Au cœur de la Gaule du Ier siècle avant J.-C., un petit village résiste encore et toujours à l’envahisseur romain. Mais au-delà des exploits d’Astérix et Obélix, que savons-nous réellement de la place des femmes dans cette société ? Entre stéréotypes assumés et émancipation subtile, les irréductibles Gauloises ne manquent pas de caractère. Décryptage d’une bande dessinée culte sous le prisme du féminisme.
Bonemine, matriarche du village
Figure incontournable de la série, Bonemine, l’épouse du chef Abraracourcix, incarne à elle seule toute l’ambiguïté de la représentation féminine chez Goscinny et Uderzo. Autoritaire, querelleuse et jalouse, elle semble tout droit sortie des pires clichés sur les femmes. Pourtant, son influence sur son mari et les décisions du village est indéniable. Comme le souligne avec humour Astérix : « Chez nous, ce sont les hommes qui commandent. Mais ce sont les femmes qui décident ! » Un matriarcat qui ne dit pas son nom.
Des Gauloises bavardes mais indispensables
Les autres femmes du village ne sont pas en reste côté caractère. Toujours fourrées ensemble à cancaner au lavoir, elles font et défont les réputations à coup de rumeurs. Un « pouvoir » certes raillé par les auteurs, mais qui témoigne de leur place centrale dans la vie sociale. Et que dire de leur rôle crucial lors de la célèbre bataille finale contre les Romains ? Leur délicieux bouillon de légumes n’a-t-il pas reboosté nos guerriers épuisés ?
Impossible d’imaginer le village sans ces femmes fortes qui font tourner les chaumières pendant que les hommes partent batailler. Leur célèbre cri de ralliement « Ils sont fous ces Romains » montre bien qu’elles ne s’en laissent pas compter !
Une source proche du village
Falbala, icône féministe malgré elle
Et comment ne pas évoquer la ravissante Falbala, éternelle fiancée de Tragicomix ? Si son physique de pin-up la cantonne souvent au rôle de belle plante que l’on enlève, elle n’hésite pas à se rebeller avec panache contre ses ravisseurs. Dans « Astérix légionnaire », elle mène même la révolte des prisonnières et met en déroute les soldats romains !
Des personnages féminins hauts en couleur
Au fil des albums, d’autres figures féminines marquantes émergent, à l’image de Cléopâtre, reine d’Égypte au caractère bien trempé, ou encore de Maestria, redoutable guerrière corse. Sans oublier les époques d’Adrénaline l’adolescente rebelle et de Zaza, petite fille espiègle. Autant de personnalités contrastées qui viennent enrichir une galerie de portraits déjà haute en couleurs.
Vers une relecture féministe d’Astérix?
Bien sûr, il serait anachronique de plaquer une grille de lecture féministe du XXIe siècle sur une œuvre née dans les années 1960. Les stéréotypes genrés, assumés avec humour par les auteurs, sont indéniablement le reflet de leur époque. Pour autant, il est frappant de constater que ces femmes « clichées » sont aussi des femmes de caractère, qui ne se laissent pas dicter leur conduite. Un premier pas, inconscient, vers plus de diversité dans la représentation des rôles féminins.
C’est toute la force d’Astérix : sous couvert de stéréotypes humoristiques, la série porte en germe des questionnements sociétaux qui font écho à notre époque. Le féminisme en fait indéniablement partie.
Hélène Laurent, spécialiste de la BD
Alors, Astérix et Obélix féministes malgré eux ? S’il ne faut pas surinterpréter l’œuvre, gageons que les irréductibles Gauloises ne sont pas près de se laisser réduire à de simples faire-valoir. À l’image de leur petit village, elles résistent, avec humour et caractère, aux idées reçues. Une belle leçon d’émancipation, à méditer pour les générations futures !
