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Arabie Saoudite : Un Déficit Choisi pour Sauver l’Avenir

L’Arabie Saoudite vient d’annoncer un déficit de 44 milliards de dollars pour 2026. Un choix assumé pour financer la révolution Vision 2030. Mais jusqu’où ce pari peut-il tenir face à un pétrole à 60-70 $ ? La réponse risque de vous surprendre…

Imaginez un pays qui possède les plus grandes réserves de pétrole au monde et qui, pourtant, décide délibérément de creuser un déficit de 44 milliards de dollars. Pas par faiblesse, mais par ambition. C’est exactement ce qu’a choisi l’Arabie Saoudite avec son budget 2026.

Un déficit assumé, presque provocateur

Mardi, le royaume a dévoilé un budget prévoyant 165 milliards de rials de déficit, soit environ 44 milliards de dollars. Cela représente 3,3 % du PIB, un chiffre en nette baisse par rapport aux 5,3 % attendus pour 2025. À première vue, on pourrait croire à un retour à l’équilibre. En réalité, Riyad maintient volontairement la pression sur les dépenses.

Les dépenses publiques resteront quasiment stables à 1 313 milliards de rials (350 milliards de dollars), tandis que les recettes chutent à 1 147 milliards de rials sous l’effet de prix du pétrole toujours faibles. Le message est clair : la diversification ne peut pas attendre que le baril remonte.

« Le niveau actuel du déficit est un choix politique. Nous devons investir dans notre économie et, tant que le rendement de ces investissements sera supérieur au coût de la dette, nous poursuivrons cette trajectoire. »

Mohammed al-Jadaan, ministre saoudien des Finances

Vision 2030 : le pari à plusieurs centaines de milliards

Lancé en 2016 par le prince héritier Mohammed ben Salmane, ce plan titanesque vise à transformer radicalement l’économie saoudienne. Objectif : faire passer la part des revenus non pétroliers de moins de 40 % à plus de 65 % du PIB d’ici 2030.

Pour y parvenir, le royaume injecte des sommes colossales dans le tourisme, le divertissement, le sport, la technologie et les infrastructures. Des projets comme la ville futuriste Neom, la station de ski en plein désert Trojena, ou encore les multiples événements sportifs internationaux coûtent des centaines de milliards.

Ces investissements ne rapportent pas encore. Mais ils créent déjà des emplois, attirent des entreprises étrangères et changent l’image du pays. Le tourisme, quasi inexistant il y a dix ans, a accueilli plus de 100 millions de visiteurs en 2023, dont 27 millions de touristes internationaux.

Le pétrole reste le talon d’Achille

Malgré tous ces efforts, les recettes du royaume dépendent encore très majoritairement du brut. Le géant Aramco a enregistré sa onzième baisse trimestrielle consécutive de bénéfices début novembre. Le baril oscille entre 60 et 70 dollars, soit environ dix dollars de moins qu’il y a un an.

Les tensions géopolitiques au Moyen-Orient et les sanctions contre la Russie ont limité la chute, mais l’offre mondiale reste abondante. L’OPEP+, dont l’Arabie Saoudite est le leader de fait, continue de freiner sa production pour soutenir les cours, au prix d’une perte de parts de marché.

Évolution du déficit budgétaire saoudien (en % du PIB)

2024 → 2,3 %
2025 → 5,3 % (prévision)
2026 → 3,3 %
2027 → 2,3 % (prévision)
2028 → 2,2 % (prévision)

Un équilibre fragile mais calculé

Le ministère des Finances anticipe un retour progressif vers l’équilibre à partir de 2027. L’économie saoudienne devrait croître de 4,6 % en 2026, portée essentiellement par les secteurs non pétroliers. Le royaume mise sur une accélération des réformes et une hausse de la consommation intérieure.

Les réserves de change restent confortables (plus de 430 milliards de dollars) et la dette publique, bien que croissante, demeure soutenable à environ 30 % du PIB. Le coût de l’emprunt reste très bas pour un pays noté A1 par Moody’s.

Le vrai risque n’est pas financier à court terme, mais stratégique : que se passera-t-il si les grands projets ne décollent pas assez vite ? Si les touristes boudent Neom ? Si le sportswashing ne suffit plus à redorer l’image internationale ?

Un modèle unique au monde

Aucun autre grand exportateur de pétrole n’a osé une transformation d’une telle ampleur en si peu de temps. Les Émirats arabes unis ont diversifié plus tôt et plus progressivement. Le Qatar mise sur le gaz et les investissements financiers. L’Arabie Saoudite, elle, a choisi la méthode forte : tout, tout de suite.

Ce choix force le respect par son audace. Il suscite aussi des interrogations légitimes sur sa viabilité à long terme. Mais une chose est sûre : le royaume ne fait rien à moitié. Quand il décide de changer, il change vraiment.

Le déficit 2026 n’est pas un accident. C’est la facture volontaire d’un pays qui refuse de mourir avec son pétrole. Reste à savoir si l’addition sera payée par des succès économiques retentissants… ou par les générations futures.

Une chose est certaine : le monde entier regarde. Car si l’Arabie Saoudite réussit son pari, elle deviendra la preuve vivante qu’un pays pétrolier peut se réinventer. Et si elle échoue, elle emportera avec elle une partie de l’équilibre économique mondial.

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