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Au Somaliland, l’histoire musicale et culturelle sur cassettes

Au Centre culturel d'Hargeisa, un trésor se cache : 14 000 cassettes audio retraçant l'histoire intime et collective du Somaliland. Hafsa Omer et son équipe se sont lancées dans un travail titanesque de numérisation pour préserver cette mémoire unique d'un "pays qui n'existe pas"...

Dans les locaux poussiéreux du Centre culturel d’Hargeisa, capitale du Somaliland, se joue une course contre la montre. Hafsa Omer, 21 ans, et son équipe de quatre passionnés se sont lancés dans un défi de taille : numériser et archiver pas moins de 14 000 cassettes audio. Un trésor inestimable retraçant plus d’un demi-siècle de vie quotidienne, musicale, culturelle et politique de ce territoire méconnu de la Corne de l’Afrique.

Ancienne colonie britannique rattachée brièvement à la Somalie italienne dans les années 1960, le Somaliland a proclamé son indépendance en 1991. Pourtant, aucun pays ne l’a reconnue à ce jour. Une situation d’entre-deux qui n’empêche pas ce peuple fier, majoritairement nomade et de tradition orale, de chérir son patrimoine unique. Et c’est justement ce que les vieilles bandes magnétiques racontent.

Des archives sonores uniques au monde

Rachetées, retrouvées au fond de greniers ou simplement données, ces cassettes recèlent de véritables trésors. On y trouve pêle-mêle du « somali funk » des années 70, trop moderne pour passer sur les ondes de la radio nationale de l’époque, des répétitions inédites de pièces de théâtre, ou encore de simples tranches de vie racontées par des anonymes.

Car dans les années 1970-80, avec l’arrivée des magnétophones portables, les Somalilandais avaient pris l’habitude d’enregistrer leur quotidien et d’échanger ces cassettes avec leurs proches exilés aux quatre coins du globe. Des instantanés sonores, parfois clandestins, qui racontent l’envers du décor, loin des discours officiels.

Une mémoire collective à préserver

Pour Hafsa Omer, chaque cassette est une porte ouverte sur le passé. En écoutant ces vieilles chansons, elle dit même percevoir les effets du réchauffement climatique sur son pays. Des espèces d’arbres, de fruits, d’animaux évoquées par les artistes ont aujourd’hui disparu…

Conscient de l’importance de ce patrimoine, Jama Musse Jama, le directeur du centre culturel, a fait de sa sauvegarde une priorité. Car au-delà de leur valeur artistique et historique, ces archives sont un puissant vecteur d’identité pour les jeunes générations. Une façon de leur transmettre cet héritage et de prouver au monde que le Somaliland existe bel et bien, avec sa propre trajectoire.

Un travail de titan pour un pays en quête de reconnaissance

Mais la tâche est immense. À ce jour, seules 4 690 cassettes ont été cataloguées et 1 103 numérisées. Il faudra encore de longues années à Hafsa et ses camarades pour venir à bout de ces montagnes de bandes magnétiques. Un travail de fourmi, mais essentiel pour ce « pays qui n’existe pas ».

Car au Somaliland, les cassettes audio sont bien plus que de simples objets vintages. Elles sont la mémoire vivante d’un peuple, les gardiennes d’une identité forgée loin des projecteurs, à travers les épreuves et les joies du quotidien. En les sauvant de l’oubli, Hafsa Omer et le Centre culturel d’Hargeisa offrent au Somaliland un miroir pour se regarder et un porte-voix pour enfin se faire entendre.

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