C’est un procès qui s’est tenu dans l’ombre des commémorations des attentats contre Charlie Hebdo. Cinq ans après l’attaque meurtrière contre le journal satirique, un homme armé d’une feuille de boucher s’en prenait à deux personnes devant les anciens locaux du journal, les blessant grièvement. Après deux semaines et demie d’audience, le verdict est tombé : Zaheer Mahmood, le principal accusé, a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle.
Le fantôme de l’attentat de 2015
L’attaque au hachoir du 25 septembre 2020 a ravivé le souvenir douloureux de la tuerie qui avait décimé la rédaction de Charlie Hebdo cinq ans plus tôt. Le procès, qui s’est déroulé en partie pendant les commémorations du funeste 7 janvier 2015, a été hanté par ce parallèle tragique. Plusieurs témoins ayant vécu les deux drames ont raconté ce double traumatisme. « En 2015, on a subi l’attentat contre Charlie. Et en 2020, ça a recommencé », a ainsi confié un rescapé en larmes à la barre.
Une vengeance motivée par les caricatures de Mahomet
Lors de son interrogatoire, Zaheer Mahmood a expliqué avoir voulu s’en prendre à Charlie Hebdo en représailles de la republication des caricatures du prophète Mahomet. Dans les semaines précédant son passage à l’acte, ce Pakistanais de 27 ans avait fait des repérages autour du site et s’était radicalisé en visionnant les prêches d’un imam radical au Pakistan, son pays d’origine. Le jour de l’attaque, il a enregistré une vidéo proclamant vouloir venger le prophète. Mais dans sa folie meurtrière, il ignorait que la rédaction avait déménagé. Ce sont donc deux salariés d’une agence de presse qu’il a pris pour cible.
Le courage des victimes face à l’horreur
Les images de vidéosurveillance diffusées à l’audience, d’une violence insoutenable, ont montré Zaheer Mahmood s’acharnant sur ses victimes à coups de hachoir. Grièvement blessées à la tête et au visage, elles ne doivent leur survie qu’à leur courage et à l’intervention rapide des secours. Paul, plongé dans le coma, a subi de lourdes séquelles. Hélène a dû se reconstruire psychologiquement. Pourtant, tous deux ont fait preuve d’une force extraordinaire à la barre, racontant leur enfer pour que justice soit rendue.
J’ai 32 ans, l’âge où mes amis s’épanouissent. Moi, je suis restée bloquée rue Nicolas Appert.
– Hélène, une des victimes
La prison à vie requise contre l’assaillant
Zaheer Mahmood et cinq complices présumés ont comparu devant la cour d’assises spéciale de Paris pendant deux semaines et demie. Qualifiant cet acte de « crime terroriste », l’accusation a requis la réclusion criminelle à perpétuité contre l’assaillant, ainsi que de lourdes peines contre ses co-accusés, estimant qu’ils l’avaient « motivé et soutenu » dans son entreprise mortifère.
Un repentir tardif pour de « mauvais choix »
Lors de ses derniers mots à l’audience, Zaheer Mahmood a affirmé avoir changé en détention et a présenté ses excuses. « J’ai compris que la haine et la vengeance ne servent à rien », a-t-il déclaré. S’attendant à une très lourde peine, il a demandé à la cour de lui laisser un « espoir de retrouver une vie » à sa sortie. Ses co-accusés se sont aussi excusés auprès des victimes.
30 ans de prison pour réparer l’irréparable
Après neuf heures de délibéré, la cour d’assises spéciale a finalement condamné Zaheer Mahmood à 30 années de réclusion criminelle, assortie d’une période de sûreté des deux tiers. Ses complices ont écopé de peines allant de 3 à 12 ans de prison. Au-delà de la sanction, ce verdict se veut porteur d’un message fort :
En condamnant les accusés à des peines fortes mais proportionnées, votre décision aura pour vertu de dire qu’ici, la justice a été rendue.
– Un avocat général lors de son réquisitoire
Une justice imparfaite pour tenter de réparer l’irréparable, et permettre aux victimes de se reconstruire. En espérant que le souvenir des cruautés passées serve de rempart aux monstruosités futures.
