Au Pakistan, dans les marécages du centre du pays, police et “bandits des marigots” se livrent un féroce jeu du chat et de la souris 2.0. Sur un terrain difficile d’accès, les criminels narguent les autorités via les réseaux sociaux, suscitant autant de fascination que de crainte parmi la population. Un affrontement violent et high-tech qui dévoile les limites du pouvoir face à des hors-la-loi insaisissables.
Entre Robin des Bois et ennemi public
Chahid Lound Baloch, 28 ans, est l’un des visages de ces “bandits des Katcha”, les marigots en ourdou. Moustache de gangster, armes et smartphone à la main, il se filme interpellant la police sur ses conditions de vie. Sur TikTok, Facebook, YouTube ou Instagram, il compte des dizaines de milliers d’abonnés fascinés par sa vie au vert de Robin des Bois autoproclamé.
Mais cette image de justicier cache une réalité plus sombre. Selon les autorités, Chahid Lound Baloch est recherché pour 28 charges dont meurtre, enlèvement et attaques de policiers. “Pour les gens de l’extérieur, c’est un héros, mais les gens d’ici savent très bien qu’il n’en est pas un car ce sont eux qui subissent sa cruauté et sa violence”, martèle un ancien député local.
Un terrain propice aux criminels
Les “Katcha” offrent un refuge idéal aux gangs. Dans les méandres de l’Indus, les hautes herbes dissimulent embuscades et caches. Les crues effacent les traces et brouillent les pistes pour enlèvements, cambriolages et trafics. Et si les bandits ignorent les frontières administratives, la police peine à coordonner les opérations d’envergure nécessaires dans ces zones reculées.
Malgré le renfort ponctuel de l’armée, rien n’y fait. En août encore, une attaque à la roquette tuait 12 policiers. “Les reliefs naturels sont à l’avantage des criminels”, reconnaît un officier. Les habitants vivent “dans la peur et la terreur” et beaucoup ont un proche enlevé contre rançon.
La guerre des images sur les réseaux
Internet est devenu un nouveau front. Les gangs y paradent lourdement armés, attirent des victimes via de fausses annonces ou diffusent les images d’otages pour réclamer des rançons. Avec plus de 200 000 abonnés, Chahid Lound Baloch maîtrise particulièrement cet outil de communication.
Même si la police assure avoir des preuves de ses crimes violents, elle peine à le capturer. “Il s’échappe toujours”, déplore-t-elle. En retour, le bandit clame son innocence et se pose en défenseur des villageois opprimés. Sous ses vidéos, des commentaires le glorifient, appréciant qu’il s’en prenne ouvertement aux puissants.
La riposte des autorités
Pour contrer cette guerre médiatique, la police envisage de réduire l’internet des Katcha à la 2G afin de bloquer l’accès aux réseaux sociaux. Une solution radicale qui pourrait priver des populations déjà enclavées, alors que la sensibilisation commence à porter ses fruits.
Panneaux et annonces aux check-points mettent en garde contre les pièges des bandits. En un an, “531 personnes” auraient ainsi échappé à un enlèvement. Un début de riposte dans cet affrontement entre forces de l’ordre et hors-la-loi 2.0, qui ravage une région reculée du Pakistan.