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Australie Interdit les Réseaux Sociaux aux Moins de 16 Ans

L’Australie vient d’interdire les réseaux sociaux aux moins de 16 ans. Instagram, TikTok et Snapchat déploient selfies biométriques, analyse de comportement et services tiers… Mais les ados sont déjà en train de trouver des parades. La bataille ne fait que commencer…

Imaginez-vous à 15 ans, prêt à poster votre dernière story, et soudain… écran bloqué. « Preuve d’âge requise ». En Australie, ce scénario n’est plus de la science-fiction : depuis mercredi, les moins de 16 ans n’ont officiellement plus le droit d’utiliser Instagram, TikTok, Snapchat ou YouTube. Une loi pionnière qui place les géants du numérique devant un casse-tête monumental.

Une interdiction historique qui change tout

Le Parlement australien a tranché : les plateformes sociales doivent prendre « toutes les mesures raisonnables » pour empêcher les mineurs de moins de 16 ans de créer ou d’utiliser un compte. En cas de manquement, les amendes peuvent atteindre des centaines de millions de dollars. Résultat ? Les entreprises déployent à la hâte un arsenal technologique jamais vu à cette échelle.

Mais comment vérifier l’âge de millions d’utilisateurs sans transformer les réseaux en forteresses bureaucratiques ? C’est la question à un milliard de dollars que se posent actuellement les ingénieurs de Meta, ByteDance ou Snap.

La solution qui paraissait évidente… et qui ne l’est pas

Demander une pièce d’identité ? L’idée semble logique. Un passeport, un permis de conduire, et le tour est joué. Pourtant, les autorités australiennes ont immédiatement fermé cette porte pour les plateformes elles-mêmes.

Pourquoi ? D’abord parce qu’un adolescent peut très bien scanner la carte d’identité de son grand frère. Ensuite, et surtout, parce que stocker des copies de documents officiels représenterait une mine d’or pour les pirates informatiques et un cauchemar en termes de vie privée.

La parade ? Externaliser. Snapchat, par exemple, passe par k-ID, une société basée à Singapour. L’utilisateur envoie ses documents à ce tiers de confiance, qui renvoie simplement un « oui » ou un « non » à Snapchat. Aucune donnée sensible ne transite par les serveurs de l’application.

« Snap ne reçoit qu’un résultat oui/non »

Snap Inc.

Le selfie biométrique : la star montante

Prenez un selfie, l’intelligence artificielle fait le reste. C’est la méthode privilégiée par Meta et TikTok. La start-up britannique Yoti, qui collabore avec les deux géants, affirme pouvoir estimer un âge en moins d’une minute.

Le principe ? L’algorithme analyse des milliers de points sur le visage : distance entre les yeux, forme du menton, texture de la peau. Avec le temps, il a appris à faire la différence entre un visage de 15 ans et demi et un autre de 17 ans.

Robin Tombs, patron de Yoti, l’assure : une fois l’estimation faite, toutes les données sont immédiatement supprimées. Pas de stockage, pas de risque. Mais les experts restent sceptiques sur la fiabilité autour de la barre fatidique des 16 ans.

Et si on présentait la photo de quelqu’un d’autre ? Les systèmes détectent les écrans et les masques. Et si on maquillait un enfant pour le vieillir ? Des tutoriels circulent déjà sur les réseaux… encore accessibles hors Australie.

L’analyse comportementale : Big Brother vous regarde

Vous recevez des « Joyeux anniversaire » à 14 ans ? Vous regardez des vidéos de gaming à 3 heures du matin un mardi ? Vous cherchez « comment réviser le brevet » plutôt que « comment payer moins d’impôts » ? Félicitations, votre comportement vous trahit.

Les plateformes utilisent déjà ces signaux pour cibler la publicité. Désormais, ils servent aussi à repérer les comptes suspects. Meta a commencé à suspendre automatiquement ceux dont l’âge déclaré à l’inscription semble incohérent avec le reste de l’activité.

Exemples de signaux utilisés :

  • Messages d’anniversaire reçus
  • Horaires de connexion (absent pendant les heures de cours)
  • Type de contenu consulté ou recherché
  • Interactions avec des comptes d’amis clairement mineurs

Cette méthode a un avantage : elle ne demande aucune action de l’utilisateur. Mais elle pose un problème éthique majeur : tout le monde, même les adultes, se retrouve surveillé en permanence.

La « cascade de techniques » recommandée par Canberra

Face à l’ingéniosité attendue des adolescents, la commissaire australienne à la sécurité en ligne, Julie Inman Grant, préconise une approche en plusieurs étapes.

D’abord des signaux faibles (comportement, âge déclaré). Ensuite, si doute, demande de preuve plus solide (selfie ou pièce d’identité via tiers). Enfin, en dernier recours, intervention humaine ou validation parentale.

« Aucune solution ne sera efficace à 100 % tout le temps »

Autorités australiennes

Andy Lulham, de la société VerifyMy, va plus loin : pour les jeunes qui viennent juste d’avoir 16 ans et qui n’ont pas encore de carte d’identité, il faudra peut-être que papa ou maman valide le compte. Une perspective qui risque de faire grincer des dents.

Et les adolescents, dans tout ça ?

Ils sont déjà à l’œuvre. Sur Discord et Telegram, des groupes australiens échangent astuces et outils pour contourner les restrictions. Certains parlent de VPN, d’autres de comptes créés avant la loi (qui restent valables), d’autres encore de faux selfies générés par IA.

Car oui, l’IA qui sert à vérifier l’âge peut aussi servir à le falsifier. Des applications permettent déjà de vieillir numériquement un visage de quelques années. Le chat et la souris version 2025.

Et puis il y a la question sociale : beaucoup d’adolescents australiens utilisent ces plateformes pour rester en contact avec leurs amis, suivre leurs cours à distance ou même pour leur santé mentale. Les priver brutalement d’accès pourrait avoir des conséquences inattendues.

Un précédent mondial

L’Australie est le premier pays à imposer une limite d’âge aussi haute et aussi stricte. D’autres nations observent attentivement. L’Union européenne, avec son Digital Services Act, pourrait s’en inspirer. Les États-Unis discutent de lois similaires dans plusieurs États.

Mais pour l’instant, c’est en Australie que le test grandeur nature a lieu. Et les prochaines semaines vont être décisives : les plateformes parviendront-elles à appliquer la loi sans transformer l’expérience utilisateur en parcours du combattant ? Les adolescents accepteront-ils de se soumettre ?

Une chose est sûre : la guerre entre régulateurs et ados ingénieux ne fait que commencer. Et cette fois, c’est l’intelligence artificielle qui se retrouve au cœur du champ de bataille.

En résumé :

  • L’Australie interdit les réseaux sociaux aux moins de 16 ans
  • Pièces d’identité interdites directement, mais possibles via tiers
  • Selfies biométriques et analyse comportementale déployés massivement
  • Aucune méthode n’est infaillible
  • Les adolescents préparent déjà la contre-attaque

Le monde regarde. Et les prochains mois risquent de redéfinir complètement notre rapport aux réseaux sociaux… et à l’âge adulte numérique.

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