Alors que la fin des principales concessions autoroutières approche à grands pas, l’Autorité de régulation des transports (ART) tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport publié samedi, elle estime que plus de 10 milliards d’euros d’investissements seront nécessaires pour maintenir les autoroutes françaises en bon état d’ici l’expiration des contrats, prévue entre 2031 et 2036. Un véritable « chantier inédit et complexe » qui attend les sociétés concessionnaires dans les années à venir.
Un état des lieux préoccupant malgré un réseau en bon état
Si l’état global des autoroutes concédées est jugé « objectivement bon » par l’ART, avec des ouvrages d’art comme les tunnels et les ponts mieux entretenus que sur le réseau non concédé, l’autorité pointe néanmoins du doigt plusieurs zones d’ombre. Les contrats de concession, signés pour des durées allant de 65 à 74 ans après plusieurs prolongations, souffrent d’un manque de précision quant à la définition du « bon état de l’autoroute à sa restitution » et aux obligations d’investissement des concessionnaires.
Des investissements massifs à prévoir
Face à ce constat, l’ART préconise un effort d’investissement conséquent de la part des sociétés d’autoroutes. Sur les cinq dernières années des contrats, elles devront consacrer pas moins de 4 milliards d’euros à l’entretien de l’infrastructure, soit 800 millions par an, le double de ce qu’elles dépensent actuellement. S’ajoute à cela un « effort supplémentaire d’entretien » estimé à 1,2 milliard d’euros uniquement pour les chaussées et les ouvrages d’art, ainsi que 5,1 milliards supplémentaires pour financer des investissements prévus dans les contrats initiaux mais jamais réalisés.
Les obligations de fin de contrat doivent être précisées pour permettre leur achèvement dans de bonnes conditions.
L’Autorité de régulation des transports
Un risque de contentieux avec les concessionnaires
Si certains investissements non réalisés, comme des élargissements de voies, ne sont plus jugés pertinents par l’ART au vu de l’évolution du trafic, leur financement a néanmoins été intégré dans le prix des péages. L’autorité suggère donc de réaffecter ces sommes à d’autres investissements comme la création d’aires de covoiturage. Une proposition qui risque de ne pas faire l’unanimité chez les concessionnaires et pourrait conduire à des contentieux.
Quel avenir pour le modèle autoroutier français ?
Au-delà de la question des investissements, c’est tout le modèle des concessions autoroutières qui est interrogé à l’aube de la fin des principaux contrats. Si ce système a permis de bénéficier d’un réseau de qualité où « l’usager est le payeur », la durée très longue des concessions pose problème. Pour l’avenir, l’ART plaide pour des contrats beaucoup plus courts, de l’ordre de 15 à 20 ans, afin d’éviter de se retrouver à nouveau face à des « problématiques inédites » à leur échéance.
Quant à une éventuelle baisse des tarifs des péages après la fin des concessions, le président de l’ART, Thierry Guimbaud, se montre prudent. Selon lui, une telle mesure pourrait avoir un effet pervers en faveur de la route au détriment du ferroviaire. Il suggère plutôt qu’une partie des recettes des péages puisse à l’avenir financer le rail, ouvrant ainsi la voie à un rééquilibrage des modes de transport.
Une chose est sûre : la fin des concessions autoroutières historiques sera un moment charnière pour repenser en profondeur ce modèle qui a façonné le paysage routier français depuis des décennies. Entre nécessaires investissements et réflexion sur l’avenir de la mobilité, les pouvoirs publics et les sociétés d’autoroutes ont encore de nombreux défis à relever pour assurer aux usagers un réseau sûr, de qualité et adapté aux enjeux environnementaux de demain.