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Arrestation Choc du Porte-Parole PDCI en Côte d’Ivoire

Le porte-parole du PDCI et député Soumaïla Bredoumy vient d’être écroué pour « actes terroristes » et « complot contre l’État ». 18 chefs d’accusation, une cellule individuelle négociée… Mais derrière ces accusations gravissimes, l’opposition dénonce une intimidation pure et simple à quelques semaines des législatives. Que se passe-t-il vraiment à Abidjan ?

Imaginez : vous rentrez dans votre pays après plusieurs mois d’absence, vous êtes député, candidat aux prochaines élections, et à peine 48 heures plus tard, vous dormez en prison, accusé d’actes terroristes et de complot contre l’État. C’est exactement ce qui vient d’arriver à Soumaïla Bredoumy, porte-parole du principal parti d’opposition en Côte d’Ivoire.

Un coup de tonnerre dans le paysage politique ivoirien

Jeudi soir, l’information est tombée comme un couperet : Soumaïla Bredoumy a été placé sous mandat de dépôt et écroué au Pôle pénitentiaire d’Abidjan. Pas moins de 18 chefs d’inculpation pèsent désormais sur ses épaules, dont certains particulièrement lourds : actes terroristes, assassinat, complot contre l’autorité de l’État, organisation d’une bande armée… La liste semble interminable.

Pour comprendre le choc, il faut rappeler qui est l’homme. Député du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), candidat aux législatives prévues fin décembre, il était aussi le visage et la voix de l’opposition modérée ces derniers mois. Son retour lundi, après plusieurs mois hors du pays, avait pourtant été discret. Trop discret, peut-être.

Les accusations : un arsenal juridique impressionnant

Quand on lit la liste complète, on a le vertige. Les chefs d’accusation vont de l’atteinte à l’ordre public à l’apologie de crimes de meurtre, en passant par la destruction volontaire de biens et le vol. Ses avocats, Me Jean-Chrysostome Blessy et Me Luc Kacou Adje, affirment ne même pas connaître les faits précis reprochés à leur client.

Mercredi, il avait d’abord été placé en garde à vue dans le cadre d’une procédure de flagrant délit – une exception constitutionnelle qui permet de contourner l’immunité parlementaire. 11 chefs d’accusation au départ. Le lendemain, ils étaient déjà 18.

  • Actes terroristes
  • Assassinat
  • Complot contre l’autorité de l’État
  • Attentat contre l’autorité de l’État
  • Organisation d’une bande armée
  • Participation à une manifestation interdite
  • Atteinte aux opérations électorales
  • Apologie des crimes de meurtres

Autant dire que le parquet n’y est pas allé avec le dos de la cuillère.

La réaction immédiate du PDCI : « une stratégie d’intimidation »

Dès jeudi, le parti a publié un communiqué cinglant. Pour le PDCI, cette arrestation s’inscrit dans « une procédure illégale, arbitraire » et relève d’une « stratégie d’intimidation, de harcèlement et de mise sous pression des voix dissidentes ».

« Nous exigeons la libération immédiate de notre porte-parole »

Communiqué officiel du PDCI

Le ton est donné. Et le parti n’est pas seul. Le cas de Damana Pickass, haut cadre du PPA-CI (le parti de Laurent Gbagbo), inculpé début novembre pour des motifs similaires, avait déjà mis le feu aux poudres.

Un calendrier politique explosif

Il faut replacer tout cela dans le contexte. La présidentielle du 25 octobre vient à peine de s’achever avec la victoire – contestée – d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat. L’opposition avait dénoncé cette candidature, jugée anticonstitutionnelle. Manifestations, interdictions, arrestations : l’ambiance était déjà électrique.

Aujourd’hui, à moins d’un mois des législatives, le pouvoir semble vouloir couper l’herbe sous le pied de ses adversaires. Tidjane Thiam, président du PDCI, est toujours hors du pays. Laurent Gbagbo a choisi, via son parti, de boycotter le scrutin. Et maintenant, le porte-parole du PDCI dort en prison.

Coïncidence ? L’opposition, elle, n’y croit pas une seconde.

Des conditions de détention « négociées »

Petit détail qui en dit long : les avocats ont obtenu que Soumaïla Bredoumy soit placé dans une cellule individuelle, « compte tenu de sa qualité » de député. Un privilège rare qui montre à la fois le statut de l’homme… et la gravité de la situation.

Son défenseur, Me Luc Kacou Adje, le répète : son client « ne reconnaît pas ces motifs ». Pour l’instant, aucun élément concret n’a été rendu public par le parquet pour justifier ces accusations terroristes.

Un précédent inquiétant

Ce n’est pas la première fois que des opposants de haut rang se retrouvent derrière les barreaux après une élection. Mais l’ampleur des chefs d’accusation, le timing, et surtout la qualification « terroriste » marquent un cran supplémentaire dans la crispation politique.

Le Conseil national de sécurité a prolongé jusqu’en janvier l’interdiction des manifestations pour les partis politiques hors processus électoral. Traduction : toute contestation dans la rue est désormais criminalisée.

Onze morts lors de la présidentielle, des dizaines d’arrestations, plus d’une centaine de manifestants condamnés à trois ans de prison ferme… Le bilan post-électoral est lourd.

Vers une campagne législative sous haute tension

À moins d’un mois du scrutin, l’opposition se retrouve décapitée ou muselée. Le PDCI doit-il maintenir ses candidats ? Le PPA-CI a déjà annoncé qu’il ne participerait pas. D’autres suivront-ils ?

Dans les quartiers populaires d’Abidjan, la colère gronde. Sur les réseaux sociaux, les hashtags se multiplient. Beaucoup y voient la confirmation que le jeu démocratique est pipé et que le pouvoir est prêt à tout pour conserver sa majorité absolue à l’Assemblée.

Pourtant, officiellement, les autorités répètent que ces arrestations n’ont « aucun lien avec l’appartenance politique » et que chaque dossier fait l’objet d’une « enquête régulière ».

Un pays à la croisée des chemins

La Côte d’Ivoire n’en est pas à sa première crise politique. Dix ans après la terrible crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3 000 morts, le spectre d’une nouvelle fracture plane à nouveau.

L’arrestation de Soumaïla Bredoumy n’est peut-être qu’un épisode. Mais elle cristallise toutes les tensions accumulées ces derniers mois : quatrième mandat contesté, exclusion des principaux leaders d’opposition, répression des manifestations, et maintenant des accusations d’une gravité exceptionnelle contre des cadres politiques.

La question que tout le monde se pose désormais : jusqu’où ira cette spirale ? Les législatives de décembre seront-elles un vrai scrutin ou une simple formalité ? Et surtout, la Côte d’Ivoire parviendra-t-elle à sortir de ce cycle infernal de crises à répétition ?

Pour l’instant, une chose est sûre : en prison ou libre, Soumaïla Bredoumy est devenu, malgré lui, le symbole d’une opposition qui refuse de se taire. Et ça, même les murs du Pôle pénitentiaire d’Abidjan ne pourront pas l’effacer.

À suivre de très près dans les prochaines semaines : la réaction internationale, les éventuelles nouvelles arrestations, et surtout la capacité de l’opposition à se reorganiser avant les législatives. L’histoire n’est clairement pas terminée.

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