Le Brésil est sous le choc après la tentative d’attaque à la bombe survenue mercredi soir contre la Cour suprême à Brasilia. Cet incident, qui n’a heureusement pas fait de blessé, soulève de nombreuses interrogations sur un possible lien avec l’assaut du 8 janvier dernier contre les institutions démocratiques brésiliennes. Que sait-on de cette attaque et de son auteur ? Quelles peuvent être ses conséquences pour un pays qui s’apprête à accueillir le sommet du G20 ?
Un attentat-suicide avorté devant la Cour suprême
Mercredi soir vers 19h30 heure locale, une première explosion retentit à proximité du siège de la Cour suprême, sur la place des Trois Pouvoirs qui abrite les principaux bâtiments des institutions brésiliennes. Des images de vidéosurveillance montrent un homme lançant des objets explosifs en direction de la statue de la Justice qui trône devant l’entrée de la haute juridiction. Un des engins n’explose pas, tandis que deux autres détonent sans faire de victime.
Face à l’arrivée des forces de sécurité, l’assaillant retourne vers son véhicule stationné non loin. Il allume alors un dernier explosif, se couche au sol et le place sous sa tête, se donnant la mort dans une ultime et puissante déflagration.
L’auteur était un ancien candidat d’extrême-droite
Rapidement identifié, l’homme de 59 ans se nomme Francisco Wanderley Luiz. Originaire de l’état de Santa Catarina dans le sud du Brésil, il exerçait la profession de serrurier. Mais en 2020, c’est sous l’étiquette du Parti Libéral qu’il s’était présenté, en vain, aux élections municipales de sa commune de Rio do Sul.
Un an plus tard, ce parti accueillait dans ses rangs l’ancien président d’extrême-droite Jair Bolsonaro, qui échouera en 2022 à se faire réélire face à Lula. Installé à Brasilia depuis plusieurs mois, Francisco Wanderley Luiz louait une maison où la police a retrouvé d’autres engins explosifs de fabrication artisanale. Sur son compte Facebook, désormais inaccessible, il avait publié des messages faisant allusion à un possible attentat.
De possibles liens avec les émeutes du 8 janvier
Si les motivations exactes de l’assaillant restent à établir, les enquêteurs évoquent déjà de possibles liens avec le saccage des institutions brésiliennes le 8 janvier dernier par des milliers de partisans de Bolsonaro, une semaine après l’investiture de Lula. La police a confirmé la présence de Francisco Wanderley Luiz dans la capitale ce jour-là, sans pouvoir dire pour l’heure s’il avait participé ou non aux violences.
Un étrange message retrouvé chez lui fait en tout cas référence à un épisode marquant de ces émeutes : celui où une femme avait taché de rouge à lèvres la statue de la Justice, celle-là même visée par l’attaque de mercredi. Cette femme, Débora Rodrigues, a depuis été inculpée. “Contre cette statue de merde, il faut utiliser du TNT”, pouvait-on lire sur un miroir chez l’assaillant.
Le Brésil sous tension à la veille du G20
Si elle n’a heureusement pas fait d’autre victime que son auteur, cette attaque survient dans un contexte politique et sécuritaire très tendu au Brésil. Le pays peine à tourner la page des années Bolsonaro et de la contestation violente de la victoire de Lula par les plus radicaux de ses partisans. Les derniers campements de manifestants bolsonaristes viennent à peine d’être démantelés par les autorités.
À la veille d’accueillir le prochain sommet du G20, le gouvernement brésilien se serait bien passé de ce genre d’incident qui illustre la persistance de graves menaces contre la démocratie. Il met aussi en lumière les failles de la sécurité autour des lieux de pouvoir, déjà pointées du doigt après les événements du 8 janvier. La Police Fédérale a assuré que toutes les mesures seraient prises pour protéger les institutions et les participants étrangers attendus à Brasilia ces prochains jours.
Un pays encore convalescent démocratiquement
Plus largement, cette tentative d’attentat montre que le Brésil est encore loin d’avoir soldé l’héritage des années de présidence Bolsonaro et de la radicalisation d’une frange de l’extrême-droite, prête à en découdre y compris par la violence avec un pouvoir démocratiquement élu. Pour le président Lula, l’enjeu est de réaffirmer son autorité et de renforcer l’État de droit, sans pour autant donner l’impression de régler ses comptes avec ses opposants.
Le Brésil, qui a connu une dictature militaire dans un passé pas si lointain, reste un pays où la culture démocratique demeure fragile. Les institutions, malmenées sous le gouvernement précédent, doivent retrouver leur solidité et leur légitimité aux yeux de tous. C’est tout l’enjeu des prochains mois pour la jeune administration Lula, qui espère pouvoir vite tourner la page de ces soubresauts pour se consacrer aux nombreux défis économiques et sociaux qui attendent le pays.