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Attaque Mortelle à Magdebourg : Le Gouvernement Allemand Interrogé

L'Allemagne sous le choc après l'attaque mortelle du marché de Noël de Magdebourg. Le gouvernement et les forces de sécurité mis en cause : le suspect était surveillé mais laissé libre. L'attaque relance le débat sur l'immigration à l'approche des législatives anticipées...

L’Allemagne est sous le choc après l’attaque mortelle survenue le 20 décembre sur le marché de Noël de Magdebourg, faisant 5 morts et plus de 200 blessés. Alors que le pays s’interroge sur les motivations du suspect, un médecin saoudien de 50 ans, le gouvernement et les forces de sécurité sont mis en cause. Ils doivent s’expliquer lundi sur ce qu’ils savaient précisément de cet homme, qui était surveillé par la police mais laissé libre.

Le chancelier promet de faire la lumière

Le drame aurait-il pu être évité ? C’est la question que se posent les Allemands. Le chancelier Olaf Scholz, en campagne pour sa réélection à deux mois des législatives anticipées, a promis vendredi de faire la lumière sur d’éventuels « manquements de la part des autorités de Saxe-Anhalt ou au niveau fédéral ». Il a reconnu que des « indications répétées » avaient été faites au fil des ans au sujet du suspect, Taleb Jawad al-Abdulmohsen.

Un profil inquiétant mais pas de « danger particulier » selon la police

Les médias allemands ont en effet révélé les innombrables publications inquiétantes du suspect sur les réseaux sociaux ces dernières années, proférant des menaces de violence et exprimant des opinions hostiles à l’islam, sa colère contre les fonctionnaires de l’immigration et son soutien aux récits complotistes sur une « islamisation » de l’Europe.

Mais malgré ces signaux alarmants, et une condamnation en 2013 pour « troubles à l’ordre public » et « menaces », la police allemande avait estimé l’an dernier après une évaluation qu’il ne représentait pas de « danger particulier ». Les autorités avaient eu deux entretiens avec lui fin 2023, sans donner suite.

L’Arabie Saoudite avait averti de sa dangerosité

Selon une source proche du gouvernement saoudien, le royaume avait pourtant demandé son extradition à l’Allemagne, après avoir averti à plusieurs reprises qu’il « pourrait être dangereux ». Installé en Allemagne depuis 2006 avec un statut de réfugié, Taleb Jawad al-Abdulmohsen bénéficiait ainsi de la protection de son pays d’accueil.

Les questions de l’immigration et de la sécurité au cœur de la campagne

Cette attaque replace les enjeux de l’immigration et de la sécurité au centre de la campagne électorale. L’extrême droite de l’AfD, qui pourrait doubler son score, réclame de « fermer les frontières ». Le conservateur Friedrich Merz, favori pour devenir chancelier, estime que l’Allemagne « tolère trop de gens qui ne veulent pas s’intégrer » et veut faciliter les expulsions.

De son côté, Olaf Scholz rappelle que la droite avait bloqué en octobre un projet de loi renforçant les pouvoirs d’enquête pour mieux repérer les menaces. Les révélations sur le profil du suspect et les défaillances des autorités promettent en tout cas d’animer les débats à deux mois du scrutin.

« Nous tolérons en Allemagne trop de gens qui ne veulent pas s’intégrer. »

Friedrich Merz, chef du parti conservateur CDU

Une attaque qui ravive les traumatismes en Allemagne

Ce drame ravive de douloureux souvenirs en Allemagne. Le pays avait déjà été frappé par un attentat au camion bélier sur un marché de Noël à Berlin en décembre 2016, revendiqué par le groupe État Islamique et qui avait fait 12 morts.

Cinq ans plus tard, c’est un autre marché de Noël qui est endeuillé, suscitant une vive émotion dans le pays. Des milliers de personnes se sont rassemblées ces derniers jours à Magdebourg et dans plusieurs villes allemandes en hommage aux victimes.

Un minutieux travail d’enquête en cours

Dans cette atmosphère tendue, le travail d’enquête se poursuit pour tenter de comprendre le parcours et les motivations du suspect, et déterminer d’éventuelles complicités. Des perquisitions ont été menées et de nombreux témoins entendus. La police scientifique passe au crible la scène de crime pour récolter le maximum d’indices.

À ce stade, le parquet antiterroriste affirme privilégier la piste d’un acte isolé, tout en explorant d’autres hypothèses. En détention provisoire, le suspect n’a pas encore été entendu, son état psychologique étant jugé incompatible avec une audition.

Au-delà de l’enquête judiciaire, cette attaque soulève de profondes interrogations sur la détection des individus radicalisés et la prévention de leur passage à l’acte. Elle met aussi en lumière les limites des moyens d’action des autorités face à des profils instables repérés comme potentiellement dangereux, mais ne faisant l’objet d’aucune procédure.

Un débat relancé sur les moyens de lutte antiterroriste

Ces questions ne manqueront pas de nourrir les débats politiques à l’approche des élections. La majorité et l’opposition s’affrontent déjà sur les leçons à tirer de ce drame.

Faut-il durcir la législation pour faciliter la surveillance et le placement en détention des individus radicalisés ? Ou plutôt renforcer les moyens humains et budgétaires dédiés à la prévention et au renseignement ? Comment mieux détecter les signaux faibles et entraver les processus de basculement dans la violence ?

Autant d’enjeux cruciaux pour tenter de prévenir de nouveaux drames, sans céder à la tentation d’une inflation sécuritaire ou d’une stigmatisation des populations issues de l’immigration. À l’évidence, ce débat promet d’être l’un des temps forts de la campagne électorale à venir en Allemagne.

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