Alors que la France mise sur le nucléaire pour assurer sa souveraineté énergétique, la dissolution surprise de l’Assemblée nationale vient semer le doute. Entre dissensions politiques et enjeux industriels colossaux, l’avenir des grands projets comme les EPR de nouvelle génération est plus que jamais en suspens. La filière nucléaire française parviendra-t-elle à tenir le cap malgré ces turbulences ?
Un programme nucléaire ambitieux fragilisé
Avec ses projets de construire au moins 6 nouveaux réacteurs EPR, la France affiche clairement sa volonté de miser sur l’atome pour décarboner son mix énergétique. Un pari audacieux qui suscite des réactions contrastées sur l’échiquier politique. Si le Rassemblement National milite pour une accélération du programme, le Nouveau Front Populaire se montre bien plus divisé sur la question.
Dans ce contexte tendu, les acteurs de la filière nucléaire tentent de garder profil bas. Car au-delà des joutes politiques, ce sont bien les enjeux industriels et les impératifs de long terme qui sont en jeu. Les changements de majorité et les éventuels revirements stratégiques font figure d’épée de Damoclès pour un secteur qui a besoin de visibilité.
La filière a besoin d’un soutien continu des pouvoirs publics sur le long terme, d’une continuité d’action.
– Valérie Faudon, Société française d’énergie nucléaire
L’emploi et la réindustrialisation en question
Au-delà de la production d’une électricité bas carbone, c’est tout un écosystème industriel et des dizaines de milliers d’emplois qui sont en jeu. Entre les besoins de recrutement massifs, la montée en compétence et les investissements dans l’outil productif, les défis sont nombreux pour redynamiser la filière nucléaire hexagonale.
Mais sans une feuille de route claire et un soutien politique affirmé, difficile de se projeter sereinement. Les récentes annonces de restructuration et de fermeture de sites comme la fonderie de Tarbes rappellent la fragilité du tissu industriel.
Un manque de cohérence politique dommageable
Si le consensus autour du nucléaire civil semble de plus en plus large, les atermoiements politiques du passé ont laissé des traces. Les changements de pied sur des technologies comme Astrid pour les réacteurs de 4e génération ou le projet Cigeo d’enfouissement des déchets ont déjà ébranlé la crédibilité de la stratégie française.
Pour les observateurs étrangers aussi, la France envoie un message brouillé, oscillant entre volontarisme et hésitations. Un manque de constance qui pourrait peser dans les grands contrats à l’export, comme pour les futurs appels d’offres en Europe centrale.
Une impulsion politique cruciale
Pour les prochains mois, les acteurs de la filière attendent un signal politique fort, quel que soit le résultat des futures élections. Réaffirmer les ambitions nucléaires nationales avec un vrai portage gouvernemental, sécuriser les investissements, donner de la visibilité sur les implantations des futurs réacteurs… Les chantiers sont vastes pour redonner un cap et une impulsion.
La France a encore de sérieux atouts dans le domaine du nucléaire civil. Encore faut-il une vraie cohérence dans la durée pour les faire fructifier et garantir notre indépendance énergétique pour les décennies à venir. Le temps presse face au défi climatique et aux besoins croissants en électricité.