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Avocats Contre Sarkozy : Radiation en Vue ?

Un collectif d'avocats vient de saisir la justice pour exiger une enquête déontologique contre Nicolas Sarkozy. Ses condamnations définitives pour corruption et financement illégal remettent-elles en cause son droit à porter la robe ? La question divise le barreau, et une sanction pourrait aller jusqu'à la radiation...

Peut-on encore exercer comme avocat quand on a été condamné définitivement à de la prison ferme ? Cette question, lourde de sens, agite actuellement le barreau de Paris. Un collectif d’avocats a décidé de poser le problème de façon directe en ciblant l’un des leurs : Nicolas Sarkozy, ancien président de la République et membre du barreau depuis plus de quarante ans.

Une saisine inédite contre un ancien chef d’État

Neuf avocats ont franchi le pas en adressant une requête à la procureure générale de Paris. Leur objectif est clair : obtenir l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre de Nicolas Sarkozy. Ils estiment que les condamnations pénales définitives de l’ancien président portent atteinte aux principes fondamentaux de la profession d’avocat.

Pour ces professionnels du droit, la probité constitue le socle même de leur métier. Une condamnation pénale, surtout lorsqu’elle est répétée, ne peut rester sans conséquence sur le plan déontologique. Cette initiative marque une étape rare, où des avocats demandent que l’on applique à l’un des leurs les règles qu’ils défendent quotidiennement devant les tribunaires.

Les condamnations qui posent problème

Nicolas Sarkozy cumule aujourd’hui deux condamnations définitives. La première concerne l’affaire des écoutes, où il a été reconnu coupable de corruption et de trafic d’influence. La peine prononcée : un an de prison ferme. La seconde découle du dossier Bygmalion, lié au financement irrégulier de sa campagne présidentielle de 2012. Là encore, la justice a tranché : un an d’emprisonnement, dont six mois ferme.

Ces décisions ne sont plus susceptibles d’appel. Elles sont entrées dans les faits judiciaires incontestables. Pour les avocats à l’origine de la saisine, ces jugements heurtent directement l’image et les valeurs de la profession. Ils soulignent qu’un avocat doit incarner une certaine exemplarité, même s’il bénéficie comme tout citoyen de la présomption d’innocence jusqu’au dernier recours.

La question centrale reste posée avec force : un avocat définitivement condamné à de la prison ferme peut-il continuer à plaider, à conseiller, à représenter des clients devant les tribunaires ?

La déontologie au cœur du débat

Le code de déontologie des avocats est formel sur plusieurs points. La probité figure parmi les principes essentiels. Un manquement grave peut entraîner des sanctions disciplinaires, allant de l’avertissement jusqu’à la radiation définitive du barreau.

Les initiateurs de la procédure rappellent qu’une première condamnation pénale constitue déjà un manquement déontologique. Lorsque les faits se répètent, l’absence de réaction apparaît comme une anomalie difficilement compréhensible. Ils refusent que la profession ferme les yeux sous prétexte de la notoriété de l’intéressé.

Non, Nicolas Sarkozy ne peut plus incarner la profession, il n’a plus le droit d’être avocat.

Jérôme Karsenti, avocat membre du collectif

Cette position tranchée traduit un malaise plus large. Certains confrères estiment que laisser un avocat condamné poursuivre son activité sans conséquence disciplinaire affaiblit la crédibilité de l’ensemble de la profession aux yeux du public.

Le parcours de Nicolas Sarkozy au barreau

Inscrit au barreau de Paris depuis 1981 sous le numéro de toque R175, Nicolas Sarkozy a toujours maintenu son statut d’avocat, même durant ses mandats politiques. Après son départ de l’Élysée, il a repris une activité au sein du cabinet Claude & Sarkozy, rebaptisé Realyze en 2020.

Cette double casquette – ancien chef d’État et avocat d’affaires – lui a permis de conserver une influence notable dans les milieux juridiques et économiques. Mais aujourd’hui, cette situation est remise en cause par une partie de ses pairs qui considèrent que les faits reprochés dépassent le simple cadre politique.

La corruption et le financement illégal de campagne ne sont pas des infractions mineures. Elles touchent directement à l’intégrité que l’on attend d’un officier ministériel, statut dont bénéficient les avocats.

La procédure disciplinaire expliquée

En droit français, plusieurs voies permettent d’engager une action disciplinaire contre un avocat. Le bâtonnier peut se saisir lui-même, ou le parquet général transmet les condamnations pénales définitives à l’Ordre des avocats. Celui-ci décide alors de la suite à donner.

Dans le cas présent, les avocats ont choisi de passer par la procureure générale. Cette démarche oblige l’institution à examiner la situation. Une audience devant le conseil de discipline pourrait être organisée, où Nicolas Sarkozy aurait la possibilité de se défendre, assisté par un confrère.

Aucun texte ne prévoit de radiation automatique suite à une condamnation pénale. Chaque cas est examiné individuellement. Les sanctions possibles forment un éventail large :

  • Avertissement
  • Blâme
  • Interdiction temporaire d’exercer
  • Radiation du tableau

La décision finale appartient au conseil de discipline, qui apprécie la gravité des faits et leurs conséquences sur la profession.

Un précédent en octobre dernier

Ce n’est pas la première fois que ce collectif s’en prend à Nicolas Sarkozy sur le terrain déontologique. En octobre, après sa condamnation en première instance dans l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007, les mêmes avocats avaient déposé une plainte pour outrage à magistrats.

Ils reprochaient à l’ancien président des déclarations publiques jugées excessives, où il dénonçait un prétendu complot et des pratiques contraires à l’État de droit. Or, le code de déontologie impose à l’avocat, même dans l’exercice de sa liberté d’expression, de s’abstenir de propos dénigrants envers la justice dans son ensemble.

Cette plainte précédente montre une détermination constante. Les avocats signataires considèrent que les attaques répétées contre l’institution judiciaire, combinées aux condamnations pénales, constituent un ensemble cohérent de manquements.

Les enjeux pour la profession d’avocat

Au-delà du cas individuel, cette affaire soulève des questions de fond. Comment le barreau gère-t-il les condamnations pénales de ses membres ? Existe-t-il une différence de traitement selon la notoriété ou l’ancien statut politique ?

Certains observateurs estiment qu’une absence de sanction serait perçue comme une forme de privilège. D’autres soulignent qu’il faut respecter la présomption d’innocence jusqu’à l’épuisement complet des voies de recours, même si dans les deux affaires concernées, les condamnations sont définitives.

La profession tout entière se trouve indirectement sur le banc des accusés. Sa capacité à s’autoréguler, à appliquer ses propres règles sans complaisance, est mise à l’épreuve.

L’affaire libyenne en toile de fond

Parallèlement, Nicolas Sarkozy reste concerné par d’autres procédures. En septembre, il a été condamné en première instance à cinq ans de prison dans le dossier du financement libyen de sa campagne de 2007. Un appel est en cours, avec un procès prévu du 16 mars au 3 juin.

Bien que cette condamnation ne soit pas définitive, elle ajoute à la pression. L’ancien président a connu une brève période de détention avant d’être remis en liberté sous contrôle judiciaire. Ces éléments, même non définitifs, alimentent le débat sur son maintien au barreau.

Pour les avocats du collectif, l’accumulation des dossiers judiciaires renforce leur conviction : il devient difficile de défendre l’idée qu’aucune conséquence disciplinaire ne s’impose.

Des avis divergents au sein du barreau

Tous les avocats ne partagent pas la position du collectif. Certains estiment qu’il faut attendre l’issue complète de toutes les procédures avant toute sanction. D’autres rappellent que la radiation reste une mesure extrême, rarement prononcée.

Un ancien bâtonnier de Paris souligne néanmoins l’importance d’une audience disciplinaire. Selon lui, Nicolas Sarkozy doit pouvoir s’expliquer et être assisté. La procédure, si elle est engagée, devra respecter les droits de la défense avec la plus grande rigueur.

Cette divergence d’opinions montre la complexité du dossier. Entre principe d’exemplarité et respect des garanties individuelles, le barreau devra trancher.

Vers une décision historique ?

Quelle que soit l’issue, cette affaire marquera les esprits. Jamais un ancien président de la République n’avait été confronté à une telle procédure disciplinaire en tant qu’avocat. La décision du conseil de discipline, si audience il y a, sera scrutée de près.

Elle pourrait créer un précédent pour le traitement des avocats condamnés pénalement. Ou au contraire, renforcer l’idée qu’aucune règle automatique ne s’applique, chaque cas restant apprécié dans sa singularité.

Pour l’instant, la procureure générale doit examiner la saisine. La balle est dans son camp. Le barreau de Paris, institution séculaire, se prépare peut-être à vivre un moment rare de son histoire.

À retenir : La probité reste un pilier de la profession d’avocat. Les condamnations définitives de Nicolas Sarkozy pour corruption et financement illégal de campagne posent la question de son maintien au barreau. Une procédure disciplinaire pourrait déboucher sur des sanctions allant jusqu’à la radiation.

Cette affaire illustre parfaitement les tensions entre droit individuel et exigence collective. Elle rappelle que personne, quelle que soit sa trajectoire passée, n’échappe aux règles qu’il a contribué à édifier. Le monde judiciaire retient son souffle en attendant les prochaines étapes.

Derrière les aspects techniques se joue aussi une bataille symbolique. Celle de l’image de la justice et de ceux qui la servent au quotidien. Les prochains mois diront si le barreau saura répondre à cette épreuve avec la sérénité et la fermeté attendues.

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