C’est une petite révolution qui se profile outre-Rhin. Alice Weidel, la sulfureuse co-présidente de l’Alternative für Deutschland (AfD), parti d’extrême droite, vient d’être désignée tête de liste pour les élections législatives anticipées du 23 février prochain. Une candidature loin de faire l’unanimité, y compris dans son propre camp, mais qui en dit long sur les ambitions de cette économiste de 45 ans.
Un parcours semé de controverses
Originaire de l’ouest de l’Allemagne, Alice Weidel n’est pas étrangère aux polémiques. Son grand-père fut un fonctionnaire du parti nazi, un lourd héritage qu’elle s’efforce de minimiser. Mais ce sont surtout ses prises de position radicales, notamment sur l’immigration, qui font d’elle une figure clivante de la politique allemande.
Pourtant, c’est bien sous sa houlette, et celle de son homologue Tino Chrupalla, que l’AfD a réalisé une percée historique ces derniers mois. Avec 19% d’intentions de vote, le parti talonne désormais la CDU et devance même le SPD du chancelier Olaf Scholz. Une dynamique que Weidel compte bien capitaliser.
Nous voulons remettre l’Allemagne sur le devant de la scène
Alice Weidel, candidate AfD à la chancellerie
Un programme radical pour « sauver » l’Allemagne
Lors de l’annonce officielle de sa nomination, Alice Weidel n’a pas mâché ses mots. Devant un parterre de sympathisants, et sous les huées de militants antifascistes, elle a dressé le portrait d’une Allemagne au bord du gouffre, minée par le déclin économique et la perte de souveraineté. Sa solution ? Un virage à 180 degrés.
- Stopper l’immigration et expulser les clandestins
- Sortir de l’euro et retrouver le Deutsche Mark
- Renationaliser les entreprises stratégiques
- Réinvestir massivement dans l’armée et la police
Un programme qui fleure bon le repli nationaliste et la nostalgie d’une grandeur perdue. Mais qu’importe pour Alice Weidel qui promet de redonner à l’Allemagne « la prospérité, la paix et la liberté ». Des mots qui résonnent chez une frange de plus en plus large de la population, déçue par les partis traditionnels.
Un soutien en demi-teinte au sein de l’AfD
Malgré ses accents triomphateurs, Alice Weidel est loin de faire l’unanimité dans son propre camp. Selon des sources internes, sa désignation comme tête de liste relèverait plus d’un choix par défaut que d’une véritable adhésion. Beaucoup lui reprochent son intransigeance et son côté sanguin, peu compatible avec l’exercice du pouvoir.
D’autres pointent du doigt son manque d’expérience et sa méconnaissance des rouages de la politique fédérale. Des lacunes qui pourraient lui coûter cher dans l’hypothèse, encore improbable, d’une victoire de l’AfD aux élections. Car si le parti aspire à entrer au gouvernement, il n’a jamais exercé de responsabilités au niveau national.
Une stratégie électorale risquée
En faisant le pari d’Alice Weidel, l’AfD joue gros. Certes, la candidate incarne le renouveau et porte un discours ferme qui séduit un électorat de plus en plus déboussolé. Mais elle cristallise aussi les oppositions et pourrait effrayer les indécis, peu enclins à confier les clés du pays à un parti perçu comme extrémiste.
Consciente de ce handicap, Alice Weidel s’efforce d’adoucir son image et de rassurer sur sa capacité à gouverner. Elle multiplie les apparitions médiatiques et les rencontres avec les milieux économiques, promettant stabilité et retour à l’orthodoxie budgétaire. Une stratégie de normalisation qui peine cependant à convaincre au-delà de son socle électoral.
Les autres partis sous pression
Qu’elle l’emporte ou non, la candidature d’Alice Weidel met en tout cas une pression maximale sur les autres formations politiques. Les conservateurs de la CDU/CSU, en perte de vitesse, sont sommés de durcir leur discours sur les thèmes identitaires s’ils veulent endiguer l’hémorragie de leurs électeurs vers l’AfD.
Quant au SPD et aux Verts, ils doivent impérativement remobiliser leur base progressiste face à la menace d’une droite décomplexée. Un défi d’autant plus ardu que ces partis peinent à capitaliser sur leur bilan au gouvernement, jugé trop timoré par beaucoup d’Allemands.
Alors Alice Weidel sera-t-elle la première chancelière d’extrême droite de l’histoire allemande ? Rien n’est moins sûr au regard des multiples obstacles qui se dressent sur sa route. Mais sa candidature à elle seule suffit à chambouler un paysage politique en pleine recomposition. Et à rappeler que les vieux démons ne sont jamais loin, même au cœur de l’Europe.