Il y a des victoires qui font plus que remplir une ligne au palmarès. Elles marquent une rupture, un tournant, presque un symbole. Mercredi à Hongkong, Alexis Lebrun a décroché ce type de victoire en dominant l’Allemand Dang Qiu, 9e mondial, en cinq sets maîtrisés. Pour la première fois depuis douze longues années, un Français passe un tour aux Finales WTT, l’équivalent des Masters de tennis. Et quelque chose nous dit que ce n’est que le début.
Un Exploit Qui Fait Trembler l’Histoire du Ping Français
Reprenons calmement les faits. Alexis Lebrun, 21 ans, 10e joueur mondial, affrontait Dang Qiu, un adversaire qu’il n’avait jamais battu en trois rencontres officielles. Un joueur solide, régulier, connu pour sa défense hermétique et ses contre-attaques fulgurantes. Pourtant, dès les premiers échanges, on a senti autre chose. Une forme de sérénité froide, presque effrayante chez le Français.
Le score final : 8-11, 11-7, 11-9, 12-10, 11-8. Un match en cinq manches qui raconte tout sauf une promenade de santé. Un premier set perdu logiquement, puis une montée en puissance irrésistible. Des points gagnés dans la douleur, des rallyes interminables, et surtout cette capacité à rester lucide quand le bras tremble. C’est exactement ce qui sépare les bons joueurs des futurs très grands.
Comment Alexis a renversé un adversaire pourtant favori
Le tournant ? Probablement le quatrième set. Mené 8-10, Alexis sauve deux balles de 2-2 avec un sang-froid glacial, enchaîne quatre points d’affilée et remporte la manche 12-10. À partir de là, Dang Qiu ne s’en remettra jamais. Le Français a littéralement éteint l’Allemand mentalement.
Techniquement, Lebrun a varié à la perfection : topspin lourds croisés, services courts piégeux, bloc actif agressif et surtout une lecture du jeu en acceleration qui a complètement déréglé le rythme de Qiu. On a vu un joueur mature, loin de l’image du jeune talent brut qu’on lui collait encore il y a deux ans.
« Je savais que j’étais prêt. J’ai travaillé toute l’année pour ce genre de match. Battre Dang Qiu ici, c’est une immense satisfaction mais je n’ai rien gagné encore. »
Alexis Lebrun, juste après sa victoire
12 ans d’attente : pourquoi cet exploit est historique
Pour comprendre l’ampleur du moment, il faut remonter à 2013. À l’époque, Abdel-Kader Salifou créait la surprise en battant un adversaire au premier tour avant de s’incliner en quarts. Depuis ? Rien. Zéro victoire française en douze éditions. Les meilleurs Tricolores butaient systématiquement dès leur entrée en lice face à l’armada chinoise ou aux Européens solides.
Alexis Lebrun vient de briser cette malédiction. Et il l’a fait avec la manière, face à un joueur du top 10, dans une arène de Hongkong bouillante. Ce n’est pas une petite porte de sortie dérobée. C’est une entrée fracassante dans le grand monde.
Et maintenant ? Direction Wang Chuqin… ou presque
En quarts de finale, Alexis pourrait retrouver le maître absolu : Wang Chuqin. Le Chinois, numéro 1 mondial, tenant du titre et vainqueur de quatre tournois majeurs cette saison, affronte d’abord le Japonais Sora Matsushima. Autant dire que le vainqueur de ce match sera ultra-favori.
Mais attention : on a déjà vu des surprises. Et Alexis Lebrun, avec son jeu ultra-offensif et sa confiance actuelle, a les armes pour créer l’impossible. Il l’a déjà prouvé face à Lin Yun-ju, face à Calderano, et maintenant face à Dang Qiu. Pourquoi pas face au patron ?
Félix et Simon dans le sillage : la France peut rêver plus grand
Ce qui rend l’histoire encore plus belle, c’est qu’Alexis n’est pas seul. Jeudi, son frère Félix (15e mondial) défie le Brésilien Hugo Calderano (6e), tandis que Simon Gauzy affronte le phénomène japonais Tomokazu Harimoto (5e). Trois Français en lice dans le top 16 mondial de fin de saison, c’est du jamais-vu depuis… très longtemps.
Si les trois passent leur premier tour, on pourrait vivre un week-end complètement fou à Hongkong. Deux frères Lebrun en demi-finales ? Un podium 100 % français ? On n’ose même pas l’écrire, mais le rêve est permis.
La génération Lebrun, ou la fin de la domination chinoise ?
Depuis les années 2000, le tennis de table mondial vit sous le règne sans partage de la Chine. Les Finales WTT, c’est un peu leur jardin. Pourtant, cette année 2025 marque peut-être le début de quelque chose. Les Européens reviennent. Les frères Lebrun, Truls Möregårdh, Timo Boll en fin de carrière mais toujours là… Une nouvelle vague arrive.
Alexis et Félix incarnent parfaitement cette relève. Formés à Montpellier, portés par une famille entièrement dédiée au ping, ils ont gravi les échelons à une vitesse folle. Top 10 mondial à 21 et 18 ans, ça ne s’était jamais vu en France. Et surtout, ils gagnent. Régulièrement. Contre tout le monde.
Ce que cette victoire dit de l’état du tennis de table français
Derrière les frères Lebrun, tout un écosystème progresse. Simon Gauzy reste solide dans le top 20. Prithika Pavade explose chez les filles. Les jeunes poussent. La fédération investit enfin correctement. On commence à parler infrastructure, préparation physique de haut niveau, staff dédié. Bref, on sort du bricolage.
Cette qualification d’Alexis n’est pas un feu de paille. C’est le fruit d’un travail de longue haleine. Et ça paye. Enfin.
Alors oui, on peut encore perdre en quarts. Oui, la Chine reste ultra-favorite. Mais quelque chose a changé. Le ping français n’a plus peur. Il joue. Il gagne. Et il donne envie de croire à nouveau.
Rendez-vous jeudi et vendredi pour la suite. Quel que soit le résultat, Alexis Lebrun a déjà marqué l’histoire. Mais on sait tous qu’il n’a pas envie de s’arrêter là.
Prochains matchs des Français aux Finales WTT 2025
• Félix Lebrun vs Hugo Calderano (jeudi)
• Simon Gauzy vs Tomokazu Harimoto (jeudi)
• Alexis Lebrun vs vainqueur Wang Chuqin / Sora Matsushima (vendredi)
Le ping français vit peut-être ses plus belles heures depuis l’époque de Jean-Philippe Gatien. Et franchement, on n’a pas fini d’en parler.









