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Attaque au Drone sur Khor Mor : l’Irak Enquête en Urgence

Mercredi soir, un drone a frappé le plus grand champ gazier du Kurdistan irakien. Résultat : toutes les centrales électriques de la région à l’arrêt et des millions de personnes dans le noir. Bagdad promet une enquête musclée, mais qui se cache vraiment derrière cette attaque qui sent la poudre iranienne ? La suite va vous surprendre…

Imaginez une région entière plongée dans le noir en quelques secondes. Mercredi soir, c’est exactement ce qui s’est produit au Kurdistan irakien : une attaque au drone a visé le complexe gazier de Khor Mor, coupant l’alimentation en gaz de toutes les centrales électriques locales. Des millions d’habitants se sont retrouvés sans électricité, et Bagdad a immédiatement réagi en lançant une enquête de haut niveau.

Une attaque qui paralyse toute une région

Le champ gazier de Khor Mor n’est pas n’importe quel site. Situé entre Kirkouk et Souleimaniyeh, il représente la principale source d’énergie pour l’ensemble de la région autonome du Kurdistan. Exploité par la société émiratie Dana Gas, il fournit le gaz nécessaire au fonctionnement des centrales électriques qui alimentent villes et villages.

L’attaque, survenue en début de soirée, a été précise : le drone a touché un réservoir de stockage. Aucun blessé n’est à déplorer, mais la production a été stoppée net. Résultat immédiat : des coupures de courant massives, visibles jusqu’à Souleimaniyeh, la deuxième plus grande ville du Kurdistan irakien.

Ce n’est malheureusement pas une première. Le site de Khor Mor a déjà été la cible de plusieurs frappes ces dernières années, dont une particulièrement meurtrière en avril 2024 qui avait coûté la vie à quatre travailleurs yéménites.

Bagdad réagit avec fermeté

Dès le lendemain, le Premier ministre sortant Mohamed Chia al-Soudani a ordonné la création d’un comité d’investigation de haut niveau. Dans un communiqué relayé par son porte-parole militaire, il a dénoncé des « groupes terroristes » cherchant à déstabiliser le pays.

« Ces actes visent à porter atteinte à la sécurité et à la stabilité de l’Irak »

Communiqué officiel du gouvernement irakien

Le message est clair : l’État central entend reprendre la main sur une situation qui échappe de plus en plus à son contrôle, particulièrement dans les zones où les influences étrangères s’entrecroisent.

Le Kurdistan pointe du doigt l’Iran

Du côté d’Erbil, on ne tourne pas autour du pot. Les autorités kurdes accusent depuis plusieurs mois des milices pro-iraniennes d’être à l’origine de ces attaques répétées. Cette fois encore, le Premier ministre du gouvernement régional, Masrour Barzani, a profité de l’occasion pour adresser une demande directe aux États-Unis.

Il a réclamé la livraison d’équipements de défense anti-drone, soulignant que les systèmes actuels ne suffisent plus face à la sophistication croissante des menaces. Une demande qui intervient dans un contexte où les relations entre le Kurdistan et Washington restent particulièrement étroites.

Washington condamne et met la pression

L’envoyé spécial américain pour l’Irak, Mark Savaya, n’a pas tardé à réagir. Sur X, il a fermement condamné l’attaque, parlant de « groupes armés opérant illégalement et motivés par des agendas étrangers hostiles ».

Ses mots sont lourds de sens : « Il n’y a pas de place pour de tels groupes dans un Irak totalement souverain ». Derrière cette phrase, on lit en filigrane la pression continue exercée par Washington sur Bagdad pour qu’il désarme les factions pro-iraniennes et réduise l’influence de Téhéran.

Un conflit par procuration qui ne dit pas son nom

L’Irak reste, vingt ans après l’invasion américaine, un terrain d’affrontement indirect entre grandes puissances. D’un côté, les États-Unis et leurs alliés (dont le Kurdistan et Israël). De l’autre, l’Iran et les milices chiites qu’il soutient.

Les attaques contre les infrastructures énergétiques du Kurdistan s’inscrivent dans cette logique. Elles visent à punir la région pour son rapprochement avec l’Occident et à rappeler que l’Iran conserve des leviers puissants sur le sol irakien.

Le choix des cibles n’est pas anodin : en frappant Khor Mor, les auteurs touchent directement l’économie kurde et sa capacité à s’émanciper financièrement de Bagdad.

2024, l’année des drones au Kurdistan

Cette attaque s’ajoute à une longue série qui a marqué l’année 2024. Presque tous les grands champs pétroliers et gaziers de la région ont été visés à un moment ou un autre. La plupart de ces opérations restent non revendiquées, ce qui complique l’identification formelle des responsables.

Cependant, le mode opératoire – drones kamikazes, frappes nocturnes, cibles énergétiques – correspond parfaitement aux capacités développées par certaines factions proches de l’Iran ces dernières années.

Chronologie récente des principales attaques contre les infrastructures énergétiques kurdes :

  • Janvier 2024 – Attaque sur le champ pétrolier de Taq Taq
  • Mars 2024 – Tentative contre le pipeline vers la Turquie
  • Avril 2024 – Frappe meurtrière sur Khor Mor (4 morts)
  • Juin 2024 – Incendie suspect sur un site de stockage
  • Novembre 2024 – Nouvelle attaque massive sur Khor Mor

Les conséquences immédiates pour la population

Au-delà des enjeux géopolitiques, ce sont d’abord les habitants qui trinquent. À Souleimaniyeh, les hôpitaux ont dû basculer sur des générateurs de secours. Les commerces ont fermé plus tôt. Les familles ont passé la soirée à la bougie.

Dans une région où l’électricité reste déjà précaire en temps normal, ces coupures prolongées aggravent un quotidien déjà difficile. Et l’hiver approche, avec ses besoins accrus en chauffage.

Vers une escalade incontrôlable ?

La question que tout le monde se pose désormais : jusqu’où ira cette guerre de l’ombre ? Chaque nouvelle attaque repousse les limites et rapproche un peu plus l’Irak d’un conflit ouvert entre ses différents protecteurs et parrains.

Le gouvernement central se retrouve dans une position délicate : il doit affirmer sa souveraineté face aux milices tout en évitant de déclencher une confrontation directe avec l’Iran, partenaire économique crucial.

Quant au Kurdistan, il mise sur le soutien américain pour renforcer ses défenses. Mais Washington peut-il – et veut-il – s’impliquer davantage dans la protection d’une région qui reste officiellement partie intégrante de l’Irak ?

Une chose est sûre : tant que les drones continueront de survoler les montagnes kurdes, la stabilité de tout le pays restera fragile. Et chaque nouvelle explosion, comme celle de mercredi soir, nous rappelle que la paix en Irak reste un équilibre précaire, toujours menacé par ceux qui préfèrent l’ombre aux négociations.

L’enquête promise par Bagdad apportera peut-être des réponses techniques. Mais les vraies questions – celles qui touchent aux rapports de force régionaux – risquent de rester sans réponse encore longtemps.

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