Le 4 décembre 2025, une onde de choc a traversé le paysage des droits humains. Amnesty International, organisation habituée à pointer les violations israéliennes, a publié un rapport de plus de 170 pages qui, pour la première fois, accuse formellement le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens de crimes contre l’humanité. Le terme le plus lourd, « extermination », est employé sans détour pour qualifier les massacres du 7 octobre 2023.
Un virage historique pour Amnesty International
Jusqu’à présent, l’ONG avait reconnu que le Hamas avait commis des crimes de guerre le 7 octobre. Passer au stade supérieur, celui des crimes contre l’humanité, représente un seuil rarement franchi. Cela signifie que les actes ne sont plus considérés comme des dérapages isolés, mais comme partie d’une attaque généralisée et systématique contre une population civile.
Ce changement de qualification n’est pas anodin. Il place les responsables palestiniens au même niveau de gravité juridique que ceux poursuivis pour les pires atrocités de l’histoire récente.
Les faits retenus par le rapport
Le document détaille avec précision les exactions commises dès le matin du 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël :
- Meurtres délibérés de civils, y compris enfants et personnes âgées
- Prise d’otages en grand nombre (251 personnes)
- Tortures et mauvais traitements sur les captifs
- Violences sexuelles, viols et autres actes de violence sexuelle
- Disparitions forcées
- Retention intentionnelle de corps comme moyen de pression
Amnesty conclut que ces actes ne relèvent pas du chaos de la bataille, mais d’un plan préétabli par la direction du Hamas et d’autres groupes.
« La détention d’otages s’inscrivait dans un plan explicitement formulé par la direction du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens »
Extrait du rapport Amnesty International, décembre 2025
Des crimes qui ont continué après le 7 octobre
Le rapport ne s’arrête pas à la seule journée du 7 octobre. Il documente la poursuite des crimes contre l’humanité dans les mois qui ont suivi, principalement à travers le traitement réservé aux otages à Gaza.
Sur les 207 personnes emmenées vivantes, 41 sont mortes ou ont été tuées en captivité selon les éléments recueillis. La maltraitance, les conditions de détention inhumaines et la rétention de corps sont qualifiées de continuation délibérée de la politique criminelle.
La question sensible des violences sexuelles
L’un des points les plus controversés concerne les violences sexuelles. Amnesty reconnaît avoir pu interroger une seule victime directe, un homme affirmant avoir été violé le jour de l’attaque. L’ONG précise qu’elle n’est donc pas en mesure de déterminer l’ampleur exacte du phénomène.
Cette prudence contraste avec certaines déclarations antérieures plus catégoriques d’autres organisations ou responsables politiques. Elle n’empêche pas le rapport de maintenir l’accusation de violences sexuelles comme crime contre l’humanité, mais sur la base d’un faisceau d’indices plutôt que de témoignages massifs.
La réaction immédiate du Hamas
Le mouvement islamiste n’a pas tardé à répondre. Dans un communiqué cinglant, il a qualifié le rapport de tissu de « mensonges » destiné à « inciter contre la résistance palestinienne ».
Le Hamas reproche particulièrement à Amnesty d’avoir repris selon lui sans vérification suffisante les allégations israéliennes sur les viols et les mauvais traitements infligés aux prisonniers.
Qui porte la responsabilité principale ?
Sans surprise, le rapport désigne le Hamas, et en particulier sa branche armée les Brigades Ezzedine Al-Qassam, comme principalement responsable. Une responsabilité moindre est attribuée au Jihad islamique, aux Brigades des martyrs d’Al-Aqsa et même à certains civils palestiniens non affiliés ayant participé aux exactions.
| Organisation | Niveau de responsabilité selon Amnesty |
|---|---|
| Hamas (Brigades Al-Qassam) | Principale responsabilité |
| Jihad islamique | Responsabilité secondaire |
| Brigades des martyrs d’Al-Aqsa | Responsabilité secondaire |
| Civils palestiniens non affiliés | Participation ponctuelle |
Un contexte juridique déjà chargé
Cette accusation d’Amnesty s’inscrit dans un cadre juridique international déjà très tendu. La Cour pénale internationale avait émis en mai 2024 des mandats d’arrêt contre Ismaïl Haniyeh, Mohammed Deif et Yahya Sinwar pour leur rôle dans les événements du 7 octobre. Ces mandats ont été annulés après leur mort.
Parallèlement, la CPI maintient ses mandats contre Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Gaza. Le conflit continue donc d’être scruté sous l’angle de la justice internationale des deux côtés.
Pourquoi ce rapport arrive-t-il maintenant ?
Plusieurs éléments expliquent ce timing. Le cessez-le-feu fragile entré en vigueur le 10 octobre 2025 a permis un retour progressif des observateurs internationaux. Les enquêtes de terrain ont pu reprendre dans certaines zones du sud d’Israël.
Par ailleurs, la libération ou la récupération de la majorité des otages a fourni de nouveaux témoignages et preuves matérielles. Enfin, la pression croissante sur les organisations de défense des droits humains pour traiter les deux côtés avec la même rigueur a peut-être joué un rôle.
Les limites reconnues par Amnesty elle-même
L’ONG reste transparente sur les obstacles rencontrés. L’accès limité à Gaza, la peur de certains témoins, la mort de nombreux protagonistes directs ont compliqué l’enquête. Le rapport précise ainsi qu’il ne prétend pas à l’exhaustivité mais à établir un seuil minimal de responsabilité.
Cette honnêteté intellectuelle pourrait paradoxalement renforcer sa crédibilité auprès de ceux qui lui reprochaient un traitement inégal des belligérants.
Vers de nouvelles procédures judiciaires ?
Si la CPI a déjà agi contre les principaux leaders du Hamas (désormais décédés), ce rapport pourrait ouvrir la voie à des poursuites contre des cadres intermédiaires toujours en vie. Il constitue surtout une pièce majeure pour tout futur procès, qu’il soit international ou national.
Il renforce également le dossier des familles de victimes qui cherchent à obtenir réparation ou reconnaissance devant diverses juridictions.
Deux ans et deux mois après les événements du 7 octobre 2023, la qualification de crimes contre l’humanité par une organisation aussi respectée qu’Amnesty International marque un tournant. Elle rappelle que dans ce conflit comme dans d’autres, aucune partie ne peut espérer échapper à l’examen impartial des faits.
Le chemin vers la justice reste long et semé d’embûches, mais ce rapport constitue sans doute l’une des pierres les plus solides posées jusqu’à présent sur ce chemin.









