Imaginez la scène : vous entrez dans la salle la plus sacrée de la Tour de Londres, là où trône la couronne impériale d’apparat, et soudain… une odeur de dessert maison envahit l’air. Ce n’est pas une blague. Samedi matin, des militants ont littéralement transformé l’écrin des joyaux de la monarchie britannique en pâtisserie géante.
Quand la crème anglaise devient une arme politique
Peu avant 10 heures, quatre personnes ont franchi les contrôles de sécurité de la Tour de Londres avec, dans leurs sacs, des barquettes de crumble aux pommes et des pots de crème anglaise. Leur cible ? La vitrine blindée qui protège les joyaux de la Couronne, dont la fameuse couronne portée par le roi Charles III lors de son couronnement.
L’action a duré quelques secondes seulement. Une femme sort une barquette, l’écrase violemment contre la vitre. Un homme verse la crème liquide qui coule en épaisses traînées jaunes. Le tout filmé, bien sûr, pour être diffusé immédiatement sur les réseaux.
« La démocratie s’est effondrée. Nous venons reprendre le pouvoir. »
Ces mots, prononcés sur place par les activistes portant des tee-shirts « Take Back Power », résument leur message. Le groupe, encore peu connu, réclame la création immédiate d’une Assemblée citoyenne capable de taxer lourdement les grandes fortunes afin, disent-ils, de « réparer la Grande-Bretagne ».
Une action minutieusement préparée
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, rien n’a été laissé au hasard. Les activistes savaient que la vitrine est conçue pour résister aux balles et aux explosifs. Leur objectif n’était pas de détruire les joyaux – mission impossible – mais de créer un choc visuel et médiatique.
Ils ont donc choisi des aliments symboliques : le crumble aux pommes et la crème anglaise, desserts typiquement britanniques, pour mieux souligner le contraste entre le luxe de la monarchie et les difficultés quotidiennes de millions de Britanniques face à la crise du coût de la vie.
Deux d’entre eux ont réussi à quitter les lieux juste après l’action. Les quatre ont finalement été interpellés dans les heures qui ont suivi et placés en garde à vue pour « dommages criminels ».
Take Back Power : qui sont ces nouveaux activistes ?
Le groupe Take Back Power se présente comme un mouvement de désobéissance civile non-violent. Sur son compte X, il explique vouloir « secouer le système par des actions symboliques fortes » jusqu’à l’obtention d’une véritable démocratie participative.
Leur revendication principale repose sur la mise en place d’assemblées citoyennes tirées au sort, un modèle déjà expérimenté en Irlande ou en France, qui auraient le pouvoir de légiférer directement, y compris sur la fiscalité des ultra-riches.
Si le groupe est encore confidentiel, ses méthodes rappellent inévitablement celles de Just Stop Oil, le mouvement écologiste qui avait multiplié les actions spectaculaires ces dernières années – soupe sur les Tournesols de Van Gogh, peinture orange sur les vitrines de luxe, blocages de routes…
La Tour de Londres temporairement fermée
L’incident a provoqué la fermeture immédiate de la célèbre forteresse au public. Le temps pour nettoyer la vitrine et procéder aux vérifications de sécurité a duré plusieurs heures.
Heureusement, aucun bijou n’a été touché. La couronne impériale d’apparat, ornée de plus de 3 000 pierres précieuses dont le célèbre diamant Cullinan II de 317 carats, est restée parfaitement protégée derrière sa paroi de verre blindé de plusieurs centimètres d’épaisseur.
Les autorités ont toutefois pris l’affaire très au sérieux : toute atteinte, même symbolique, aux symboles de la monarchie est considérée comme particulièrement grave au Royaume-Uni.
Un débat relancé sur la désobéissance civile
Cette action arrive dans un contexte où la désobéissance civile non-violente divise profondément l’opinion britannique. D’un côté, ceux qui y voient la seule façon de se faire entendre face à un système politique bloqué. De l’autre, ceux qui dénoncent des méthodes irresponsables qui nuisent à la culture et au patrimoine.
Le gouvernement conservateur, puis travailliste, a durci les lois ces dernières années : les peines pour « nuisance publique » ou « dommages à des biens culturels » ont été considérablement alourdies.
Pourtant, les groupes comme Take Back Power ou Just Stop Oil continuent de multiplier les coups d’éclat, estimant que les manifestations classiques ne suffisent plus à alerter sur l’urgence démocratique et sociale qu’ils perçoivent.
Et maintenant ?
Les quatre activistes arrêtés risquent plusieurs années de prison si les chefs d’accusation de dommages criminels sont retenus. Leur procès, quand il aura lieu, sera suivi de près : il pourrait devenir un nouveau symbole du bras de fer entre pouvoir et contestation radicale.
En attendant, la Tour de Londres a rouvert ses portes dès le lendemain. La vitrine est impeccable. Mais l’image de la crème anglaise coulant sur le verre blindé continue de tourner en boucle sur les réseaux… exactement ce que voulaient les militants.
Car au fond, peu importe si vous êtes choqué ou amusé par leur méthode : vous en parlez. Et c’est précisément l’objectif.
La monarchie britannique, ses fastes, ses joyaux, son histoire millénaire… tout cela semble parfois appartenir à un autre monde quand des millions de Britanniques peinent à payer leurs factures d’énergie. C’est ce fossé que les activistes ont voulu matérialiser, avec une audace pâtissière qui ne laisse personne indifférent.
L’histoire n’est pas terminée. D’autres actions sont probablement déjà en préparation. Et la prochaine fois, quel monument, quel symbole sera visé ?
Une chose est sûre : en matière de contestation créative, les Britanniques n’ont pas fini de nous surprendre.









