Un an après les tragiques événements du 7 octobre 2023, lorsque le Hamas a perpétré des attaques meurtrières en Israël, les manifestations de soutien aux terroristes dans les universités occidentales interrogent. Comment expliquer qu’au sein de nos temples du savoir, censés promouvoir les lumières de la raison, la haine des juifs s’exprime de manière si décomplexée ?
La French Theory, terreau de l’antisémitisme universitaire ?
Pour Eva Illouz, sociologue et intellectuelle renommée, la réponse se trouve du côté de la French Theory. Ce courant de pensée, qui s’est largement répandu dans les universités américaines puis européennes depuis les années 60, serait à l’origine d’un « bouleversement idéologique » ayant banalisé l’antisionisme radical.
La French Theory a fait de la critique d’Israël et du sionisme un élément central de la pensée progressiste. Remettre en cause l’existence même de l’État hébreu est devenu non seulement acceptable, mais louable aux yeux de nombreux universitaires.
– Eva Illouz, sociologue
Cette dérive idéologique se serait accentuée ces dernières années, au point de susciter des comportements ouvertement antisémites sur les campus. Les exemples ne manquent pas :
- Des professeurs appelant au boycott académique d’Israël
- Des conférenciers propalestiniens invités à s’exprimer sans contradicteur
- Des étudiants juifs ostracisés, voire agressés par leurs camarades
New York, épicentre de la haine des juifs ?
Le paroxysme de cette déliquescence morale a sans doute été atteint le 8 octobre à New York. Ce jour-là, relate Eva Illouz, une manifestation spontanée a rassemblé des centaines d’étudiants et d’enseignants pour célébrer la tuerie perpétrée la veille par le Hamas en Israël.
Une source proche des milieux universitaires new-yorkais témoigne : « Des gens dansaient de joie en brandissant des drapeaux palestiniens. Certains scandaient des slogans guerriers, d’autres mimaient le geste de trancher une gorge. C’était surréaliste et terrifiant. »
Quand les élites cautionnent l’intolérance
Plus inquiétant encore, cette explosion de haine a été cautionnée par des figures intellectuelles de premier plan. Judith Butler, pape de la théorie du genre, a ainsi salué « un acte de résistance héroïque du peuple palestinien ». De nombreux départements universitaires, d’Harvard à Cornell, ont publié des communiqués imputant l’entière responsabilité de la situation à Israël.
Lorsque les élites encouragent une telle dérive, comment s’étonner que l’intolérance prospère dans la société ? Les idées ont des conséquences, et les mauvaises idées de funestes conséquences.
Eva Illouz, sociologue
Eva Illouz en appelle aujourd’hui à une prise de conscience. Selon elle, il est urgent de combattre l’antisémitisme partout où il prolifère, y compris et surtout dans ces universités qui forment les décideurs de demain. « Si nous laissons la haine des juifs s’installer durablement dans les esprits, nous referons inéluctablement les erreurs du passé », prévient-elle.
Pour un sursaut éthique et républicain
Lutter contre l’antisémitisme sur les campus implique de remettre en question certains dogmes en vogue dans le milieu universitaire. Il s’agit notamment de :
- Réaffirmer la liberté d’expression et le pluralisme des idées
- Déconstruire les théories radicales diabolisant Israël
- Sanctionner fermement les actes et propos antisémites
- Renforcer l’enseignement de l’histoire et de l’esprit critique
Plus largement, un sursaut éthique et républicain s’impose pour défendre les valeurs universelles face à l’obscurantisme identitaire. Comme le rappelle Eva Illouz, « la haine des juifs est toujours le symptôme d’un profond malaise civilisationnel. En la combattant, c’est la barbarie que nous combattons, et l’humanisme que nous faisons vivre. »
Le monde universitaire saura-t-il entendre cet appel salutaire ? De sa capacité à se ressaisir dépendra largement notre aptitude collective à faire vivre, contre les vents contraires, les lumières vacillantes de la raison.