C’est un homme accablé qui s’est présenté lundi devant la cour d’assises spéciale de Paris. Brahim Chnina, 52 ans, a pris la parole dans le procès de l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie décapité en octobre 2020 par un jeune islamiste radical. L’accusé est poursuivi pour avoir publié les premiers messages et vidéos stigmatisant l’enseignant sur les réseaux sociaux.
Malgré ses dénégations – « Je ne suis pas un terroriste » -, Brahim Chnina a reconnu l’ampleur de ses actes : « Ce que j’ai fait est irréparable et impardonnable ». Amaigri, l’air fatigué, il encourt jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle pour association de malfaiteurs terroriste. Une qualification qu’il conteste avec force.
Une campagne de cyberharcèlement fatale
Les 7 et 8 octobre 2020, ce père d’une collégienne de 13 ans avait publié des dizaines de messages incendiaires contre Samuel Paty, le qualifiant de « voyou » et n’hésitant pas à livrer son nom et l’adresse de son établissement. Sa fille avait menti en affirmant que le professeur avait demandé aux élèves musulmans de quitter la classe avant de montrer des caricatures de Mahomet. Une fake news aux terribles conséquences.
Car entre les lignes de ses posts haineux, une menace sourde se faisait jour. « Il faut le punir », « lui briser le dos », réclamait l’accusé sur les réseaux. Des appels qui n’ont pas manqué de toucher leur cible : l’enquête a révélé que Brahim Chnina avait eu 9 contacts téléphoniques avec l’assassin de Samuel Paty dans les jours précédant le drame. Mais il assure ne l’avoir « jamais rencontré ».
Entre remords et accusations
À la barre, l’homme multiplie les marques de contrition. « Je regrette infiniment ce que j’ai fait. Je ne suis pas un terroriste », martèle-t-il, affirmant que sa « pratique de l’islam est comme celle de tous les musulmans de France ». Pourtant, il s’était associé à un prédicateur islamiste connu, Abdelhakim Sefrioui, pour faire pression sur Samuel Paty et son collège.
« Je suis triste d’avoir mis M. Paty dans cette situation-là, ça n’était pas du tout mon but. Si j’avais su qu’il y avait des individus menaçants, peut-être que j’aurais pu faire quelque chose pour aider M. Paty. »
Brahim Chnina devant la cour
Tout en reconnaissant sa responsabilité, Brahim Chnina n’hésite pas à mettre en cause la principale du collège, estimant que si elle lui avait dit tout de suite que sa fille avait menti, « M. Paty serait encore en vie ». Un raisonnement que la cour appréciera, alors que l’accusé affirme dans le même temps n’avoir « pas cherché à faire une fatwa ».
Un procès pour exemplarité
Au cœur de ce procès emblématique, qui doit durer jusqu’au 20 décembre, la question de la responsabilité de chacun sera centrale. Si Abdoullakh Anzorov, l’assassin, a été abattu par la police, ses potentiels complices et inspirateurs sont eux dans le box des accusés.
Pour les parties civiles et l’accusation, il s’agira de démontrer que des individus, par leurs propos et leurs actes, peuvent bel et bien contribuer à un engrenage meurtrier. Brahim Chnina, lui, espère convaincre la cour de sa sincérité et de ses remords, martelant être « atteint à vie » par ce drame. La justice tranchera si ces regrets sont à la hauteur de l’irréparable commis.