Et si une institution aussi solide qu’une banque centrale sombrait dans le rouge ? En Allemagne, ce scénario n’est plus une fiction. Pour la première fois depuis 1979, la Bundesbank, pilier de l’économie nationale, a dévoilé une perte colossale de **19,2 milliards d’euros** en 2024. Une annonce qui a secoué les marchés et mis en lumière les défis inattendus auxquels les grandes institutions financières doivent faire face aujourd’hui.
Un Tournant Historique pour la Bundesbank
Ce n’est pas une petite secousse : cette perte marque un virage inédit dans l’histoire de la banque centrale allemande. Pendant des décennies, elle a été une source fiable de bénéfices pour le gouvernement fédéral, injectant des milliards dans les caisses de l’État. Mais en 2024, ce soutien s’est évaporé, laissant les décideurs politiques face à un vide financier préoccupant.
Pourquoi une telle chute ?
Tout commence avec une décision prise à l’échelle européenne. À partir de l’été 2022, la Banque centrale européenne (BCE) a amorcé une hausse rapide des **taux d’intérêt** pour juguler une inflation galopante dans la zone euro. Si cette stratégie a fini par porter ses fruits – avec une baisse des taux entamée en juin dernier après avoir maîtrisé la déflation – elle a eu des effets secondaires dévastateurs pour les banques centrales nationales.
Pour la Bundesbank, cette politique a gonflé ses dépenses. En effet, elle doit désormais payer des intérêts plus élevés aux banques commerciales sur les dépôts qu’elles laissent en sommeil. En parallèle, ses revenus, eux, s’érodent : les obligations d’État et d’entreprises accumulées pendant les années de crise rapportent peu, piégeant l’institution dans une équation financière perdante.
Le pic devrait être dépassé, mais d’autres pertes restent probables dans les années à venir.
– Le président de la Bundesbank lors de la présentation des résultats
Un passé récent masqué par les réserves
Ce n’est pas la première fois que la Bundesbank flirte avec le déficit. Ces quatre dernières années, ses comptes étaient déjà dans le rouge. Mais jusque-là, elle avait puisé dans ses **réserves financières** pour équilibrer la balance et éviter d’afficher des pertes. Une stratégie qui a atteint ses limites en 2024, révélant l’ampleur du problème.
- Années précédentes : déficits masqués par des réserves.
- 2024 : les réserves ne suffisent plus à combler le gouffre.
- Résultat : une perte officielle et historique.
Un coup dur pour le budget allemand
En temps normal, la Bundesbank est une manne pour l’État. Prenons un exemple concret : en 2019, elle avait versé un bénéfice record de **5,85 milliards d’euros**, une aubaine pour le gouvernement de l’époque. Aujourd’hui, c’est tout l’inverse. Cette perte prive le futur exécutif – déjà aux prises avec des difficultés pour financer ses ambitions – d’une ressource clé.
D’après une source proche des finances publiques, cette situation complique encore davantage l’élaboration d’un budget fédéral équilibré. Les projets d’investissement, déjà sous pression, risquent de subir des coupes drastiques.
Les taux de la BCE : arme à double tranchant
La hausse des taux décidée par la BCE a certes freiné l’inflation, mais elle a aussi mis sous tension les finances des banques centrales nationales. Pour la Bundesbank, c’est un paradoxe : alors qu’elle participe à la stabilisation de la zone euro, elle en paie le prix fort sur son propre bilan.
| Période | Taux BCE | Impact Bundesbank |
| Été 2022 | Hausse rapide | Dépenses d’intérêts en hausse |
| Juin 2024 | Baisse entamée | Recettes faibles persistantes |
Quel avenir pour la Bundesbank ?
Le président de l’institution a tenté de rassurer en affirmant que le pire était derrière. Mais il n’a pas caché que des pertes supplémentaires pourraient survenir dans les prochaines années. Cette perspective inquiète, surtout dans un contexte où l’économie allemande doit relever d’autres défis, comme la transition énergétique ou la compétitivité industrielle.
Pour les experts, la Bundesbank devra peut-être repenser sa stratégie. Certains évoquent une diversification des actifs ou une réduction de sa dépendance aux politiques de la BCE. Des pistes encore floues, mais qui pourraient redessiner le rôle de cette institution emblématique.
Une onde de choc au-delà des frontières
L’Allemagne n’est pas un cas isolé. D’autres banques centrales de la zone euro subissent des pressions similaires. Cette situation pose une question plus large : les politiques monétaires actuelles sont-elles viables à long terme pour les institutions qui les mettent en œuvre ?
Pour l’instant, les regards se tournent vers le prochain gouvernement allemand. Sans les milliards de la Bundesbank, ses marges de manœuvre s’annoncent limitées. Une chose est sûre : cette crise marque un tournant, et ses répercussions pourraient se faire sentir bien au-delà de 2024.
Un déficit historique qui redéfinit les règles du jeu économique en Allemagne.
