Un véritable coup de tonnerre secoue actuellement le secteur minier malien. Alors qu’ils étaient venus à Bamako pour des discussions de routine avec les autorités, le PDG de la compagnie aurifère australienne Resolute ainsi que deux de ses cadres ont été interpellés de manière totalement inattendue vendredi dernier, a confirmé la société dans un communiqué.
Terence Holohan, le directeur général, accompagné de deux collaborateurs, s’était rendu dans la capitale malienne afin d’échanger avec les autorités minières et fiscales sur les activités de Resolute dans le pays et tenter d’avancer sur des réclamations en cours, que la compagnie “continue à déclarer sans fondement”. C’est à l’issue de ces réunions que les trois hommes ont été arrêtés, puis placés en garde à vue au pôle spécialisé dans la lutte contre la corruption, soupçonnés de faux et d’atteinte aux biens publics, selon des sources proches du dossier.
Pressions accrues sur les compagnies étrangères
Cette affaire intervient dans un contexte de fortes tensions entre les compagnies minières étrangères et les autorités maliennes. Fin septembre, quatre employés de la société canadienne Barrick Gold, elle aussi en litige avec l’État malien, avaient déjà été détenus plusieurs jours avant d’être relâchés. Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire en 2020, les pressions se sont nettement accentuées sur les entreprises du secteur, avec une attention toute particulière portée aux revenus générés par l’industrie aurifère.
Car si le Mali figure parmi les pays les plus pauvres au monde, il est aussi l’un des premiers producteurs d’or en Afrique. Les exportations du métal précieux représentent environ 75% des recettes à l’export et l’or contribue à hauteur d’un quart au budget national. Un jackpot qui aiguise les appétits du pouvoir en place, bien décidé à rétablir la souveraineté du pays sur ses abondantes ressources naturelles.
Lutte anti-corruption et restauration de la souveraineté
La lutte contre la corruption et la reprise de contrôle des richesses nationales sont en effet devenus les mantras de la junte. Et ce durcissement à l’égard des compagnies minières étrangères a coïncidé avec le pivot stratégique opéré par les autorités maliennes en direction de la Russie, sur fond de tensions avec la France.
“Resolute s’emploie à trouver avec le gouvernement malien un accord qui garantisse l’avenir à long terme de la mine d’or de Syama; en même temps sa priorité absolue reste la sécurité et le bien-être de ses employés”
– Communiqué de la compagnie Resolute
De son côté, la compagnie Resolute, qui détient 80% des parts de la mine de Syama dans le sud-ouest du pays, assure dans son communiqué travailler à un accord avec le gouvernement malien pour garantir l’avenir de ce site aurifère stratégique. Mais elle souligne que “sa priorité absolue reste la sécurité et le bien-être de ses employés”, qui bénéficient du soutien des représentations diplomatiques australienne et britannique sur place.
Un avenir incertain pour le secteur minier
Alors que le Mali traverse une crise multidimensionnelle, entre menace jihadiste, crise institutionnelle et tensions géopolitiques, l’avenir du secteur minier, crucial pour l’économie nationale, semble plus incertain que jamais. Les arrestations spectaculaires de ces derniers jours envoient un signal clair aux compagnies étrangères : la junte entend bien imposer ses règles et reprendre la main sur l’or malien.
Mais ces pressions et ces litiges à répétition risquent aussi de fragiliser une industrie aurifère déjà confrontée à de nombreux défis sécuritaires et logistiques. Certains observateurs craignent que ce bras de fer ne finisse par décourager les investissements étrangers, pourtant essentiels pour développer le potentiel minier du pays. La question est désormais de savoir jusqu’où les autorités maliennes sont prêtes à aller dans cette bataille pour la souveraineté, et quelles en seront les conséquences à long terme pour un secteur stratégique qui fait vivre, directement ou indirectement, des millions de Maliens.