C’est un symbole incontournable du Japon qui se dresse fièrement à 3776 mètres d’altitude. Chaque année, des centaines de milliers de Japonais et de touristes étrangers se lancent à l’assaut du mont Fuji, ce volcan endormi aux pentes escarpées immortalisées par le peintre Hokusai. Mais cette montagne sacrée, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, souffre de son succès. Voies d’accès encombrées, déchets jonchant les sentiers, incivilités des randonneurs… Face aux excès du surtourisme, les autorités ont décidé de sévir.
Un droit d’entrée et des quotas pour réguler l’afflux
Depuis ce lundi 1er juillet, date d’ouverture de la saison d’alpinisme estivale, il faut débourser 2000 yens (environ 11,50 euros) pour emprunter le sentier Yoshida, le plus fréquenté des quatre accès au sommet. L’ascension est également limitée à 4000 personnes par jour, dont 3000 pourront réserver leur sésame en ligne et 1000 l’obtenir sur place le jour même.
Objectif affiché : mieux protéger ce site naturel exceptionnel et la sécurité des randonneurs. «Les nouvelles mesures ont été introduites d’abord et avant tout pour protéger la vie des grimpeurs, mais pas pour les empêcher de venir», justifie le gouverneur de la préfecture de Yamanashi, Kotaro Nagasaki.
Coûts de gestion et de secours en hausse
En effet, chaque année, les autorités déplorent des accidents, parfois mortels, impliquant des randonneurs mal équipés ou imprudents. La semaine dernière encore, 4 corps ont été retrouvés près du sommet. Des drames qui ont un coût pour la collectivité, entre opérations de recherche et sauvetage.
Les frais engendrés par le nombre croissant de visiteurs pèsent aussi sur les infrastructures (toilettes, refuges, signalisation…) de ce parc national. Des coûts de gestion et d’entretien que la redevance d’accès permettra en partie de financer.
Une mesure bien accueillie par les randonneurs
Sur place, la décision est plutôt bien accueillie par les premiers randonneurs de la saison. «J’aime beaucoup cette idée. Je pense que le Japon a fait du bon travail en imposant des restrictions pour limiter le nombre de personnes», approuve Chetna Joshi, une grimpeuse indienne de 47 ans.
Parfois, je me sens mal à l’aise à cause de la foule. Et pour la sécurité des gens, je pense qu’il est souhaitable de limiter le nombre maximum de personnes pour un endroit spécifique.
Sylvain Wagner, randonneur français de 32 ans
Le mont Fuji est en effet pris d’assaut chaque été, de début juillet à mi-septembre, lorsque la neige a fondu et que les conditions météo sont plus clémentes. En 2019, ils étaient plus de 200 000 à avoir gravi le géant.
Le Japon face aux excès du tourisme de masse
Cette mesure s’inscrit dans un contexte plus large où le Japon tente de réguler les flux touristiques et leurs impacts négatifs. Le pays a accueilli 31,9 millions de visiteurs étrangers en 2019, un record. Et malgré la pandémie, la tendance repart à la hausse.
La chute du yen, qui a atteint son plus bas niveau depuis 25 ans, rend la destination très attractive. Tout comme la levée progressive des restrictions sanitaires. En avril dernier, le Japon a ainsi vu déferler plus d’un million de touristes internationaux sur son sol.
Face à cet engouement, d’autres sites emblématiques ont déjà pris des mesures : accès restreint aux ruelles de Kyoto, ticket d’entrée pour les cerisiers en fleurs du parc Ueno à Tokyo, interdiction de fumer dans la rue…
Si le tourisme est une manne économique bienvenue, le Japon entend bien garder le contrôle sur son développement. L’enjeu : préserver son patrimoine naturel et culturel unique, ainsi que le cadre de vie de ses habitants. Un défi de taille pour ce pays qui ambitionne d’attirer 60 millions de visiteurs par an d’ici 2030.