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Angers : La Gauche Accusée de Mépris Raciste envers les Quartiers

À Angers, une primaire de la gauche vire au scandale : des militantes voilées affluent pour voter et soudain on parle de « bourrage d’urnes » et de « manipulation ». Quand la participation des classes populaires devient suspecte… La suite est accablante.

Imaginez la scène : un petit bureau de vote associatif, un samedi matin à Angers. Des dizaines de femmes, souvent voilées, parfois accompagnées de leurs enfants, font la queue pour glisser leur bulletin dans l’urne. Elles sourient, discutent, semblent fières de participer. Pour elles, c’est une première ou presque. Et soudain, dans les rangs des organisateurs historiques de la gauche locale, les visages se ferment. Des murmures. Des messages échangés en urgence sur WhatsApp. « C’est bizarre », « ils ont rameuté tout le quartier », « on dirait du bourrage d’urnes »…

Ce qui aurait dû être une belle image de démocratie participative s’est transformé, en quelques heures, en une illustration brutale des fractures qui gangrènent la gauche française lorsqu’il s’agit des classes populaires issues de l’immigration.

Quand la participation des quartiers devient « suspecte »

À l’origine de cette affaire, l’association Demain Angers, une plateforme unitaire qui rassemble le PS, Europe Écologie Les Verts, le Parti communiste, Génération.s et Place publique en vue des municipales de 2026. La France insoumise, jugée trop clivante, a été soigneusement écartée. Jusque-là, tout va bien dans le meilleur des mondes de la gauche « responsable ».

Mais voilà : pour désigner leur candidat commun, les militants ont organisé une primaire ouverte aux sympathisants. Et là, surprise : une mobilisation massive venue des quartiers populaires, notamment de la Roseraie et de Monplaisir Belle-Beille, fait basculer le vote en faveur de candidats issus de ces mêmes quartiers.

Le résultat ne plaît pas à tout le monde.

Les mots qui trahissent

Très vite, des cadres de l’association laissent éclater leur malaise. Claire Schweitzer, conseillère municipale et figure de L’Après (mouvement citoyen angevin), et son conjoint Ulysse Rabaté dénoncent ouvertement des « irrégularités ». Céline Véron, élue Place publique, va plus loin : elle parle carrément de « bourrage d’urnes ».

« On a vu arriver des cars entiers de gens qu’on n’avait jamais vus, beaucoup de femmes voilées, ça sentait la manipulation organisée »

témoignage recueilli dans les coulisses

Les mots sont lâchés. Et derrière les mots, tout un imaginaire : celui de la fraude « communautaire », de la religion qui dicte le vote, du « grand remplacement » électoral. Exactement le même répertoire de l’extrême droite… mais prononcé ici par des militants de gauche censés défendre l’égalité et l’antiracisme.

Saïd Boukobaa, l’homme qui a dit stop

Saïd Boukobaa est entrepreneur, militant associatif de longue date, connu et respecté dans les quartiers. Il fait partie de ceux qui ont mobilisé pour faire venir ces centaines de nouveaux votants. Quand il découvre les accusations, il tombe des nues. Puis il écrit une lettre ouverte qui va faire grand bruit.

« Suspicion, caricature et mise en accusation, comme si l’engagement politique des classes populaires devenait suspect dès lors qu’il ne suit pas les codes dominants. J’y vois, hélas, des relents racistes. »

Saïd Boukobaa

Le terme est posé. Relents racistes. Pas « maladresse », pas « malentendu ». Racisme. Et il a raison.

Car enfin : quand des habitants des beaux quartiers votent en masse pour un candidat écologiste blanc de 45 ans, personne ne crie au complot. Quand des retraités syndiqués CFDT se mobilisent pour un socialiste historique, on célèbre la « démocratie vivante ». Mais quand des mères de famille voilées viennent voter pour un entrepreneur maghrébin qui parle leur quotidien, c’est forcément suspect.

Une longue histoire de mépris de classe teinté de xénophobie

Cette affaire angevine n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une longue série de rendez-vous manqués entre la gauche institutionnelle et les habitants des quartiers populaires.

Souvenez-vous 2005 : les émeutes embrasent les banlieues. La réponse du PS ? Créer la « discrimination positive »… à l’américaine, en sélectionnant quelques « bons éléments » pour les intégrer dans les grandes écoles. Traduction : on vous accepte, mais à condition de ressembler à nos enfants.

2016 : la loi El Khomri. Qui descend dans la rue ? Les étudiants des facs parisiennes et les syndicats. Les ouvriers et employés des quartiers, eux, subissent sans broncher. Pourtant, ce sont eux les premiers touchés. Mais la gauche préfère parler avec les classes populaires plutôt que des classes populaires.

2022 : la NUPES fait un carton chez les jeunes des cités. Mais quand Jean-Luc Mélenchon propose d’ouvrir grand débat national sur l’islamophobie, une partie de la gauche socialiste hurle au « communautarisme ». Traduction : on veut vos voix, mais pas votre parole.

Angers 2025 n’est que le énième épisode de cette pièce tragique.

Les excuses qui ne viennent pas

Après le scandale, une enquête interne a été menée. Résultat ? Aucune fraude. Les votants étaient bien inscrits, les procurations conformes, les pièces d’identité vérifiées. Tout était légal.

Mais les excuses, elles, n’ont jamais vraiment venues. Au contraire : certains cadres de Demain Angers continuent de parler de « malaise » et de « manque de transparence ». Comme si le vrai problème n’était pas d’avoir accusé à tort, mais d’avoir été pris en flagrant délit de mépris.

Le deux poids, deux mesures en une phrase :
Quand 300 étudiants votent pour Jadot à la primaire EELV → « Magnifique mobilisation citoyenne ! »
Quand 300 habitants de la Roseraie votent pour Boukobaa → « Bourrage d’urnes suspect »

Et maintenant ?

L’association Demain Angers a fini par investir un candidat « consensuel » : Silvio Mendes, adjoint sortant, blanc, la cinquantaine, profil rassurant pour l’électorat modéré. Les représentants des quartiers populaires, eux, ont été priés de rester à leur place : dans la rue, pas dans les instances.

Saïd Boukobaa et l’Assemblée des quartiers ont claqué la porte. Ils préparent désormais leur propre liste citoyenne pour 2026. Ironie de l’histoire : celle-ci risque de faire plus de 10 %, faisant exploser la gauche au premier tour et offrant la ville au candidat macroniste ou pire.

En refusant d’affronter son racisme de classe, la gauche angevine s’est tiré une balle dans le pied. Et elle a, une fois de plus, trahi ceux qu’elle prétend défendre depuis un siècle.

Car au fond, la question est simple : veut-on une gauche qui représente vraiment le peuple, ou une gauche qui se contente de parler en son nom tout en le tenant à distance respectueuse ?

À Angers comme ailleurs, la réponse semble, pour l’instant, cruelle.

Mais les habitants des quartiers, eux, ont compris la leçon. La prochaine fois, ils ne demanderont plus la permission pour prendre la parole. Ils la prendront.

Et vous, pensez-vous que la gauche française est capable de dépasser son mépris de classe teinté de xénophobie ?
La parole est à vous dans les commentaires.

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