Avez-vous déjà imaginé cette scène cauchemardesque ? Vous voilà au volant, filant à vive allure sur l’autoroute… quand soudain, surgissant de nulle part, une voiture arrive droit sur vous, tous phares allumés. En une fraction de seconde, vous réalisez avec effroi qu’elle roule à contresens ! Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, ce scénario se produit en réalité plusieurs fois par jour sur les autoroutes françaises. Près de 400 véhicules s’engagent ainsi à contresens chaque année, avec hélas de lourdes conséquences. Décryptage d’un phénomène aussi dangereux qu’inquiétant.
Une série noire sur les autoroutes
Ces derniers mois, les tragiques faits divers impliquant des véhicules à contresens se sont multipliés aux quatre coins de l’Hexagone. Le 17 octobre, un terrible accident sur l’A31 à Mondelange a coûté la vie à deux personnes. Quelques jours plus tôt, le 8 octobre, un autre drame mortel s’est noué sur l’A84 près d’Avranches. En avril dernier, un motard a perdu la vie sur l’A20 en Haute-Vienne. Deux morts également début mars près de Toulouse, sur l’A68. Trois autres dans le Gard en février… Une sinistre litanie, témoin d’un phénomène particulièrement préoccupant.
Selon les données des sociétés d’autoroutes, on recense ainsi pas moins de 400 circulations à contresens en moyenne par an sur le réseau autoroutier français. Un chiffre alarmant, d’autant que cette tendance semble s’aggraver depuis quatre ans. Rien que depuis septembre 2024, une dizaine de cas ont déjà été dénombrés.
Des conducteurs âgés et désorientés
Mais qui sont ces automobilistes qui s’engagent ainsi, par mégarde, à contresens sur ces voies où l’on roule pourtant à très grande vitesse ? D’après les analyses, dans près de la moitié des cas, il s’agit de personnes âgées de plus de 70 ans. Désorientées, souvent à la suite d’une erreur de parcours, elles font demi-tour devant un péage ou empruntent une mauvaise bretelle d’accès.
Ici, vous avez un bon exemple. N’importe qui venant de la droite là-bas peut aisément, malgré les quatre panneaux de sens interdit, prendre une direction à contresens. Majoritairement, c’est de cette manière que les contresens se produisent.
Chef d’escadron de gendarmerie Sylvain Leprêtre
Alcool et stupéfiants en cause
L’autre moitié des conducteurs impliqués ont, quant à eux, leurs capacités altérées par des substances psychoactives : alcool, drogues ou médicaments. Dans 70% des cas étudiés l’an passé, l’automobiliste avait fait demi-tour au niveau d’un péage ou pris une mauvaise entrée.
Pour Patrick, confronté par trois fois à des véhicules à contresens, ces situations sont traumatisantes. En particulier ce jour de Noël où, évitant de justesse la collision frontale avec un couple de retraités hagards, il a réalisé que :
Ça aurait pu être très, très grave. Souvent, il y a des morts. Il y a eu deux accidents depuis, sur le même tronçon aux alentours de Montauban, et deux morts à chaque fois. Ce n’est vraiment pas anecdotique.
Patrick
Des moyens de lutte insuffisants ?
Face à ce danger, les forces de l’ordre peinent à intervenir efficacement. La seule parade dont disposent les gendarmes consiste à créer un bouchon mobile en amont, en zigzaguant sur l’autoroute pour stopper le flux devant le chauffard égaré. Une manœuvre périlleuse, rendue complexe par les délais d’intervention.
On est souvent appelés par des usagers de la route et ici, on roule à 130 km/h. Le temps qu’ils comprennent, réagissent et nous appellent, il y a plusieurs kilomètres qui se passent. Vraiment, c’est la bête noire des autoroutes.
Adjudant Morgan Cherbonnel
Et si la vidéosurveillance déployée par les sociétés d’autoroutes, couplée à l’intelligence artificielle, permet désormais de détecter plus rapidement les anomalies, ces dispositifs restent concentrés sur les points noirs du réseau. Entre deux caméras, un conducteur fantôme peut ainsi sillonner les voies à contresens pendant de longues minutes, semant la panique sur son passage.
Rester vigilant pour limiter les drames
Alors comment se prémunir face à ce péril routier bien réel ? Pour les conducteurs, la consigne est claire. En cas d’alerte, ralentissez immédiatement, ne doublez surtout pas et, si possible, garez-vous sur la première aire de repos venue, en sécurité. Une vigilance de chaque instant qui, si elle ne peut empêcher tous les drames, reste primordiale pour tenter d’endiguer ce fléau des voitures fantômes.
En attendant, c’est peu dire que le phénomène préoccupe les professionnels de la route. Car au-delà des vies fauchées et des familles endeuillées, il en va aussi de la sérénité de millions d’usagers quotidiens. Ceux-là mêmes qui, chaque fois qu’ils prennent le volant, ne peuvent s’empêcher de penser : et si, au détour d’un virage, surgissaient face à moi les phares d’un véhicule égaré ? Un cauchemar éveillé, devenu réalité bien trop souvent sur les autoroutes de France.