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Au Cambodge, l’activisme environnemental mène en prison

Au Cambodge, des activistes écologistes lourdement condamnés par la justice. Leur crime ? Avoir osé défendre l'environnement face aux intérêts du pouvoir. Un procès politique qui met en lumière les dérives autoritaires du régime...

Au Cambodge, défendre l’environnement est devenu un acte de bravoure pouvant conduire tout droit en prison. C’est le triste constat que l’on peut tirer du récent procès de plusieurs membres de Mother Nature Cambodia, l’un des rares groupes écologistes du pays. Ces activistes ont été lourdement condamnés par la justice cambodgienne pour avoir osé s’opposer à des projets portant atteinte à l’environnement et aux communautés locales.

La justice au service du pouvoir

Le 2 juillet dernier, sept membres de Mother Nature Cambodia ont écopé de peines allant de 6 à 8 ans de prison. Trois autres ont même vu leur condamnation alourdie de 2 années supplémentaires. Leur crime ? Avoir été reconnus coupables de « complot » contre le gouvernement et « insultes à l’encontre du roi ». Des chefs d’accusation pour le moins vagues et fourre-tout, souvent utilisés par le régime pour museler toute voix critique.

Cette parodie de procès illustre la mainmise du pouvoir exécutif sur la justice cambodgienne, devenue un simple outil de répression politique.

Patrick Martin, Directeur Asie d’Amnesty International

Loin d’être un cas isolé, ce verdict s’inscrit dans un contexte de répression systématique de la société civile et des défenseurs des droits humains au Cambodge. Depuis plusieurs années, le gouvernement de Hun Sen, au pouvoir depuis 1985, multiplie les manœuvres pour étouffer toute contestation et préserver les intérêts de l’élite dirigeante, souvent au mépris de l’état de droit et des libertés fondamentales.

Un procès politique

Dès le début, ce procès a été entaché de nombreuses irrégularités, révélant son caractère politique. Les activistes ont été arrêtés arbitrairement, détenus pendant de longs mois sans possibilité de contacter leurs avocats, et jugés à huis clos lors d’une procédure expéditive.

Les éléments à charge retenus contre eux semblent pour le moins légers et inconsistants : quelques publications sur les réseaux sociaux critiquant la gestion désastreuse des ressources naturelles par les autorités, et des actions pacifiques pour sensibiliser la population aux enjeux environnementaux. Rien qui ne justifie de telles sentences, si ce n’est la volonté du régime de faire taire ces voix dissidentes devenues trop gênantes.

L’exploitation effrénée des ressources naturelles

Car en réalité, ce que le pouvoir cherche à cacher, c’est sa responsabilité dans le pillage en règle des richesses du pays, au profit d’une poignée d’individus proches du régime. Le Cambodge est depuis longtemps le théâtre d’une exploitation forestière illégale massive, de l’accaparement des terres par des compagnies privées, et de mégaprojets destructeurs comme les barrages hydroélectriques.

  • Depuis 2001, le Cambodge a perdu 28% de sa couverture forestière
  • Plus de 2 millions d’hectares de terres ont été concédés à des entreprises privées, souvent de façon opaque
  • Les projets de barrages menacent la biodiversité du Mekong et les moyens de subsistance de millions de personnes

Face à cette situation alarmante, Mother Nature Cambodia fait figure d’ultime rempart. Depuis 2013, ce groupe de jeunes activistes mène un combat courageux et désintéressé pour la préservation de l’environnement et la défense des communautés affectées par ces projets destructeurs. Enquêtes de terrain, actions de sensibilisation, plaidoyer auprès des décideurs… Leur engagement a permis de révéler au grand jour de nombreux scandales et de donner une voix aux populations locales trop souvent ignorées.

Mother Nature est devenu la bête noire du régime en documentant ses dérives environnementales. C’est pour cela que le pouvoir cherche à les faire taire par tous les moyens.

Sophal Ear, Professeur à l’Université Occidental College, USA

Un combat crucial pour l’avenir du Cambodge

Au-delà du sort de ces activistes, c’est l’avenir même du Cambodge qui est en jeu. Dans un pays où plus de 40% de la population dépend directement des ressources naturelles pour sa subsistance, la protection de l’environnement est une question de survie. Le pillage effréné des forêts, des cours d’eau et des terres arables menace directement la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable et les équilibres écologiques du pays.

Loin d’être anecdotique, le combat de Mother Nature Cambodia est donc crucial pour les générations actuelles et futures. Il est urgent que la communauté internationale prenne la mesure de la situation et accentue la pression sur le régime de Hun Sen, pour obtenir la libération immédiate des activistes emprisonnés et garantir la liberté d’action de la société civile.

Car en condamnant ces défenseurs de l’environnement, c’est aussi l’espoir d’un Cambodge plus juste, durable et démocratique que le pouvoir cherche à étouffer. Un espoir qui, malgré la répression, continue de vivre dans le cœur de ces activistes. Comme le déclarait l’un d’entre eux avant le verdict :

Même si nous sommes envoyés en prison, nous n’abandonnerons jamais notre combat. D’autres prendront le relais, car on ne peut pas emprisonner la vérité.

Thun Ratha, activiste de Mother Nature Cambodia

Un message d’espoir et de résilience, qui doit tous nous interpeller sur l’urgence d’agir pour la protection de notre planète et de ceux qui la défendent au péril de leur liberté.

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