Imaginez-vous à Buenos Aires, au cœur d’une manifestation où des retraités brandissent des pancartes, leurs visages marqués par la colère et l’inquiétude. Pourquoi ? Le président argentin, Javier Milei, vient de poser son veto à une loi visant à augmenter les pensions de retraite, une décision qui secoue le pays. Cette mesure, approuvée par une majorité au Congrès, promettait un léger mieux pour des millions de retraités confrontés à une crise économique sans précédent. Mais pour Milei, cette loi menace l’équilibre fiscal qu’il défend avec acharnement. Alors, que se passe-t-il en Argentine, et quelles sont les conséquences de ce bras de fer politique ?
Un Veto qui Fait des Vagues
En juillet dernier, le Congrès argentin a voté une loi visant à revaloriser les retraites de 7,2 %, tout en ajoutant une allocation mensuelle de 40 000 pesos, soit environ 30 dollars. Ce n’était pas une révolution, mais un coup de pouce pour des retraités dont plus de 70 % vivent avec une pension minimale de 275 dollars par mois, bien en-dessous du seuil de pauvreté. Pourtant, le président Milei a choisi de bloquer cette mesure, arguant qu’elle compromettait sa politique d’austérité. Selon un communiqué officiel, cette loi, jugée « irresponsable », n’indiquait pas clairement l’origine des fonds nécessaires, risquant ainsi de déséquilibrer les finances publiques.
Ce n’est pas la première fois que Milei utilise son veto. En août 2024, il avait déjà bloqué une autre revalorisation des pensions, consolidant sa réputation de dirigeant inflexible. Mais ce dernier veto, officialisé au bulletin officiel, a ravivé les tensions dans un pays où l’inflation galopante et la précarité touchent durement les plus vulnérables.
Les Retraités, Victimes de l’Austérité
Les retraités argentins sont parmi les plus touchés par les mesures d’austérité de Milei. Avec une pension minimale équivalant à 275 dollars, ils peinent à couvrir leurs besoins de base dans un pays où l’inflation dépasse souvent les 100 % par an. Selon des études privées, cette situation place de nombreux retraités dans une précarité extrême, incapables de faire face à la hausse des prix des aliments, des médicaments ou des services essentiels.
« Les retraités sont les oubliés de cette politique. On nous demande de survivre avec des miettes pendant que les prix s’envolent. »
Un retraité anonyme lors d’une manifestation à Buenos Aires
La décision de Milei de bloquer l’augmentation des retraites n’est pas seulement un choix économique, c’est aussi un symbole. Elle incarne une vision où la rigueur budgétaire prime sur le bien-être immédiat des citoyens les plus vulnérables. Mais à quel prix ? Les manifestations qui ont suivi ce veto, souvent réprimées par la police, ont conduit à des blessures graves et de nombreuses arrestations, renforçant le sentiment d’injustice.
Un Congrès Face à un Mur
Le veto de Milei met également en lumière la fragilité de son pouvoir au Congrès. Avec seulement 39 députés sur 257 et 6 sénateurs sur 72 (plus un allié), son gouvernement est en minorité dans les deux chambres. Renverser un veto présidentiel exige une majorité des deux tiers dans chaque chambre, un seuil difficile à atteindre pour l’opposition, même si elle est majoritaire. Ce rapport de force illustre la tension entre un exécutif déterminé à imposer sa vision et un législatif qui tente de répondre aux besoins de la population.
Chambre | Représentation du gouvernement | Majorité requise pour renverser un veto |
---|---|---|
Députés | 39 sur 257 | 171 voix |
Sénateurs | 6 (+1) sur 72 | 48 voix |
Ce tableau montre l’ampleur du défi pour l’opposition. Même si elle parvient à mobiliser une large coalition, atteindre les deux tiers reste un obstacle de taille. Cela donne à Milei une marge de manœuvre considérable pour imposer ses réformes, malgré les critiques.
Un Autre Veto Controversé : le Moratoire sur les Retraites
Outre l’augmentation des pensions, Milei a également bloqué une loi visant à restaurer un moratoire sur les retraites, qui aurait permis à ceux n’ayant pas cotisé pendant 30 ans d’accéder à une pension. Dans un pays où plus de 40 % du travail est informel, cette mesure était cruciale pour des millions d’Argentins. En la rejetant, le président a renforcé l’image d’un gouvernement déconnecté des réalités sociales, selon ses détracteurs.
Le travail informel, omniprésent en Argentine, touche particulièrement les populations précaires, qui n’ont pas accès aux cotisations sociales nécessaires pour une retraite décente. En refusant ce moratoire, Milei prive une large frange de la population d’un filet de sécurité, accentuant les inégalités dans un pays déjà fracturé.
Les Personnes Handicapées dans le Viseur
Le président n’a pas seulement ciblé les retraites. Il a aussi opposé son veto à une loi déclarant l’état d’urgence pour les personnes en situation de handicap. Ce texte visait à régulariser les paiements en retard des prestations de santé et à garantir leur continuité jusqu’en décembre 2027. De plus, il prévoyait un quota d’emplois pour les personnes handicapées, une mesure supprimée par l’administration Milei.
« Ce veto est une honte. Les personnes handicapées ont besoin de soutien, pas de nouvelles barrières. »
Un militant associatif argentin
Selon l’Office du budget du Congrès, cette loi aurait représenté un coût fiscal de 0,22 % à 0,42 % du PIB. Le gouvernement, lui, estime que ces mesures auraient engendré des dépenses supplémentaires de 4,3 millions d’euros en 2025 et 10,3 millions d’euros en 2026. Pour Milei, ces chiffres sont inacceptables dans un contexte où l’équilibre fiscal est la priorité absolue.
Une Société en Ébullition
Les décisions de Milei ne passent pas inaperçues. Les rues de Buenos Aires et d’autres grandes villes argentines se sont transformées en scènes de manifestations massives. Les retraités, les personnes handicapées, les travailleurs informels et leurs soutiens dénoncent une politique qu’ils jugent inhumaine. Ces mobilisations, souvent réprimées par la police, ont entraîné des affrontements violents, des blessés graves et de nombreuses arrestations.
Pour mieux comprendre l’impact de ces vetos, voici un résumé des principales mesures bloquées :
- Augmentation des retraites : 7,2 % d’augmentation et 40 000 pesos d’allocation mensuelle.
- Moratoire sur les retraites : Accès à une pension pour les travailleurs informels sans 30 ans de cotisation.
- État d’urgence pour les handicapés : Régularisation des paiements de santé et quota d’emplois.
Ces mesures, bien que coûteuses, étaient perçues comme des bouées de sauvetage pour des populations vulnérables. Leur rejet a renforcé le sentiment d’abandon chez de nombreux Argentins, qui reprochent à Milei de privilégier les chiffres au détriment des vies humaines.
Un Équilibre Fiscal à Quel Prix ?
Le gouvernement de Milei défend ses choix par la nécessité de redresser les finances publiques. Après des années de crises économiques, l’Argentine fait face à une dette colossale et une inflation hors de contrôle. Pour le président, chaque peso dépensé doit être justifié, et les lois bloquées par son veto sont jugées trop vagues sur leur financement. Mais cette rigueur a un coût social élevé, et les critiques estiment que Milei sous-estime les conséquences de ses décisions sur les plus démunis.
En résumé, les vetos de Javier Milei sur les retraites, le moratoire et les mesures pour les personnes handicapées reflètent une vision économique stricte, mais ils attisent aussi la colère d’une population déjà à bout. Les manifestations, les tensions au Congrès et les critiques internationales montrent que l’Argentine est à un tournant. La question reste : jusqu’où Milei pourra-t-il pousser son agenda d’austérité avant que la société ne se fracture davantage ?