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Artiste Pacifiste Libérée et Exilée de Russie

Une étudiante de 18 ans chantait la paix dans les rues de Saint-Pétersbourg. Trois fois arrêtée, trois fois emprisonnée. Aujourd’hui elle est libre… mais plus en Russie. Que s’est-il vraiment passé et pourquoi a-t-elle dû fuir ?

Imaginez une jeune fille de dix-huit ans, guitare en bandoulière, qui chante la paix au milieu d’une grande avenue enneigée. Les passants s’arrêtent, filment, sourient. Quelques jours plus tard, elle disparaît derrière les barreaux. Puis réapparaît, encore, et encore. C’est l’histoire vraie de Diana Loguinova, connue sous le nom de scène Naoko, qui vient de quitter la Russie après avoir été libérée d’une troisième peine de prison.

Une voix pacifiste qui dérange

À Saint-Pétersbourg, en octobre et novembre derniers, les vidéos de Naoko et de son groupe StopTime ont envahi les réseaux sociaux russes. Des mélodies douces, des paroles simples qui appellent à la fin de la violence. Rien de politique à première vue, juste des jeunes qui veulent un monde meilleur. Pourtant, ces performances ont suffi à déclencher la colère des autorités.

En quelques semaines, la jeune étudiante en musique s’est retrouvée prise dans ce que les défenseurs des droits humains appellent le « carrousel » : des accusations mineures, des peines courtes, mais répétées sans cesse pour briser moralement les opposants.

Le parcours infernal des arrestations

Premier concert de rue, première interpellation. Motif officiel : troubles à l’ordre public. Quelques jours de prison. À peine sortie, elle reprend sa guitare. Deuxième arrestation : discrédit de l’armée russe. Nouvelle condamnation. Troisième fois : organisation d’un rassemblement de masse sans autorisation.

Chaque fois, les peines sont courtes – quelques jours, parfois une quinzaine – mais elles s’enchaînent. L’objectif n’est pas de punir lourdement une seule fois, mais d’user la personne, de lui faire comprendre qu’elle ne sera jamais tranquille tant qu’elle parlera.

« C’est une technique bien rodée : on te libère le vendredi soir pour te reprendre le lundi matin. Tu n’as même pas le temps de dormir chez toi. »

Un militant russe ayant connu le même sort

Une vague de solidarité inattendue

Paradoxalement, plus les autorités cherchaient à faire taire Naoko, plus sa voix portait. Sur TikTok, les hashtags de soutien ont explosé. Des milliers de jeunes musiciens de rue ont repris ses chansons, parfois en modifiant légèrement les paroles pour contourner la censure.

Des lives solidaires ont été organisés, des pétitions ont circulé, des avocats se sont portés volontaires. Même des artistes connus, restés discrets jusque-là, ont partagé discrètement les vidéos de la jeune fille.

Cette mobilisation a probablement joué un rôle décisif : garder Diana trop longtemps aurait risqué de transformer une affaire locale en scandale international.

La libération et l’exil immédiat

Un lundi de novembre, contre toute attente, la porte de la cellule s’ouvre pour de bon. Pas d’explication, pas de nouvelle convocation. Juste la liberté. Mais une liberté sous condition : il faut partir, et vite.

Quelques heures après sa sortie, Diana Loguinova franchissait déjà la frontière. Destination inconnue, pour sa sécurité. Une source proche du dossier a simplement confirmé : « Diana a quitté la Russie ».

Ce départ précipité en dit long sur le climat actuel. Beaucoup d’opposants, même lorsqu’ils sont libérés, choisissent l’exil pour éviter qu’un dossier plus lourd ne soit monté contre eux plus tard.

Le prix de chanter la paix en Russie aujourd’hui

L’histoire de Naoko n’est malheureusement pas isolée. Depuis le début du conflit en Ukraine, des milliers de personnes ont été arrêtées pour des gestes symboliques : une pancarte blanche, une fleur déposée, une chanson. Certains ont écopé de peines de plusieurs années de colonie pénitentiaire.

Les artistes de rue, particulièrement visibles, sont devenus des cibles privilégiées. Leur seul crime ? Refuser le silence imposé.

Le « carrousel » en quelques chiffres (estimations d’ONG)
• Plus de 20 000 arrestations administratives depuis février 2022
• Environ 650 affaires pénales pour « discrédit de l’armée »
• Peines moyennes dans le carrousel : 7 à 15 jours, renouvelables indéfiniment
• 70 % des personnes concernées ont moins de 30 ans

Que devient Naoko maintenant ?

Pour l’instant, silence radio. Par précaution, aucun détail sur son pays d’accueil n’a filtré. Ses proches se contentent de dire qu’elle va bien et qu’elle continue la musique, loin des caméras et des uniformes.

Ses chansons, elles, continuent de circuler en Russie. Plus discrètement, mais avec la même force. Preuve que même quand on fait taire une voix, l’écho demeure.

Cette affaire nous rappelle une chose essentielle : dans certains contextes, chanter la paix n’est pas un acte anodin. C’est un acte de résistance. Et parfois, il a un prix.

Naoko avait dix-huit ans. Elle voulait juste jouer de la guitare dans la rue. Aujourd’hui, elle vit ailleurs, loin de sa ville, de ses amis, de sa famille. Mais elle est libre de chanter.

Et quelque part, c’est déjà une victoire.

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