En 2011, un économiste chevronné prenait les rênes de la Côte d’Ivoire, un pays marqué par une décennie de crise. Alassane Ouattara, alors âgé de 69 ans, entamait un règne qui transformerait le visage de cette nation ouest-africaine. Aujourd’hui, à 83 ans, il se présente pour un quatrième mandat à l’élection présidentielle du 25 octobre 2025, consolidant son statut de figure centrale de la politique ivoirienne. Mais qui est cet homme, et comment son parcours a-t-il façonné la Côte d’Ivoire contemporaine ?
Un Parcours d’Économiste à Président
Alassane Ouattara, souvent surnommé ADO, n’était pas destiné à devenir une figure politique incontournable. Né en 1942 à Dimbokro, au cœur de la Côte d’Ivoire, cet homme issu de l’ethnie malinké a grandi dans un contexte où l’éducation était une porte vers l’excellence. Une grande partie de sa scolarité s’est déroulée au Burkina Faso voisin, un détail qui, plus tard, alimenterait les controverses autour de sa nationalité.
Sa carrière internationale débute au Fonds monétaire international (FMI), où il gravit les échelons pour devenir un économiste respecté. Par la suite, il dirige la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), renforçant son expertise en gestion économique. En 1990, il est appelé par Félix Houphouët-Boigny, considéré comme le père de la nation ivoirienne, pour occuper le poste de Premier ministre. Cette nomination marque son entrée dans l’arène politique.
Les Obstacles de l’Ivoirité
Le chemin vers la présidence n’a pas été sans embûches. À la mort d’Houphouët-Boigny en 1993, la question de la nationalité d’Ouattara devient un sujet brûlant. Ses détracteurs, adeptes de l’ivoirité, une idéologie xénophobe visant à exclure les prétendus « non-Ivoiriens », remettent en cause son éligibilité. En 2000, sa candidature à la présidentielle est rejetée pour « nationalité douteuse », un revers qui le marginalise temporairement.
La Côte d’Ivoire plonge alors dans une crise politique majeure. Entre 2002 et 2011, le pays est divisé entre un Nord contrôlé par les rebelles soutenant Ouattara et un Sud tenu par le président Laurent Gbagbo. Cette période, marquée par des tensions ethniques et politiques, culmine avec la crise post-électorale de 2010-2011, où la victoire d’Ouattara à la présidentielle est contestée, entraînant des violences qui font plus de 3 000 morts.
« Si on ne laisse pas aux autres la capacité de se battre pour être au pouvoir, ce n’est plus la démocratie », a déclaré Laurent Gbagbo, adversaire historique d’Ouattara.
Un Bilan Économique Contrasté
Depuis son accession au pouvoir en 2011, Ouattara a misé sur une politique économique libérale pour redorer le blason de la Côte d’Ivoire. Le pays, premier producteur mondial de cacao, a connu une croissance impressionnante, dépassant souvent les 7 % par an. Des investissements massifs dans les infrastructures – routes, ponts, stades, électrification rurale – ont transformé le paysage ivoirien, attirant de nombreux investisseurs étrangers.
Cette réussite macroéconomique est toutefois nuancée. Les inégalités sociales persistent, et la corruption reste un fléau. L’endettement public, avoisinant 60 % du PIB, inquiète certains observateurs. De plus, les secteurs de l’éducation et de la santé publique souffrent de lacunes criantes, un point souvent soulevé par les critiques du président.
Indicateur | Données |
---|---|
Croissance économique | ~7% par an |
Endettement | ~60% du PIB |
Production de cacao | Premier mondial |
Un Leader International Respecté
Sur la scène internationale, Ouattara jouit d’une réputation solide. La réussite de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en janvier 2024 a renforcé l’image d’une Côte d’Ivoire dynamique et organisée. Cependant, la dégradation de la situation sécuritaire au Sahel pose de nouveaux défis. Les pays voisins, comme le Burkina Faso, dirigés par des juntes militaires hostiles, sont confrontés à des menaces jihadistes. La Côte d’Ivoire, pour l’instant, parvient à contenir ces risques.
Un proche du président résume ainsi son influence : L’Afrique a très peu de dirigeants comme Ouattara. Il a l’expérience, la sérénité, la connaissance du monde, c’est un interlocuteur essentiel dans la région.
Stabilité Interne, mais à Quel Prix ?
Sur le plan intérieur, la Côte d’Ivoire a retrouvé une certaine stabilité sous Ouattara. Cependant, cette stabilité s’accompagne d’une gouvernance autoritaire. Les manifestations sont rarement autorisées, et les principaux opposants, comme Laurent Gbagbo, sont exclus des élections par des décisions judiciaires. En 2021, Gbagbo, acquitté par la justice internationale, a été autorisé à rentrer au pays et gracié, un geste perçu comme un pas vers la réconciliation nationale. Mais Ouattara n’a pas franchi le pas d’une amnistie totale, maintenant son rival à l’écart de la course électorale.
Ce contrôle strict du jeu politique suscite des critiques. L’opposition dénonce des dérives autoritaires et accuse Ouattara de choisir ses adversaires pour garantir sa victoire. En 2015, il est réélu avec 83 % des voix, puis en 2020 avec 94 %, après une révision controversée de la Constitution. L’élection de 2020, marquée par des violences faisant 85 morts, a renforcé l’image d’un président inflexible.
Un Quatrième Mandat en Vue
En 2020, Ouattara avait annoncé son intention de passer la main, mais la mort soudaine de son successeur désigné, Amadou Gon Coulibaly, l’a poussé à se représenter. Aujourd’hui, à l’approche de l’élection de 2025, il se positionne comme le favori, face à une opposition affaiblie. Ses partisans le présentent comme le leader naturel, vantant son expérience et sa vision pour le pays. Mais la question de la succession reste en suspens. Ouattara évoque une « demi-douzaine de successeurs potentiels », sans pour autant céder la place.
Pour mieux comprendre l’impact de son règne, voici un résumé de ses réalisations et défis :
- Croissance économique : Une moyenne de 7 % par an, portée par le cacao et les investissements.
- Infrastructures : Routes, ponts, et électrification rurale ont transformé le pays.
- Inégalités : Les écarts sociaux persistent, avec des critiques sur la corruption.
- Sécurité : La menace jihadiste au Sahel reste contenue, mais vigilante.
- Politique : Une stabilité retrouvée, mais marquée par une gouvernance autoritaire.
Quel Avenir pour la Côte d’Ivoire ?
À l’aube de l’élection de 2025, la Côte d’Ivoire se trouve à un carrefour. Alassane Ouattara, fort de son expérience et de son bilan, incarne pour beaucoup la stabilité et le progrès. Mais pour d’autres, son emprise sur le pouvoir freine l’émergence d’une démocratie véritable. La réconciliation nationale, bien que timidement amorcée, reste fragile. Les inégalités et la menace sécuritaire au Sahel rappellent que les défis sont nombreux.
Le président, à 83 ans, continue de dicter le rythme du jeu politique. Mais jusqu’à quand ? La question de sa succession, qu’il évoque sans la concrétiser, plane sur l’avenir du pays. Pour l’heure, Ouattara semble décidé à poursuivre sa mission, porté par une vision économique ambitieuse et une stature internationale affirmée. Reste à savoir si la Côte d’Ivoire, sous son égide, saura répondre aux aspirations de sa jeunesse et apaiser les tensions du passé.