C’est une nouvelle tragique qui nous parvient ce samedi du sud-est de l’Iran. Selon des sources proches du dossier, au moins dix membres des forces de l’ordre auraient perdu la vie dans une attaque terroriste ciblant leur convoi dans la région frontalière instable du Sistan-Baloutchistan. Cette zone, à la croisée des frontières iranienne, pakistanaise et afghane, est malheureusement coutumière de ce genre d’incident sanglant.
Une embuscade meurtrière dans une poudrière
C’est dans le comté reculé de Taftan, à plus de 1200 kilomètres au sud-est de la capitale Téhéran, que le drame s’est noué. D’après les premières informations qui ont filtré, deux voitures de patrouille de la police iranienne seraient tombées dans une embuscade tendue par un groupe armé non identifié. Le mode opératoire précis et le sort des assaillants ne sont pas encore connus à cette heure.
Le lourd bilan, qui fait de cette attaque l’une des plus meurtrières de ces derniers mois dans la région, met une nouvelle fois en lumière l’extrême volatilité sécuritaire qui règne dans cette zone déshéritée de l’Iran. Carrefour de plusieurs frontières poreuses, le Sistan-Baloutchistan est depuis longtemps un point chaud où s’entremêlent trafic de drogue, activités de groupes séparatistes et tensions ethniques et religieuses.
Tensions communautaires sur fond de pauvreté
Cette région périphérique compte une importante population appartenant à la minorité baloutche, de confession musulmane sunnite, contrairement à la majorité chiite qui prédomine en Iran. Cette différence est source de frictions récurrentes avec le pouvoir central de Téhéran. La précarité économique et le sentiment de marginalisation exacerbent les ressentiments d’une frange de la jeunesse locale, qui peut basculer dans les bras de mouvements radicaux.
Le Sistan-Baloutchistan est l’une des régions les plus pauvres d’Iran. Elle abrite une importante population de la minorité ethnique baloutche, qui pratique l’islam sunnite.
Un conflit latent avec des groupes armés
Les forces de sécurité iraniennes sont engagées dans un bras de fer de longue date avec plusieurs groupes armés actifs dans la région :
- Des factions séparatistes baloutches, qui réclament plus d’autonomie voire l’indépendance
- Des cellules sunnites radicales, dont certaines ont fait allégeance à des mouvements jihadistes transnationaux
- Des bandes criminelles et des trafiquants de drogue, qui profitent de la porosité des frontières
Début octobre, six personnes dont des policiers avaient déjà été tuées dans deux attaques distinctes revendiquées par le groupe Jaish al-Adl (“Armée de la Justice”). Basé au Pakistan, ce mouvement jihadiste sunnite est considéré comme une organisation terroriste par Téhéran. Mi-janvier, l’armée iranienne avait mené une frappe contre son quartier général de l’autre côté de la frontière.
Un casse-tête sécuritaire et diplomatique
Cette énième attaque sanglante illustre la difficulté pour les autorités iraniennes à stabiliser durablement cette marche turbulente du pays. Malgré des opérations militaires régulières et une sévère répression, la situation sécuritaire reste précaire. L’Iran accuse régulièrement son voisin pakistanais de laisser prospérer des sanctuaires rebelles sur son territoire, une allégation rejetée par Islamabad.
En attendant, c’est la population civile qui est prise en étau et paie le prix fort de cette violence endémique. Loin des prétoires, le Sistan-Baloutchistan apparaît comme une poudrière communautaire que le pouvoir iranien peine à déminer. Chaque nouvel attentat remet en lumière le profond malaise qui ronge cette périphérie délaissée. Un défi sécuritaire et politique majeur pour la République islamique, qui semble parfois s’enliser dans les sables mouvants de ses marges frontalières.