Ce vendredi 20 décembre, la cour d’assises spéciale de Paris s’apprête à rendre son verdict dans le procès hautement médiatisé des huit accusés impliqués dans l’assassinat du professeur Samuel Paty en octobre 2020. Après sept semaines d’audience intense, les juges professionnels se retirent pour délibérer sur le sort de ceux considérés comme les instigateurs de la sinistre campagne de haine ayant fait de l’enseignant une cible pour les islamistes.
Un verdict très attendu mais incertain
Selon des sources proches du dossier, le verdict qui sera prononcé en fin de journée ce vendredi s’annonce très incertain et risque de ne satisfaire ni les parties civiles, outrées par ce qu’elles considèrent comme des réquisitions « trop clémentes » du parquet, ni la défense qui a plaidé l’acquittement pour la plupart des mis en cause. Le ministère public a en effet requis des peines allant de 18 mois avec sursis à 16 ans de réclusion criminelle à l’encontre des huit prévenus âgés de 22 à 65 ans.
Les instigateurs de la campagne de haine dans le viseur
Parmi les accusés, deux hommes sont particulièrement dans le collimateur de l’accusation. Brahim Chnina, 52 ans, et Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, un prédicateur islamiste radical, sont poursuivis pour avoir lancé et relayé la virulente campagne sur les réseaux sociaux contre Samuel Paty. Dès le 7 octobre 2020, Chnina, père d’une collégienne, avait posté des messages hostiles accusant faussement le professeur d’avoir discriminé les élèves musulmans lors d’un cours sur la liberté d’expression où il avait montré des caricatures de Mahomet.
Abdelhakim Sefrioui avait lui qualifié Samuel Paty de « voyou » dans une vidéo, contribuant à en faire une cible pour les islamistes les plus radicaux.
Contre ces deux hommes considérés comme les principaux instigateurs, le parquet a requis respectivement 10 et 12 ans de réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté des deux tiers pour association de malfaiteurs terroriste.
Des peines plus légères requises contre les « amis » du tueur
Deux jeunes hommes présentés comme des « amis » d’Abdoullakh Anzorov, le terroriste tchétchène de 18 ans qui a décapité Samuel Paty avant d’être abattu par la police, étaient quant à eux poursuivis pour complicité d’assassinat terroriste, un crime passible de la perpétuité. Mais dans un geste surprenant, le parquet a demandé une requalification à la baisse des faits, estimant qu’il n’était pas démontré qu’ils avaient eu connaissance du projet criminel malgré leur rôle logistique auprès du tueur le jour de l’attentat.
Des peines de 14 et 16 ans de réclusion ont été requises à leur encontre pour association de malfaiteurs terroriste. Pour les quatre autres accusés, membres de la mouvance islamiste et en contact avec le tueur sur les réseaux sociaux, les peines demandées vont de 18 mois avec sursis à 5 ans ferme.
La défense plaide l’acquittement et nie « l’intention terroriste »
Tout au long du procès, la défense s’est attachée à minimiser le rôle de chacun et à nier toute « intention terroriste ». Les avocats ont plaidé l’acquittement pour la plupart de leurs clients, dénonçant un dossier « vide » et un « procès d’intention ». Selon eux, ni Brahim Chnina ni Abdelhakim Sefrioui ne peuvent être considérés comme complices ou coauteurs de cet assassinat qu’ils n’avaient « ni voulu, ni même imaginé ».
La défense des « amis » d’Anzorov a elle aussi contesté toute volonté de participer à un acte terroriste, assurant que les jeunes gens n’étaient pas au courant des sombres desseins du tueur. Au terme d’une audience éprouvante qui a ravivé le traumatisme de cet attentat, le verdict très attendu sera donc scruté de près. Au-delà du sort individuel des accusés, il dira si la justice considère que ceux qui, sans être les auteurs directs, attisent la haine et désignent une cible, portent aussi une part de responsabilité dans le basculement vers le terrorisme.