Imaginez-vous dans les rues animées de Buenos Aires : le bruit des tambours résonne, les fumées de grillades flottent dans l’air, et des milliers de voix s’élèvent pour crier leur colère. Ce n’est pas une fête, mais une révolte. En ce printemps 2025, l’Argentine traverse une tempête sociale sans précédent, portée par une grève générale et des manifestations contre une politique d’austérité qui serre la vis à une population déjà essorée. Au cœur de cette tourmente, un président ultralibéral mise tout sur un sauvetage financier venu de l’étranger. Mais à quel coût ?
Une Mobilisation Sociale qui Ébranle le Pays
Mercredi, les rues ont vibré sous les pas de milliers de manifestants. Le lendemain, une grève générale de 24 heures a tenté de mettre le pays à l’arrêt. À l’origine de ce mouvement ? Une centrale syndicale puissante, bien décidée à faire entendre la voix des travailleurs, des retraités et des plus démunis face à une politique économique perçue comme brutale. Trains, avions, ports, écoles : tout devait s’arrêter. Pourtant, l’impact reste incertain, certains secteurs, comme les bus de la capitale, ayant choisi de ne pas suivre le mot d’ordre.
D’après une source proche des organisateurs, cette mobilisation ne se limite pas à un simple coup d’éclat. Elle reflète un ras-le-bol profond, ancré dans des mois de restrictions budgétaires surnommées la « tronçonneuse » par leurs détracteurs. Depuis seize mois, le pouvoir d’achat s’effrite, et les statistiques officielles ne suffisent plus à masquer la réalité quotidienne.
Un Ciel Assombri par l’Austérité
Quand on parle d’austérité, le terme n’est pas exagéré. Depuis l’arrivée au pouvoir de ce président aux idées radicales, les coupes budgétaires ont frappé fort. Les retraites, déjà fragiles, ont été laminées, et les salaires peinent à suivre une inflation qui, bien que ralentie, reste écrasante. En 2023, elle atteignait 211 % sur un an. Aujourd’hui, elle s’est stabilisée à 66 %, mais pour beaucoup, cela ne change rien aux fins de mois impossibles.
« Le coût pour les plus vulnérables est bien plus lourd que ce que les chiffres officiels laissent entendre. »
– Un dirigeant syndical anonyme
Et puis il y a la pauvreté. Après une envolée à 52,9 % sous l’effet d’une dévaluation choc en début de mandat, elle a reculé à 38 % fin 2024. Une amélioration ? Pas pour tout le monde. Les syndicats dénoncent des données qui cachent une détresse bien réelle : pour une famille, vivre avec moins de 313 dollars par mois, c’est jongler avec l’impossible.
Le Rôle Clé du FMI : Sauveur ou Fardeau ?
Pendant que les rues grondent, les regards se tournent vers Washington. Un prêt de 20 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI) est en négociation, un accord technique ayant été annoncé récemment. Pour le gouvernement, c’est une bouée de sauvetage : refinancer une dette chronique, consolider les réserves de devises et relancer une économie en recul de 1,8 % en 2024. Mais pour beaucoup d’Argentins, ce n’est qu’un mirage.
« On a déjà vu ça », confie un retraité lors d’une manifestation. L’histoire lui donne raison : par le passé, des aides similaires ont parfois servi à alimenter des fuites de capitaux plutôt qu’à soulager la population. La méfiance est palpable, et le spectre d’une dépendance accrue au FMI plane comme une ombre.
Une Popularité en Dent de Scie
Le président, lui, reste une figure clivante. Malgré une érosion récente de son soutien – notamment après un fiasco lié à une cryptomonnaie en février –, il conserve une base solide. Les sondages lui attribuent encore 40 à 45 % d’opinions favorables, un score enviable face à une opposition fragmentée. À quelques mois des élections législatives, ce capital politique pourrait encore peser.
Mais le mécontentement grandit. Les heurts violents du 12 mars, qui ont fait 45 blessés, et les mobilisations régulières des retraités montrent que la patience s’effrite. Un sociologue interrogé par une source fiable va plus loin : « Aucun gouvernement n’a abîmé le tissu social aussi vite en si peu de temps. »
Entre Chiffres et Réalité : Le Vrai Visage de la Crise
Les chiffres officiels racontent une histoire. La réalité en raconte une autre. Oui, l’inflation ralentit, et la pauvreté diminue sur le papier. Mais dans les faits ? Les files d’attente devant les soupes populaires s’allongent, et les retraités manifestent chaque semaine pour réclamer de quoi vivre dignement.
- Inflation : de 211 % en 2023 à 66 % en 2025, mais toujours un fardeau.
- Pauvreté : tombée à 38 %, mais masquant des inégalités criantes.
- Économie : un recul de 1,8 % en 2024, et une reprise incertaine.
Pour les syndicats, le compte n’y est pas. Ils accusent le gouvernement de privilégier les indicateurs macroéconomiques au détriment des citoyens. Une spirale descendante, disent-ils, qui frappe surtout les plus fragiles.
Et Après ? Un Avenir Incertain
Le prêt du FMI sera-t-il la lumière au bout du tunnel ou une nouvelle chaîne autour du cou de l’Argentine ? Difficile à dire. Le conseil d’administration du Fonds doit encore valider l’accord, et chaque jour qui passe attise les spéculations. Pendant ce temps, le gouvernement défend son cap, qualifiant les grévistes de « déconnectés » et vantant une politique « bien menée ».
Mais dans les rues, l’ambiance est autre. Entre pétards et slogans, les Argentins ne lâchent rien. La question reste en suspens : cette mobilisation marquera-t-elle un tournant, ou ne sera-t-elle qu’un cri dans le désert face à une machine économique implacable ? L’histoire nous le dira.
À suivre : les décisions du FMI et leurs répercussions sur un pays au bord du gouffre.