Un séisme politique secoue actuellement le Nicaragua, suite à une décision fracassante d’un juge argentin. Ce dernier a en effet ordonné l’arrestation du président nicaraguayen Daniel Ortega, ainsi que de son épouse Rosario Murillo et d’une dizaine de leurs plus proches collaborateurs. Les accusations sont des plus graves : violation systématique des droits de l’Homme dans ce pays d’Amérique centrale.
Une plainte reposant sur le principe de compétence universelle
Cette action en justice, initiée par un groupe de professeurs de l’Université de Buenos Aires mené par l’avocat Dario Richarte, s’appuie sur le principe de compétence universelle. Ce dernier permet aux pays de poursuivre les crimes contre l’humanité indépendamment du lieu où ils ont été commis. Une notion clé qui ouvre la voie à une possible extradition du couple présidentiel nicaraguayen.
Le gouvernement de M. Ortega et de son épouse est peut-être la dictature la plus sanglante qui ait jamais existé sur le continent.
Dario Richarte, avocat à l’origine de la plainte
Accusations de crimes contre l’humanité
Les accusations portées sont effroyables et nombreuses. Elles comprennent l’assassinat, la privation grave de liberté, la disparition forcée de personnes, la torture, la déportation ou le transfert forcé de population et la persécution d’un groupe ou d’une collectivité. Des exactions qui relèveraient d’un véritable « plan criminel de répression » selon les termes de la plainte.
Un régime autoritaire de plus en plus verrouillé
Daniel Ortega, ancien guérillero sandiniste de 79 ans, dirige d’une main de fer le Nicaragua depuis son retour au pouvoir en 2007. Réformant à de multiples reprises la Constitution, il s’est arrogé la possibilité de briguer un nombre illimité de mandats. Son épouse, Rosario Murillo, est même appelée à devenir officiellement « coprésidente » suite à une énième réforme constitutionnelle en passe d’être validée.
Répression féroce post-manifestations de 2018
La radicalisation du régime Ortega-Murillo s’est particulièrement accélérée après les manifestations antigouvernementales de 2018, réprimées dans le sang (320 morts selon l’ONU). Depuis, le couple présidentiel accuse pêle-mêle l’Eglise, les journalistes et les ONG d’avoir soutenu ce qu’il considère comme une tentative de coup d’Etat orchestrée par Washington.
Un « modèle répressif sans précédent » dénonce Amnesty
Une dérive autoritaire inédite que dénonce Amnesty International. L’ONG met en garde contre un « modèle répressif » menaçant les droits humains d’une manière « sans précédent » au Nicaragua. Entre février 2023 et septembre 2024, plus de 400 opposants, hommes d’affaires, journalistes, intellectuels, défenseurs des droits humains ou encore membres du clergé ont été déchus de leur nationalité et poussés à l’exil ou expulsés du pays.
Précédents en Argentine et au-delà
L’Argentine n’en est pas à son coup d’essai en matière d’application du principe de compétence universelle. En septembre dernier, la justice du pays avait déjà ordonné l’arrestation du président vénézuélien Nicolas Maduro et de son ministre de l’Intérieur, les accusant également de crimes contre l’humanité. Un précédent encore plus célèbre remonte à 1998, lorsque l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet avait été appréhendé à Londres suite à un mandat du juge espagnol Baltasar Garzon.
Quelles suites pour le couple Ortega-Murillo ?
Si l’exécution du mandat d’arrêt émis par le juge argentin Ariel Lijo à l’encontre de Daniel Ortega et Rosario Murillo semble pour l’heure peu probable, cette décision n’en constitue pas moins un camouflet cinglant et une mise au ban internationale supplémentaire pour le régime nicaraguayen. Une pression de plus sur ce couple présidentiel controversé, déjà dans le collimateur de Washington, de l’Union Européenne et de nombreux pays d’Amérique latine qui l’accusent d’avoir instauré une véritable dictature.
Face à ces accusations gravissimes de crimes contre l’humanité, le président Ortega et son épouse semblent plus isolés que jamais sur la scène internationale. Reste à voir si cette énième condamnation judiciaire, bien que largement symbolique à ce stade, contribuera à fragiliser leur emprise sur le Nicaragua. Un pays aujourd’hui meurtri, où les libertés fondamentales et les droits humains sont chaque jour un peu plus bafoués.