fort de l’identité du groupe, est arrachée puis brûlée par une partie des Ultras Lutetia. Un acte considéré comme la pire des humiliations dans la culture ultra.
Antoine Arnault, propriétaire du club, descend lui-même sur la pelouse pour calmer les esprits. En vain. Les membres du Old Clan, minoritaires ce jour-là, choisissent de quitter le stade en cours de match et de rentrer à Paris. Le message est clair : ils ne cautionneront pas ce qu’ils considèrent comme une trahison.
Le communiqué qui a fait l’effet d’une bombe
Jeudi matin, le Old Clan publie un texte sobre mais lourd de sens sur les réseaux sociaux :
« Devant la nature des incidents survenus le dimanche 7 décembre au stade Océane et en accord avec les valeurs et principes du mouvement ultra, le Old Clan annonce officiellement sa mise en sommeil jusqu’à nouvel ordre. »
En quelques lignes, c’est toute une page de l’histoire ultra du Paris FC qui se tourne. Le Old Clan, créé au début des années 2000, était considéré comme le groupe le plus ancien et le plus attaché aux valeurs « à l’ancienne » : loyauté, respect du matériel, non-violence entre supporters du même club. Voir ce groupe choisir la mise en sommeil plutôt que la vengeance immédiate en dit long sur la gravité des événements.
Pourquoi une bagarre entre ultras du même club ?
Les raisons précises restent floues, comme souvent dans le milieu ultra où l’omerta règne. Mais plusieurs éléments reviennent :
- Des tensions anciennes sur le leadership dans la tribune Kop de Charléty
- Un différend sur la gestion des déplacements et des places en parcage
- Des divergences idéologiques de plus en plus marquées entre une ligne « traditionnelle » (Old Clan) et une ligne plus jeune et parfois plus radicale (certaines franges Lutetia)
- Une accumulation de petites provocations qui ont fini par exploser ce jour-là
Au-delà des détails, ce qui choque, c’est que cela arrive au Paris FC, un club souvent cité en exemple pour la qualité de son public et l’absence de violence majeure ces dernières années. Le contraste est violent.
Qu’est-ce que la « mise en sommeil » dans la culture ultra ?
Contrairement à une dissolution pure et simple, la mise en sommeil n’est pas forcément définitive. C’est une sorte de pause réfléchie, un retrait volontaire pour éviter l’escalade. Le groupe stoppe toutes ses activités : pas de tifos, pas de déplacements, pas de présence visible en tribune. Les membres continuent d’exister en tant que supporters, mais plus sous la bannière du groupe.
Dans l’histoire ultra française, on a déjà vu des groupes prestigieux faire ce choix : la Brigade Sud Nice en 2010, les South Winners à Marseille à plusieurs reprises, ou encore les Magic Fans à Saint-Étienne. Parfois le groupe renaît quelques mois ou années plus tard, parfois il disparaît pour de bon.
Pour le Old Clan, le message est clair : ils préfèrent disparaître temporairement plutôt que de cautionner ou de participer à une guerre interne qui irait à l’encontre de leurs principes.
Les conséquences immédiates pour le Paris FC
À court terme, l’ambiance risque d’être particulière à Charléty lors des prochains matchs à domicile. Le Kop, habituellement partagé entre Old Clan et Ultras Lutetia, pourrait voir une partie de ses habitués bouder les travées. Moins de voix, moins de chaleur, moins de couleurs.
Le club, lui, va devoir gérer une situation délicate. Antoine Arnault et la direction ont toujours mis en avant leur proximité avec les supporters. Ils risquent maintenant de se retrouver pris en étau entre deux groupes qui ne se parlent plus. Des sanctions individuelles sont probables, peut-être même une fermeture partielle de tribune.
Et puis il y a l’image. Le Paris FC, qui rêve de retrouver un jour la Ligue 1 et qui met en avant son côté « club de quartier authentique », prend un coup. Difficile de vendre du rêve quand vos propres ultras s’étripent en déplacement.
Un symptôme plus large du mouvement ultra en 2025 ?
Cet événement ne sort pas de nulle part. Ces dernières années, on observe dans plusieurs villes une fracture générationnelle au sein des groupes ultras. Les « anciens » reprochent souvent aux plus jeunes un manque de respect des codes, une recherche de visibilité sur les réseaux sociaux, parfois une radicalisation politique ou une attirance pour la violence gratuite.
À l’inverse, les nouvelles générations reprochent aux historiques d’être trop rigides, de freiner l’évolution du mouvement, de ne pas assez s’adapter à la répression grandissante (interdiction de déplacement, interdictions de stade, prix des places qui explosent).
Le Old Clan, avec son communiqué très « vieille école », semble incarner cette fracture. En choisissant la mise en sommeil plutôt que la confrontation ouverte, ils envoient un message fort : pour eux, il y a des lignes rouges à ne pas franchir, même au sein du même club.
Et maintenant ?
Plusieurs scénarios sont possibles dans les prochains mois :
- Une médiation discrète aboutit et le Old Clan reprend ses activités d’ici la fin de saison
- Le groupe reste en sommeil devient définitif et une partie des membres rejoint d’autres associations ou arrête les déplacements
- Les Ultras Lutetia absorbent l’espace laissé vacant et deviennent l’unique force ultra du Paris FC
- De nouveaux groupes émergent pour combler le vide
Quoi qu’il arrive, ce dimanche au Havre laissera des traces. Il rappelle que derrière les fumigènes et les chants, il y a des hommes et des femmes avec des convictions profondes. Et que parfois, ces convictions peuvent mener à des ruptures douloureuses.
Le Paris FC continue son chemin en Ligue 2, avec ses ambitions et ses rêves de montée. Mais dans les travées de Charléty, quelque chose s’est brisé. Reste à savoir si c’était une simple fissure… ou le début d’une fracture plus profonde dans l’âme ultra parisienne.
À retenir
Une bagarre interne sans précédent a opposé le Old Clan et les Ultras Lutetia au Havre.
La bâche du Old Clan a été brûlée, acte symbole d’humiliation maximale.
Le groupe historique choisit la mise en sommeil plutôt que la vengeance.
Le Paris FC se retrouve avec un Kop potentiellement divisé pour longtemps.
L’histoire du Old Clan n’est peut-être pas terminée. Mais pour l’instant, c’est une page qui se tourne. Et dans le monde ultra, certaines pages, une fois tournées, ne se rouvrent jamais.









