Depuis maintenant 59 jours, Laila Soueif, âgée de 68 ans, mène un combat acharné pour son fils. Alaa Abdel Fattah, blogueur et opposant politique égypto-britannique de 43 ans, croupit injustement dans une prison égyptienne depuis 5 longues années. Malgré un état de santé préoccupant dû à une perte de poids fulgurante, cette mère courage refuse de mettre un terme à sa grève de la faim tant que son fils ne sera pas libéré.
Une détention arbitraire qui n’a que trop duré
En septembre 2019, Alaa Abdel Fattah avait été arrêté par les autorités égyptiennes pour avoir dénoncé, dans un texte partagé en ligne, les actes de torture perpétrés dans les geôles du pays. Condamné en 2021 à 5 ans de prison pour « diffusion de fausses informations », il aurait dû être remis en liberté fin septembre de cette année.
Mais les autorités ont refusé de prendre en compte sa période de détention provisoire. Un déni de justice inacceptable pour sa mère qui a entamé sa grève de la faim le jour-même où son fils aurait dû être libéré. Depuis, elle ne lâche rien, au péril de sa santé et de sa vie, comme elle l’a confié.
Une figure de la révolution égyptienne de 2011
Alaa Abdel Fattah n’est pas un opposant comme les autres. Blogueur influent et hackitiviste, il a été l’une des figures de proue de la révolution de 2011 qui a renversé le président Hosni Moubarak. Son combat pour plus de liberté et de démocratie dans son pays lui a valu d’être incarcéré à de multiples reprises depuis 2006.
Mais loin de le faire taire, la répression n’a fait que renforcer sa détermination et sa stature. Devenu la bête noire du président actuel Abdel Fattah al-Sissi, il incarne la résistance face à un régime qui bafoue les droits humains les plus élémentaires. Selon les ONG, des dizaines de milliers de prisonniers politiques croupissent actuellement dans les geôles égyptiennes, souvent dans des conditions effroyables.
Londres sommé d’agir pour son ressortissant
En 2022, Alaa Abdel Fattah a réussi à obtenir la nationalité britannique grâce à sa mère née au Royaume-Uni. Un atout de taille dans son combat puisque Londres est désormais directement concerné par son sort. Reçue mercredi par le chef de la diplomatie britannique David Lammy, Laila Soueif l’a exhorté à tout mettre en œuvre pour faire pression sur Le Caire.
Si le ministre s’est engagé à « continuer de faire pression », il a aussi souligné l’importance des relations commerciales et diplomatiques entre les deux pays. Le Premier ministre Keir Starmer aurait évoqué le cas lors d’une rencontre avec le président al-Sissi en août. Mais pour l’heure, ces démarches n’ont pas permis d’obtenir la libération du blogueur.
La vie d’une mère en jeu
Très affaiblie par sa grève de la faim, Laila Soueif a prévenu qu’il serait « très gênant pour les gouvernements britannique et égyptien » si sa santé venait à se dégrader davantage. « Il est possible de résoudre cette situation, et de le faire rapidement. C’est ce sur quoi je parie, avec ma santé et ma vie », a-t-elle martelé avec une détermination intacte.
Son combat est aussi celui de milliers de familles égyptiennes qui ont un proche injustement emprisonné. À travers sa grève de la faim, elle porte la voix de tous ces prisonniers politiques privés de liberté et de dignité. Et interpelle la communauté internationale sur la situation dramatique des droits humains en Égypte.
Alors que chaque jour qui passe fragilise un peu plus Laila Soueif, la mobilisation s’intensifie pour exiger la libération immédiate et sans condition d’Alaa Abdel Fattah. De nombreuses ONG et personnalités à travers le monde ont exprimé leur soutien et appellent les autorités égyptiennes à mettre fin à cette détention arbitraire. Il en va de la vie d’un homme, mais aussi de celle d’une mère prête à tout sacrifier pour son enfant.
Le monde entier a les yeux rivés sur l’Égypte et sa gestion calamiteuse des voix dissidentes. Le régime du président al-Sissi, qui se targue d’être un rempart contre l’islamisme, ne peut continuer de faire fi des principes démocratiques les plus élémentaires. Libérer Alaa Abdel Fattah serait un premier pas vers plus de justice et d’humanité. Et permettrait à une mère de serrer enfin son fils dans ses bras, après tant d’années de séparation et de souffrance.