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Attentats sanglants au Daguestan: l’Etat islamique frappe à nouveau

Deux attentats meurtriers de l'Etat islamique frappent la Russie au Daguestan, faisant 20 morts. Le Kremlin minimise la menace djihadiste malgré les mises en garde. Entre déni et propagande de guerre, la sécurité russe est à nouveau défiée...

Dimanche soir, la République russe du Daguestan a été la cible d’un double attentat sanglant revendiqué par l’État islamique. Au moins vingt personnes ont perdu la vie dans ces attaques visant deux synagogues et une église orthodoxe à Makhatchkala et Derbent, les deux plus grandes villes de cette région du Caucase située entre la mer Caspienne et la Tchétchénie. Un nouveau défi sécuritaire majeur pour le Kremlin.

Le Daguestan, épicentre de la menace djihadiste en Russie

Première pourvoyeuse de terroristes russes à l’État islamique, la République musulmane sunnite du Daguestan souffre d’une radicalisation d’une partie de sa société depuis les guerres de Tchétchénie. Malgré les efforts des autorités et un financement massif du Kremlin, les attaques terroristes restent fréquentes dans la région.

Dimanche, deux des assaillants tués par les forces de l’ordre n’étaient autres que les deux fils d’un politicien local, Magomed Omarov.

Le Figaro

Ces nouveaux attentats témoignent de l’implantation de cellules de l’État islamique au Khorassan, que l’on sait présentes dans le Caucase, en Asie centrale et originaires d’Afghanistan. C’est ce même groupe qui avait revendiqué l’attentat meurtrier du Crocus City Hall à Moscou en mars dernier, faisant 145 morts.

Le Kremlin entre déni et propagande de guerre

Malgré l’ampleur de la tragédie, le drame du Daguestan peine pourtant à émouvoir Moscou. La propagande de guerre du Kremlin n’a d’yeux que pour l’Ukraine. En mars, les autorités russes étaient même allées jusqu’à accuser Kiev d’être derrière l’attentat du Crocus City Hall.

Je crois que si nous imputons chaque attaque terroriste impliquant l’intolérance nationale et religieuse, la haine et la russophobie aux machinations de l’Ukraine et de l’Otan, alors, ce brouillard rose nous mènera à de gros problèmes.

Dmitri Rogozine, sénateur russe

Une mise en garde inédite mais qui illustre le malaise des autorités face à la menace djihadiste. Un déni qui pourrait coûter cher à la Russie alors que les services américains avaient alerté sur un risque d’attentat quelques jours avant l’attaque de Moscou en mars.

L’ombre des guerres de Tchétchénie

Le spectre de l’instabilité et de l’extrémisme religieux plane à nouveau sur le Caucase russe. La république voisine de Tchétchénie, théâtre de deux guerres meurtrières dans les années 1990 et 2000, avait déjà été le berceau de groupes islamistes radicaux comme le Caucasus Emirate.

Le régime autoritaire et la politique de “tchétchénisation” menée par Ramzan Kadyrov, l’homme fort de Grozny, ont permis de mater l’insurrection au prix de lourdes violations des droits de l’homme. Mais la menace djihadiste n’a pas disparu pour autant.

Une région sous haute tension

Avec ses 3 millions d’habitants, le Daguestan reste une poudrière. La corruption, la pauvreté et les rivalités ethniques alimentent les frustrations d’une partie de la jeunesse, faisant le lit du radicalisme. Un cocktail explosif sur fond d’affrontement entre Moscou et les indépendantistes tchétchènes.

Une foule avait pris d’assaut l’aéroport de Makhatchkala pour s’attaquer à un avion venu d’Israël en octobre dernier, dans ce qui avait pris la forme d’une tentative de pogrom.

Les autorités russes ont beau mobiliser d’importantes ressources sécuritaires et financières, la situation reste explosive dans le Caucase. Les attentats du week-end sont un douloureux rappel que le défi djihadiste est toujours d’actualité aux portes de la Russie.

Un test pour Poutine et la sécurité russe

Focalisé sur son “opération militaire spéciale” en Ukraine, Vladimir Poutine va devoir gérer ce nouveau front intérieur. Celui du terrorisme islamiste qui prospère sur les fragilités du Caucase russe.

Entre ambitions néo-impériales et obsession de la menace occidentale, le maître du Kremlin semble sous-estimer les défis sécuritaires posés par l’extrémisme religieux. Un angle mort de sa politique qui risque de lui coûter cher à l’avenir.

Les services de sécurité russes, mobilisés en Ukraine, seront-ils en mesure de contenir la menace? La question mérite d’être posée alors que l’État islamique a démontré sa capacité de nuisance en frappant des cibles symboliques au cœur de la Russie.

Le président continue de recevoir des informations sur la façon dont les victimes de ces deux attaques et leurs familles reçoivent une assistance.

Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin

Des mots de compassion qui peinent à masquer l’embarras des autorités russes. Après des années de discours martiaux et de propagande triomphale, la vulnérabilité de la Russie face au terrorisme islamiste apparaît au grand jour. Un coup dur pour l’image de puissance savamment cultivée par Vladimir Poutine.

Reste à voir si ce tragique épisode poussera le Kremlin à revoir ses priorités et à s’attaquer sérieusement à la menace djihadiste. Car c’est bien la stabilité et la sécurité de la Russie qui sont en jeu, au Caucase comme ailleurs.

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