Dans un jugement retentissant, la justice guinéenne a condamné mercredi l’ancien ministre de la Défense Mohamed Diané à une peine de 5 ans de prison ferme. Cet homme fort de l’ancien régime est reconnu coupable de détournement de fonds publics, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux et corruption. Une condamnation qui sonne comme un avertissement lancé par la junte militaire actuellement au pouvoir, déterminée à lutter contre la corruption endémique qui gangrène le pays.
Une amende record et une saisie des biens
Au-delà de la peine de prison, l’ancien ministre devra s’acquitter d’une amende colossale de 505 milliards de francs guinéens, soit environ 55 millions d’euros, au titre des dommages et intérêts pour le préjudice causé à l’État. La cour a également ordonné la confiscation de tous ses biens immobiliers et la saisie de ses comptes bancaires, une sanction financière d’une ampleur inédite dans le pays.
Un procès sous haute tension
Écroué depuis mai 2022, Mohamed Diané avait jusqu’ici refusé de se soumettre aux interrogatoires de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). Son procès s’est déroulé dans un climat de vives tensions, l’opposition dénonçant une instrumentalisation de la justice par le pouvoir militaire. La défense de l’ancien ministre compte faire appel de cette décision.
Une vague d’arrestations sans précédent
Mohamed Diané n’est pas le seul ancien dignitaire dans le collimateur de la junte. Depuis le coup d’État de septembre 2021 qui a renversé le président Alpha Condé, les militaires ont lancé une vaste opération « mains propres ». De nombreux ex-ministres, opposants et membres de la société civile ont été incarcérés ou inquiétés, la junte affirmant vouloir faire de la lutte anti-corruption son cheval de bataille.
Il n’y aura pas de chasse aux sorcières
Général Mamadi Doumbouya, chef de la junte
Alpha Condé lui aussi dans le viseur
L’ex-président Alpha Condé n’est pas épargné. En novembre dernier, la justice a ordonné des poursuites contre lui et 180 anciens hauts responsables pour des faits présumés de corruption et de détournements de fonds. Des accusations de crimes et délits comme l’assassinat, la torture, l’enlèvement et le viol pèsent également sur l’ancien chef de l’État, dans un pays où la répression des manifestations a souvent été brutale.
L’opposition dénonce une dérive autoritaire
Si la lutte contre la corruption est saluée par une partie de l’opinion, l’opposition guinéenne s’inquiète d’une manipulation de la justice à des fins politiques. Des voix s’élèvent pour condamner les atteintes aux libertés et réclamer un retour rapide des civils au pouvoir. La transition politique reste un sujet brûlant en Guinée, les militaires s’étant engagés à rendre le pouvoir aux civils à une date encore indéterminée.
Le procès de Mohamed Diané marque un tournant dans la vie politique guinéenne post-Alpha Condé. Au-delà du sort d’un ancien ministre tout-puissant, c’est la capacité de la junte à instaurer un véritable État de droit qui est en jeu. Entre opération mains propres et dérive autoritaire, le nouveau pouvoir doit encore convaincre de sa volonté réelle de bâtir une Guinée nouvelle, débarrassée des maux qui l’ont trop longtemps minée.