C’est un incident d’une rare violence qui s’est produit ce mardi matin au centre pénitentiaire de Laon, dans l’Aisne. Ali Riza Polat, 37 ans, détenu condamné à la perpétuité en décembre 2020 pour complicité dans les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, est soupçonné d’avoir agressé deux surveillants pénitentiaires avec des tessons de verre en hurlant “Allahou akbar”. Un acte qui fait l’objet d’une enquête pour “tentative d’assassinats sur personnes dépositaires de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste”.
Une attaque d’une “extrême violence”, selon les syndicats
Les faits se sont déroulés vers 7h30 pendant la distribution du petit-déjeuner. Armé de morceaux de verre provenant selon toute vraisemblance d’un miroir brisé, Ali Riza Polat s’en est pris à deux surveillants en proférant des cris faisant référence à Allah. Les deux victimes, âgées de 21 et 35 ans, ont été blessées au visage et au cou. Leurs jours ne sont pas en danger mais ils ont été évacués à l’hôpital pour y être soignés.
Pour les organisations syndicales, cette agression d’une « extrême violence » illustre les conditions de travail très dégradées des personnels pénitentiaires face aux détenus radicalisés.
« On ne compte plus les agressions physiques et verbales de ce type, la situation est intenable. Il faut renforcer drastiquement les mesures de sécurité et les moyens face aux profils terroristes »
FO Pénitentiaire
Ali Riza Polat, un détenu au parcours ultra-violent
Le mis en cause n’en est pas à son premier dérapage en détention. Décrit comme une « forte tête » et un « intimidateur », Ali Riza Polat a déjà été condamné pour des violences contre des codétenus et des surveillants. Il purge depuis 2020 une peine de prison à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de 30 ans, pour son rôle dans les attaques jihadistes contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher en janvier 2015 qui ont fait 17 morts.
Présenté comme un « bras droit » d’Amedy Coulibaly, un des tueurs, ce franco-turc était accusé d’avoir aidé au financement et à la fourniture d’armes. S’il a toujours contesté son implication, il est considéré comme un islamiste radical.
Une enquête antiterroriste ouverte
Au vu du profil du suspect et des circonstances de l’agression, le parquet national antiterroriste (PNAT) s’est immédiatement saisi de l’enquête, ouverte pour « tentative d’assassinats sur personnes dépositaires de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste ». Les investigations ont été confiées à la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire.
Il s’agira notamment de déterminer les motivations précises d’Ali Riza Polat et s’il a agi seul ou bénéficié de complicités. L’hypothèse d’une action préméditée n’est pas exclue. Des perquisitions et des auditions de son entourage en détention sont en cours.
Le casse-tête des détenus radicalisés
Cette attaque sanglante remet en lumière l’épineuse question de la gestion des détenus radicalisés ou condamnés pour terrorisme islamiste dans les prisons françaises. Ils seraient actuellement près de 500, sans compter ceux susceptibles de basculer.
Malgré la création en 2016 d’unités dédiées à l’évaluation et à la prise en charge de la radicalisation (UPRA), la mayorité sont détenus dans des quartiers classiques, faute de places. Une proximité avec le reste des prisonniers qui favorise les risques de prosélytisme et de passage à l’acte violent, comme à Laon.
Face à cette menace, le ministère de la Justice mise sur un renforcement de la détection et de la formation des personnels pénitentiaires, ainsi que sur des programmes de “déradicalisation”. Mais les moyens humains et matériels peinent à suivre l’augmentation constante de ces profils à haut risque en prison.
Un défi sécuritaire majeur pour une institution carcérale déjà en crise, confrontée à la surpopulation, la vétusté des établissements et la hausse des violences. Avec l’agression de Laon, c’est une nouvelle fois le malaise des surveillants pénitentiaires face à la radicalisation qui s’exprime. Et l’urgence d’y apporter des réponses.