Le meurtre brutal de Brian Thompson, PDG de la plus grande compagnie d’assurance santé des États-Unis, UnitedHealthcare, a déclenché une vague de commentaires acerbes et moqueurs sur les réseaux sociaux. De TikTok à X (anciennement Twitter) en passant par LinkedIn, les internautes n’ont pas manqué d’exprimer leur « compassion » teintée d’ironie envers celui qui était à la tête d’un mastodonte de l’assurance souvent décrié pour ses pratiques.
Cet assassinat semble avoir libéré la parole de nombreux Américains excédés par un système de santé jugé profondément inégalitaire, où l’accès aux soins dépend avant tout de la qualité de sa couverture. Sous les posts relatant la nouvelle, les commentaires sarcastiques et les blagues de mauvais goût fusent.
« J’ai soumis une demande de prise en charge pour mes condoléances mais elle a été refusée, trop triste »
« Pensées et prières pour tous les patients à qui l’on a refusé une prise en charge »
« Mes pensées et mes prières ne sont pas incluses dans ma couverture santé »
Autant de piques acerbes faisant référence à la propension des assureurs américains à refuser de couvrir certains actes médicaux, laissant les patients avec de lourdes factures sur les bras. Selon une source proche du dossier, UnitedHealthcare rejetterait près d’un tiers des demandes de prise en charge, soit le double de la moyenne du secteur.
Le reflet d’une colère profonde face aux inégalités
Au-delà de l’humour noir, ces réactions traduisent surtout un ras-le-bol généralisé envers un système à deux vitesses, où les plus aisés peuvent s’offrir les meilleurs soins pendant que les autres doivent se battre pour chaque remboursement. Malgré les avancées de l’Obamacare, des dizaines de millions d’Américains restent sans couverture santé ou peinent à payer leurs primes.
En face, les géants de l’assurance engrangent des profits faramineux. UnitedHealthcare a ainsi dégagé 16,4 milliards de dollars de bénéfices en 2023, tandis que son défunt PDG empochait plus de 10 millions annuels. Des chiffres qui font grincer des dents au pays de l’oncle Sam.
Comme l’explique un internaute dans une vidéo virale sur TikTok, ce déferlement de sarcasmes est avant tout « un mécanisme de défense pour une population qui se sent impuissante face à notre système de santé ». Une manière pour beaucoup d’exorciser leur colère et leur sentiment d’injustice.
Des pratiques controversées pointées du doigt
Si la police n’a pas encore déterminé le mobile derrière ce meurtre, les spéculations vont bon train sur un possible acte de vengeance d’un assuré floué. Selon des sources proches de l’enquête, les mots « delay » (retarder) et « deny » (refuser) auraient été retrouvés griffonnés sur des douilles sur la scène de crime, faisant écho à des pratiques décriées des assureurs pour repousser ou rejeter les demandes de prise en charge.
Ces méthodes, baptisées « delay and deny » outre-Atlantique, sont régulièrement dénoncées par les associations de patients. Elles consistent à multiplier les procédures et les demandes de justificatifs pour décourager les assurés de faire valoir leurs droits. Une stratégie qui permet aux compagnies de réaliser de substantielles économies sur le dos des malades.
L’appel à une réforme en profondeur
Au-delà du drame humain, cet assassinat met en lumière les profondes failles du système de santé américain et le fossé grandissant entre des assureurs privés omnipotents et une population qui peine à se soigner. Pour beaucoup, il est grand temps de revoir en profondeur un modèle à bout de souffle.
Certains appellent à renforcer la régulation du secteur pour limiter les abus, d’autres militent pour une couverture santé universelle sur le modèle européen. Une petite musique qui monte dans le débat public américain, portée par une partie croissante de la population excédée de devoir choisir entre sa santé et son portefeuille.
La mort tragique de Brian Thompson pourrait bien être le symbole d’un système arrivé au bout d’une logique où le profit passe avant les patients. Un électrochoc qui fera peut-être bouger les lignes dans le pays de la libre entreprise. Les Américains l’espèrent en tout cas, eux qui rêvent d’un modèle plus solidaire où l’accès aux soins ne serait plus un luxe.
