Un retournement de situation inattendu s’est produit samedi lors du congrès de la Fédération Internationale d’Escrime (FIE) à Tachkent, en Ouzbékistan. Malgré les sanctions européennes pesant sur lui, l’oligarque russe Alicher Ousmanov a été réélu à la présidence de l’instance, un poste qu’il occupait depuis 2008 avant de se mettre en retrait l’an dernier suite à l’invasion russe en Ukraine.
Une victoire écrasante malgré la controverse
Opposé au Suédois Otto Drakenberg, seul autre candidat en lice, Ousmanov l’a emporté haut la main avec 120 voix contre 26 pour son adversaire. Un score sans appel qui témoigne du soutien indéfectible dont jouit l’homme d’affaires au sein du monde de l’escrime. Pas moins de 103 fédérations membres avaient en effet apporté leur parrainage à sa candidature avant l’élection.
Pourtant, la réélection d’Alicher Ousmanov ne manque pas de faire polémique au regard de sa situation personnelle. Né en Ouzbékistan il y a 71 ans, cet oligarque ayant fait fortune dans l’industrie métallurgique est en effet considéré par l’Union Européenne comme un proche de Vladimir Poutine. Une proximité qu’il conteste, mais qui lui a valu d’être visé par des sanctions suite au déclenchement de la guerre en Ukraine.
Les sanctions européennes en question
Gelé de ses avoirs, soumis à des restrictions de déplacement dans les pays de l’UE, y compris en Suisse où se trouve le siège de la FIE, Ousmanov a dû se mettre en retrait de la présidence en mars 2022. Mais loin de renoncer, il a décidé de briguer un nouveau mandat, jugeant ces sanctions « injustifiées » et promettant de les combattre devant les tribunaux.
« Je suis toujours soumis à des restrictions injustifiées que je conteste en ce moment devant les tribunaux », a-t-il déclaré après sa réélection.
Le nouveau président de la FIE a assuré qu’il prendrait « les mesures nécessaires » pour éviter que ces sanctions « juridiquement infondées » ne s’étendent aux activités de la fédération. Une promesse qui soulève des questions quant à sa capacité à diriger effectivement l’instance tant que pèseront sur lui ces restrictions.
La FIE et son avenir olympique en jeu
Au-delà du cas Ousmanov, c’est l’avenir même de l’escrime qui est en jeu. Discipline historique des Jeux Olympiques, ce sport doit en effet lutter pour conserver toute sa place au programme alors que de nouvelles épreuves font leur apparition. Conscient de cet enjeu, le président fraîchement réélu s’est engagé à tout mettre en oeuvre pour qu’elle « assure sa place sur le podium des sports olympiques les plus populaires ».
Mais sa situation personnelle, entre sanctions et controverses, ne risque-t-elle pas de fragiliser la position de l’escrime et de la FIE ? Certains observateurs craignent en effet qu’un dirigeant contesté ne soit un handicap dans les négociations avec le CIO. D’autres estiment au contraire que le réseau et l’influence d’un Ousmanov restent des atouts essentiels, sanctions ou non. L’avenir le dira.
Les défis d’un mandat sous tension
Quoi qu’il en soit, Alicher Ousmanov va devoir naviguer en eaux troubles durant ce nouveau mandat qui s’annonce d’ores et déjà sous haute tension. Entre la défense des intérêts de son sport, la gestion de sa situation personnelle et les inévitables polémiques qui en découleront, le président de la FIE aura fort à faire pour tenir le cap.
D’autant que les enjeux dépassent largement le cadre de l’escrime. Dans un contexte géopolitique inflammable, où le sport est plus que jamais un terrain d’affrontement par procuration entre grandes puissances, chaque décision, chaque prise de position sera scrutée et interprétée bien au-delà des seules pistes d’escrime.
Mais pour l’heure, Alicher Ousmanov peut savourer sa victoire et la confiance renouvelée de la famille de l’escrime. Une confiance qu’il va devoir honorer dans un contexte inédit, où sa légitimité et sa capacité d’action seront sans cesse remises en question. Un sacré défi pour ce dirigeant controversé mais déterminé, bien décidé à ne pas se laisser dicter sa conduite par des sanctions qu’il juge infondées.
Les premières décisions et prises de position du président Ousmanov seront donc suivies avec la plus grande attention. Elles donneront le ton d’un mandat qui s’annonce d’ores et déjà comme l’un des plus complexes et des plus disputés de l’histoire de la FIE. À suivre, donc…