C’est une Allemagne en état de choc qui entame une course électorale précipitée. Vendredi soir, la paisible ville de Magdebourg a basculé dans l’horreur quand un véhicule a foncé sur la foule d’un marché de Noël, faisant 5 morts et plus de 200 blessés. Le spectre d’un attentat plane sur le pays, à deux mois d’élections législatives anticipées décidées après la dissolution surprise du Bundestag.
Dès lundi, la sécurité sera au cœur des débats parlementaires. La commission des affaires intérieures et le comité de contrôle des services de renseignement sont convoqués en urgence pour auditionner la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser. Celle-ci a déjà annoncé vouloir faire adopter rapidement de nouvelles lois sécuritaires, en concertation avec l’opposition.
Renforcer la surveillance, une priorité transpartisane
Parmi les mesures phares envisagées, l’instauration d’une surveillance biométrique des étrangers. Un dispositif qui suscitait jusqu’ici de vives réticences en Allemagne mais qui semble désormais incontournable aux yeux de nombreux responsables politiques. D’après une source proche du gouvernement, un consensus se dessinerait pour l’adopter en procédure accélérée avant la trêve estivale.
Plus globalement, c’est tout l’arsenal antiterroriste allemand qui pourrait être renforcé et étendu. Des moyens supplémentaires devraient être alloués aux services de renseignement et à la police fédérale. Des peines plus sévères sont aussi évoquées pour les auteurs et complices d’attentats.
L’opposition appelle à la raison
Certains, dans l’opposition, mettent toutefois en garde contre la tentation de surréagir sous le coup de l’émotion. Ils appellent à prendre le temps d’analyser les dysfonctionnements ayant permis la survenue de l’attaque de Magdebourg avant de légiférer.
Il ne faudrait pas, dans la précipitation, adopter des lois attentatoires aux libertés publiques qui se révéleraient inefficaces sur le plan sécuritaire.
Un député CDU
Les circonstances exactes du drame et les motivations du suspect, un ressortissant saoudien de 50 ans réfugié en Allemagne depuis 2006, restent à éclaircir. Psychiatre de profession, il se disait victime de discriminations et critiquait la politique migratoire allemande sur les réseaux sociaux.
La polémique enfle sur les failles sécuritaires
Mais d’ores et déjà, la question des failles dans le dispositif de surveillance des individus radicalisés est posée. L’homme était connu pour des prises de position hostiles aux musulmans et favorables à l’extrême droite allemande. Pourtant, il n’avait pas fait l’objet d’une surveillance resserrée.
Certains y voient l’illustration des angles morts de la lutte antiterroriste, trop focalisée sur la mouvance islamiste. D’autres pointent plus largement l’insuffisance chronique des effectifs et des moyens alloués au renseignement intérieur, qui avait déjà été mise en lumière après les attentats de Berlin en 2016.
Un repositionnement difficile pour la coalition au pouvoir
Pour la coalition gouvernementale sortante, qui rassemble sociaux-démocrates, Verts et libéraux, le choc de Magdebourg constitue un véritable défi en vue des élections. Ces partis sont en effet traditionnellement attachés à la protection des libertés publiques et doivent opérer un repositionnement délicat sur les enjeux sécuritaires.
SPD et Verts tentent d’occuper un terrain d’équilibre, entre fermeté face au terrorisme et préservation de l’État de droit. Mais ils sont sous pression d’une opposition conservatrice et d’une extrême droite qui surfent sur l’émotion et réclament un sursaut sécuritaire.
Une campagne sous le signe de l’émotion et des surenchères
À deux mois du scrutin, le drame de Magdebourg redistribue les cartes et bouleverse les équilibres. Les sondages donnaient jusqu’ici la coalition sortante et le camp conservateur au coude à coude. Mais l’irruption des thèmes sécuritaires au cœur du débat pourrait rebattre les cartes.
Déjà, la tonalité de la campagne s’en trouve changée. L’émotion et le recueillement dominent pour l’heure. Mais tous les observateurs s’attendent à ce que le débat politique reprenne vite ses droits, avec son lot de surenchères et de polémiques.
Au final, ces élections anticipées s’annoncent comme un test majeur pour la démocratie allemande et sa capacité à concilier sécurité et libertés. Un défi d’autant plus ardu qu’il devra être relevé dans un calendrier tendu et un climat national particulièrement lourd. Plus que jamais, l’Allemagne s’apprête à vivre une campagne sous haute tension sécuritaire et émotionnelle.