Imaginez ouvrir votre ordinateur un soir tranquille et tomber, presque par hasard, sur une nouvelle qui fait l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel d’été : le Royaume-Uni vient d’infliger la plus lourde amende jamais prononcée dans le cadre de sa nouvelle loi sur la sécurité en ligne. Un million de livres. Rien que ça. Et pas à une plateforme sociale géante, mais à une société qui gère dix-huit sites pornographiques.
Une sanction qui marque un tournant décisif
Jeudi dernier, l’Ofcom, le régulateur britannique des médias, a annoncé une décision sans appel. Le groupe AVS, qui opère ces plateformes à contenu adulte, écope d’une amende d’un million de livres sterling – environ 1,1 million d’euros – pour un système de vérification de l’âge jugé largement insuffisant.
Ce n’est pas une petite tape sur les doigts. C’est la sanction la plus élevée prononcée à ce jour dans le cadre de l’Online Safety Act, cette loi adoptée en 2023 et entrée pleinement en vigueur à l’été 2025.
Pourquoi une amende aussi lourde ?
L’Ofcom est très clair dans son communiqué : même si AVS avait mis en place une forme de contrôle d’âge, celui-ci n’était tout simplement pas assez robuste pour protéger efficacement les enfants.
« Bien qu’AVS ait mis en place ce qu’il appelle une vérification de l’âge, nous ne considérons pas cette mesure comme suffisamment efficace »
Ofcom, communiqué officiel
En clair, le système permettait encore trop facilement à des mineurs de contourner les barrières. Et quand on parle de protection des enfants face à la pornographie, il n’y a pas de demi-mesure acceptable pour les autorités britanniques.
Un ultimatum particulièrement strict
Le régulateur ne s’est pas contenté de l’amende. Il a donné à AVS Group un délai de 72 heures pour déployer un système de vérification d’âge réellement efficace.
Passé ce délai, l’entreprise s’expose à une pénalité supplémentaire de 1 000 livres par jour (environ 1 140 euros). Autant dire que la pression est maximale.
À cela s’ajoute une seconde amende, plus modeste mais symbolique : 50 000 livres pour ne pas avoir répondu dans les temps à une demande d’information de l’Ofcom. Un rappel que le régulateur ne plaisante pas avec la coopération.
L’Online Safety Act : une loi ambitieuse et redoutable
Depuis le 25 juillet 2025, tous les sites pornographiques, réseaux sociaux et plateformes de vidéos accessibles au Royaume-Uni doivent appliquer des contrôles d’âge stricts et efficaces pour empêcher les mineurs d’accéder à des contenus explicites.
Les sanctions prévues sont dissuasives :
- Jusqu’à 18 millions de livres d’amende
- Ou 10 % du chiffre d’affaires mondial annuel si ce montant est supérieur
- En dernier recours : blocage total du site sur le territoire britannique via ordonnance judiciaire
Cette loi ne s’arrête pas à la pornographie. Elle impose aussi aux plateformes de protéger les enfants contre les contenus promouvant les troubles alimentaires, l’automutilation ou les idées suicidaires. Un périmètre très large qui fait de l’Online Safety Act l’une des législations les plus protectrices au monde.
Une enquête qui ne fait que commencer
L’affaire AVS n’est que la première salve. Peu après l’entrée en vigueur des nouvelles règles, l’Ofcom avait ouvert une enquête sur 34 plateformes pornographiques pour vérifier leur conformité.
Le régulateur a confirmé jeudi que cette enquête se poursuit activement. D’autres sanctions pourraient donc tomber dans les prochaines semaines ou mois.
Pour les acteurs du secteur, c’est un signal clair : le temps de l’autorégulation laxiste est révolu. Le Royaume-Uni est passé en mode répression.
Et maintenant ?
AVS Group va-t-il parvenir à se mettre en conformité en seulement trois jours ? Probablement pas sans difficultés majeures. Mettre en place une vérification d’âge réellement efficace (reconnaissance faciale, vérification par carte bancaire sécurisée, ou pièce d’identité) demande du temps et des investissements conséquents.
Beaucoup d’observateurs s’attendent à ce que l’entreprise préfère payer les amendes journalières le temps de finaliser un nouveau système… ou même à quitter purement et simplement le marché britannique.
Une chose est sûre : cette première grosse amende marque le début d’une nouvelle ère pour l’industrie du contenu adulte en ligne. Le Royaume-Uni montre la voie, et d’autres pays européens pourraient rapidement suivre l’exemple.
La protection des mineurs sur internet n’est plus une option. C’est devenu une obligation légale, sanctionnée par des montants qui peuvent mettre une entreprise à genoux.
Résumé des sanctions contre AVS Group :
• Amende principale : 1 000 000 £ pour vérification d’âge insuffisante
• Délai de mise en conformité : 72 heures
• Amende journalière en cas de non-respect : 1 000 £
• Amende complémentaire : 50 000 £ pour non-coopération
Le message est limpide. Et il résonne bien au-delà des frontières britanniques.









