Imaginez une adolescente de 14 ans confrontée à la violence la plus brutale, perpétrée par quelqu’un censé être un adulte responsable, un ami de la famille, une figure respectée. Des années plus tard, cette adolescente est devenue Anaïs Bouton, journaliste reconnue et épouse de Xavier de Moulins. Elle a décidé de parler. Et quand elle parle, c’est pour toutes celles et ceux que la loi réduit encore au silence.
Un témoignage qui bouleverse la sphère médiatique
Invitée sur RTL, Anaïs Bouton a livré des mots rares, lourds, précis. « Oui, moi aussi j’ai été agressée de façon extrêmement violente et pénible quand j’avais 14 ans, par un ami de mon père qui était un très grand ponte des médias », a-t-elle confié, la voix forcément tremblante. Le simple fait d’entendre ces phrases à l’antenne a provoqué une onde de choc chez les auditeurs.
Ce n’est pas seulement l’histoire d’une victime qui refait surface. C’est le récit d’une impunité protégée par le temps et par le statut social de l’agresseur. Un homme influent, connu, intouchable. Un nom que la loi française, via la prescription, empêche aujourd’hui de prononcer publiquement.
Pourquoi elle refuse de nommer son agresseur
La raison est froide, juridique, implacable : la prescription. En France, pour les crimes sexuels sur mineurs, le délai court à partir de la majorité de la victime. Quand la mémoire revient trop tard, ou quand la peur a trop longtemps paralysé, il est souvent déjà trop tard pour saisir la justice.
« Si je donnais son nom, mon nom serait lié au sien pour toujours sur internet, et je n’aurais même pas la possibilité de l’attaquer en justice. Ce serait lui offrir une tribune gratuite sur mon dos. »
Anaïs Bouton
Cette phrase résume toute l’absurdité du système actuel. La prescription, censée protéger les accusés d’une justice trop lointaine, devient dans les faits l’alliée des agresseurs. Le temps joue contre les victimes et pour les bourreaux.
La prescription, cette machine à faire taire
Anaïs Bouton le dit sans détour : « La prescription rend le temps l’allié des violeurs et des bourreaux. Alors que le temps devrait être l’allié des victimes. » Un constat partagé par des milliers de femmes et d’hommes qui, des années après les faits, retrouvent la force de parler… pour découvrir que la loi les condamne à nouveau au silence.
Depuis #MeToo, les langues se délient massivement. Mais combien de témoignages restent lettre morte parce que les faits sont prescrits ? Combien d’agresseurs continuent de parader dans les couloirs des rédactions, des plateaux télé, des festivals, sans jamais rendre de comptes ?
Le cas d’Anaïs Bouton est particulièrement symbolique : son agresseur évolue dans le même milieu qu’elle. Un monde où l’on se côtoie, où l’on se serre la main, où l’on sourit en sachant. Un monde où la puissance protège.
Tenaces : quand la parole devient un acte de résistance
Depuis plusieurs années, Anaïs Bouton anime le podcast Tenaces sur RTL. Des portraits de femmes qui refusent de plier, célèbres ou anonymes. Des histoires de courage, de reconstruction, de revanche parfois. En novembre 2025, ces entretiens sont devenus un livre : Tenaces, pour celles qui ne lâchent rien.
En choisissant de raconter enfin sa propre histoire, elle boucle la boucle. Elle passe du statut d’intervieweuse à celui de témoin direct. Elle devient l’une de ces femmes tenaces qu’elle mettait en lumière.
Ce livre n’est pas un règlement de comptes. C’est un acte politique. Un appel à changer la loi. Un cri pour que plus jamais une victime n’ait à choisir entre la vérité et sa tranquillité.
Un débat relancé au cœur de l’actualité
Le témoignage d’Anaïs Bouton arrive dans un contexte où la question de l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs revient régulièrement sur la table. Des associations, des avocates, des politiques poussent pour une réforme. Des pays comme le Canada ou certains États américains ont déjà franchi le pas.
En France, la loi Schiappa de 2018 a allongé les délais, mais beaucoup estiment que ce n’est pas assez. Tant que la prescription existera, des agresseurs continueront de dormir tranquilles pendant que leurs victimes se réveilleront encore en sursaut des décennies plus tard.
Le milieu des médias, particulièrement visé par ce témoignage, se retrouve une nouvelle fois sur le banc des accusés. Après les affaires PPDA, Nicolas Hulot et tant d’autres, la question de la protection des prédateurs au sommet se pose avec une acuité renouvelée.
Xavier de Moulins face à la douleur de sa femme
Derrière la journaliste, il y a aussi une épouse. Xavier de Moulins, présentateur du 19-20 sur M6, vit depuis des années avec ce secret. On imagine le poids, la colère contenue, l’impuissance. Lors de ses apparitions publiques, il a toujours protégé farouchement sa vie privée. Aujourd’hui, il laisse sa femme prendre la parole, la soutient sans doute dans l’ombre.
Ce couple médiatique, discret et élégant, se retrouve malgré lui au centre d’un débat de société brûlant. Leur histoire personnelle devient un miroir tendu à toute une profession.
Et maintenant ?
Le témoignage d’Anaïs Bouton ne laissera personne indifférent. Il y aura ceux qui salueront son courage. Ceux qui s’interrogeront sur l’identité de l’agresseur (même si ce jeu-là est aussi pervers qu’inutile). Et ceux, enfin, qui comprendront qu’il est temps de changer la loi.
Parce qu’une société qui protège les puissants au détriment des enfants d’hier n’a pas fini de payer le prix de son silence.
Anaïs Bouton a choisi de parler. D’autres suivront. Et peut-être qu’un jour, le temps deviendra enfin l’allié des victimes.
En attendant, son livre Tenaces est là. Un pavé dans la mare. Un acte de foi en la possibilité de guérir, de résister, de vivre. Et surtout, de ne plus jamais se taire.









