Dans une virulente diatribe à la tribune de la COP29 de Bakou ce mercredi, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a vertement attaqué la France, fustigeant son passé colonial et accusant directement le « régime du président Macron » de « crimes » dans les territoires ultra-marins français. Une charge qui ravive les vives tensions entre les deux pays sur fond de conflit au Haut-Karabakh.
« Crimes » du « régime Macron » épinglés
Devant une assemblée réunissant des représentants d’États insulaires, le président Aliev n’a pas mâché ses mots. « Les leçons des crimes de la France dans ces prétendus territoires d’outre-mer ne seraient pas complètes sans mentionner les récentes violations des droits humains par le régime », a-t-il tonné sous les applaudissements nourris d’une partie de l’audience.
Pièce maîtresse de son réquisitoire : les troubles en Nouvelle-Calédonie. D’après le dirigeant azerbaïdjanais, « le régime du président Macron a tué 13 personnes et blessé 169 personnes (…) pendant les légitimes protestations du peuple kanak ». Des allégations qui font écho aux accusations « d’ingérence » portées par Bakou contre Paris lors de ces événements, et vigoureusement rejetées par la France.
L’Europe accusée de « deux poids, deux mesures »
Aliev a également pointé du doigt ce qu’il considère comme une complaisance des institutions européennes envers la France. « Après tout ça, la France n’a pas été dénoncée, ni par la Commission européenne, ni par le Parlement européen », a-t-il déploré, y voyant un traitement de faveur.
Pire, à ses yeux, ces deux organes « sont devenus les symboles de la corruption politique » et « partagent la responsabilité avec le gouvernement du président Macron pour le meurtre de gens innocents ». Aliev a par ailleurs rappelé que son pays, régulièrement épinglé pour des atteintes aux droits fondamentaux, avait menacé de claquer la porte du Conseil de l’Europe.
Macron absent, Borell dans le viseur
L’absence remarquée d’Emmanuel Macron à ce sommet climat n’a pas échappé à l’œil acerbe du leader azerbaïdjanais. Un camouflet protocolaire qui s’ajoute aux joutes verbales récurrentes entre les deux présidents.
Aliev a ensuite élargi son tir en s’en prenant au chef de la diplomatie européenne Josep Borell, lui reprochant d’avoir comparé l’Europe à un jardin et le reste du monde à des jungles. « Si nous sommes des jungles, alors écartez-vous et ne vous mêlez pas de nos affaires », a-t-il rétorqué sur un ton provocateur.
Haut-Karabakh, pomme de discorde
En toile de fond de ces passes d’armes : le conflit dans le Haut-Karabakh, enclave disputée entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. La reprise de contrôle éclair de ce territoire par Bakou en septembre 2023, provoquant l’exode de plus de 100 000 Arméniens, a exacerbé les crispations avec la France, perçue comme pro-arménienne.
Malgré les appels au dialogue, les invectives à la COP29 suggèrent que l’apaisement n’est pas à l’ordre du jour. Dans ce bras de fer où s’entremêlent contentieux historiques et enjeux géostratégiques, le président Aliev semble déterminé à jouer la carte de l’affrontement verbal pour faire entendre les doléances de Bakou. Une stratégie osée dont les répercussions diplomatiques restent à mesurer.
Colonialisme, sujet brûlant
Plus largement, la virulente sortie du président azerbaïdjanais remet sur le devant de la scène le débat sur l’héritage colonial. En dénonçant le maintien « sous la férule coloniale » des territoires ultra-marins français et néerlandais, Aliev ravive un sujet hautement inflammable.
Cette charge intervient alors même que les questions mémorielles et les demandes de réparations agitent de nombreux pays anciennement colonisés. En braquant les projecteurs sur ce dossier sensible lors d’un événement international majeur comme la COP, le dirigeant azerbaïdjanais cherche manifestement à embarrasser les anciennes puissances coloniales et à coaliser autour de ce combat.
Et maintenant ?
Reste à savoir comment Paris réagira à cette charge frontale. Si les autorités françaises ont jusqu’ici privilégié une approche mesurée face aux provocations de Bakou, cette nouvelle attaque pourrait changer la donne. Entre fermeté et apaisement, l’exécutif devra trouver le bon équilibre pour défendre les intérêts français sans jeter de l’huile sur le feu.
Une chose est sûre : les propos enflammés d’Ilham Aliev à la COP29 marquent un nouveau pic de tension dans les relations franco-azerbaïdjanaises. Loin de favoriser le dialogue, cette escalade verbale risque de compliquer encore davantage la résolution des différends entre les deux pays, au premier rang desquels figure l’épineuse question du Haut-Karabakh. Dans ce contexte incertain, la voie de la diplomatie semble plus que jamais semée d’embûches.