Alors que les prix de l’énergie flambent, un nouveau rapport de la Cour des comptes vient sonner l’alerte sur le mode de financement des réseaux électriques français. Ce dernier, qualifié de « péage électrique », risque en effet d’alourdir fortement les factures des consommateurs dans la décennie à venir. Une pilule difficile à avaler pour les ménages déjà étranglés par l’inflation galopante…
Un « péage électrique » qui fait polémique
Le fameux « péage électrique » épinglé par les magistrats de la rue Cambon n’est autre que le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE). Ce dernier permet de rémunérer les gestionnaires des réseaux, à savoir RTE pour la haute et très haute tension, Enedis pour la moyenne et basse tension, ainsi que quelques entreprises locales de distribution.
En clair, il s’agit d’une taxe prélevée sur chaque mégawattheure transitant par les réseaux pour acheminer l’électricité des centrales jusqu’aux consommateurs finaux. Un « péage » indispensable au bon fonctionnement et à la maintenance des infrastructures, mais dont le mode de calcul est jugé opaque et inflationniste par la Cour des comptes.
Un mode de financement jugé « trop favorable » aux opérateurs
D’après le rapport, le TURPE serait en effet bien trop généreux envers RTE et Enedis. La Cour estime que ces derniers ont bénéficié chacun d’un « gain financier de près de 500 millions d’euros » entre 2017 et 2023, notamment en raison d’une surévaluation du risque lié à leurs investissements.
Une rente de situation qui se traduirait par des tarifs excessifs pour les usagers. Les Sages de la rue Cambon recommandent donc de revoir la copie sur le mode de rémunération des gestionnaires de réseaux, ainsi que leur politique de distribution de dividendes, afin de contenir la hausse du TURPE.
Des besoins d’investissements colossaux dans les réseaux
Le hic, c’est que RTE et Enedis font face à des besoins d’investissements massifs pour moderniser et adapter leurs infrastructures aux nouveaux défis énergétiques. Le développement des énergies renouvelables, l’électrification des usages ou encore l’essor des bornes de recharge nécessitent en effet de lourds travaux.
RTE table ainsi sur une enveloppe de 100 milliards d’euros d’ici 2040, tandis qu’Enedis devra débourser pas moins de 96 milliards sur la même période. Des montants faramineux qui devront, in fine, être répercutés sur la facture des consommateurs via le fameux « péage ».
Un risque de surdimensionnement temporaire des réseaux
Pour ne rien arranger, la Cour des comptes met en garde contre un possible surdimensionnement des réseaux dans les années à venir. En effet, RTE et Enedis anticipent une forte croissance de la consommation électrique pour calibrer leurs investissements.
Or, cette dernière est pour le moment en berne, en raison notamment des efforts de sobriété et d’efficacité énergétique consentis par les ménages et les entreprises. Un décalage qui fait peser le risque d’avoir, temporairement, des réseaux surdimensionnés et donc plus coûteux que nécessaire.
Des tarifs réseaux qui pourraient flamber de 21% d’ici 2030
Au final, la Cour des comptes estime que le TURPE pourrait augmenter de 10 euros par mégawattheure entre 2023 et 2030, soit une hausse de 21% sur la période ! Un choc tarifaire qui viendrait s’ajouter à l’envolée des prix de l’électricité sur les marchés de gros.
Une évolution difficilement soutenable pour le pouvoir d’achat des ménages, déjà mis à rude épreuve ces derniers mois. Le gouvernement est donc plus que jamais sous pression pour réformer en profondeur le mode de financement des réseaux électriques français.
Un casse-tête pour le gouvernement
Mais l’exécutif marche sur des œufs sur ce dossier ultra-sensible. Car s’il faut impérativement contenir l’envolée des factures pour préserver le portefeuille des Français, il est tout aussi crucial de donner aux gestionnaires de réseaux les moyens d’investir massivement pour réussir la transition énergétique.
Un dilemme cornélien qui va nécessiter beaucoup de doigté et de pédagogie de la part du gouvernement. Ce dernier va devoir arbitrer finement entre la protection du pouvoir d’achat et la modernisation de notre système électrique, deux priorités difficilement conciliables à court terme.
Vers une refonte globale de la tarification de l’électricité ?
Au-delà de la question épineuse du TURPE, c’est toute l’architecture tarifaire de l’électricité qui mériterait d’être repensée en profondeur selon certains experts. L’objectif serait de la rendre plus lisible, plus incitative et mieux adaptée aux nouveaux modes de production et de consommation.
Certains plaident notamment pour une tarification plus dynamique, avec des prix variant en fonction de la tension sur le réseau. D’autres militent pour un système davantage basé sur l’effacement ou le stockage afin d’optimiser les usages. Autant de pistes qui nécessiteront un vaste débat public et des choix politiques forts dans les années à venir.
Des consommateurs en première ligne
En attendant, les consommateurs risquent donc de trinquer, pris en tenaille entre la flambée des prix de l’énergie et l’inéluctable hausse du « péage électrique ». Un cocktail détonnant qui va nécessiter un accompagnement renforcé des ménages les plus fragiles pour éviter une explosion de la précarité énergétique.
Reste à savoir si le gouvernement saura trouver les bons leviers pour concilier justice sociale et impératif de transformation de notre modèle énergétique. Une équation à plusieurs inconnues qui s’annonce d’ores et déjà comme l’un des défis majeurs du quinquennat à venir.
Pour aller plus loin
Si ce sujet vous intéresse, n’hésitez pas à consulter le rapport complet de la Cour des comptes qui détaille de manière très précise les enjeux et les écueils du mode de financement actuel des réseaux électriques français.
Vous pouvez également suivre l’actualité du secteur de l’énergie qui s’annonce particulièrement riche dans les mois et années à venir, avec de nombreuses réformes attendues pour tenter de concilier transition énergétique, souveraineté et pouvoir d’achat.
Une chose est sûre : la question du juste prix de l’électricité, et de son mode de financement, sera au cœur des débats politiques et sociétaux pour longtemps ! Un dossier à suivre de très près donc…